« I was born in this building
It was the first Tuesday I had ever seen
And if I live to see tomorrow
It will be my Tuesday number 2119 »
Mars 2014. Daniel Gildenlöw, frontman de
Pain of Salvation, a contracté une fasciite nécrosante, infection bactérienne mortelle. Son pronostic vital engagé, il est hospitalisé en urgence à Uppsala en Suède dans l'établissement qui l'a vu naître le mardi 5 juin 1973. Lors cet autre mardi bien plus tragique où il retourne sur le lieu de sa naissance, il frôle la mort : c'est la raison pour laquelle il espère avec fatalisme vivre le deux mille cent dix-neuvième mardi de son existence. Notre homme le vivra, à la faveur d'une thérapie de plusieurs mois, passée enfermé dans une chambre. Mieux même, durant les moments où la maladie le laisse tranquille, il écrit des pages et des pages sur sa perception des choses durant ces temps terriblement incertains, notamment les vers utilisés pour introduire cet album et cette chronique. Cette terrible épreuve avait de quoi donner un sacré coup de fouet à son groupe formé en 1991 en Suède, après le diptyque des
Road Salt (2010, 2011) et
Falling Home (2014). Entouré par Léo Margarit (batteur), Daniel Karlsson (claviers), Gustaf Hielm (basse) et Ragnar Zolberg (guitare), il sort
In The Passing Light of Day trois ans après cet événement qui aura occasionné de nombreuses crises existentielles. Un vendredi 13.
Forcément et plus que jamais, son ego et sa personnalité complexe ruissellent de cet album concept dédié à sa rémission inespérée. Il en hante la pochette – notamment le motif principal – en monarque absolu, avec de multiples photographies qui mettent en scène ces tranches de vie avec une intensité presque christique. On ne peut de toutes façons pas apprécier
Pain of Salvation sans avoir assimilé cette omnipotence : ici, l'ensemble n'est peut-être pas du meilleur goût et manque peut-être un peu de pudeur. En tout cas, cet intriguant chef-d'orchestre se dévoile, se montrant tantôt fort, tantôt faible, mais aussi recentré autour de ses familles : celle qu'il a créée et celle qu'il s'est choisi se voient mélangées au fil des pages. En effet, son guitariste Ragnar Zolberg lui a offert un ancien morceau de son groupe
Sign, « Rockers Don't Bathe » et ainsi permis d'en faire le tube monumental de cet album, « Meaningless ». Habillé de la parure de désespoir que les lignes de chants de Daniel Gildenlöw donnent à cette reprise, avec son refrain obsédant et ses multiples envolées classieuses qui témoignent de son instabilité pendant cette période, il se marie parfaitement avec le concept global. De même, le vocaliste dédie à son tour cette œuvre à sa femme Johanna Iggsten, « son amour et sa meilleure amie » (c'est à elle que sont lancés les « lover, best friend » qui ornent la pochette de ce disque et son dernier morceau). Elle qui a du le porter à bouts de bras durant ces moments tragiques et à qui il écrit l'une des plus belles chansons d'amour du genre, « Silent Gold ». Cette ode extraordinairement émouvante à la
Neil Young a le potentiel pour faire vaciller le cœur de n'importe qui, moi le premier.
Cette ballade magnifique ne doit pourtant pas faire oublier la noirceur et le dynamisme des nouveaux hymnes qui habitent ce
In The Passing Light of Day. Disons-le tout de go : à peu de choses près, ce disque est un chef-d'oeuvre. Ce supplément d'âme que l'expérience tragique vécue par le frontman de
Pain of Salvation offre à sa musique et ses paroles inonde tous les recoins de cette offrande, qui s'avère aussi sombre dans son metal progressif, avec son déluge de guitares agressives, que lumineux dans son propos, avec ses paroles touchantes et des réflexions habiles sur les tressaillements de la vie. Cet album sublime d'ailleurs l'une des principales forces du groupe : la gestion des ruptures de ton, plus que jamais électrisantes et déstabilisantes. « On a Tuesday » l'envoie directement sur les chapeaux de roue avec son déluge de guitares ciselées et son pattern de batterie tout en contre-temps subtils, révélant la précision chirurgicale avec laquelle Léo Margarit rythme les opus de
Pain of Salvation depuis l'EP
Linoleum en 2009. À la faveur de breaks lunatiques qui surprennent et font mouche à chaque fois – comme ces quelques notes de piano et de hautbois qui viennent interrompre l'avoinée initiale – ce morceau évolue vers une ballade presque électro qui vient chanter avec grâce les tourments de notre homme.
Bordel, qu'est-ce que c'est beau! Tout simplement.
In The Passing Light of Day enchaîne les mélodies ultimes, tantôt douces, tantôt pugnaces, bien souvent les deux en même temps. Il n'y a qu'à voir celles que contiennent « The Taming of a Beast », qui a tout l'air d'être un tube rock progressif inoffensif, parsemé de quelques notes d'orgue, avant de tartiner la tronche avec un assaut de riffs écrasants, notamment ce refrain gorgé de lignes de chant badass qui fait retentir un « I want to taste it all ! » rageur. Le « breakdown » qui vient relancer le morceau avant sa conclusion lui donne un supplément de violence, que le combo impulse et dose parfaitement dans son metal progressif ici. Ne jamais se fier aux apparences avec
Pain of Salvation. « Reasons », qui porte totalement la signature des Suédois dans ce qu'ils ont de meilleur, prend le chemin inverse, débutant avec un mur de guitares déchaîné pour dévoiler ensuite sans transition une petite mélodie obsédante, reprise à moult reprises dans un refrain totalement virtuose dans sa rythmique, tout en contre-temps. Daniel Gildenlöw s'essaye même à des riffs et des lignes de chant qui lorgnent vers le hardcore et ses expérimentations sont totalement réussies. « Full Throttle Tribe », qui prend ses distances avec les tribus sociales de tout acabit dans des paroles habiles, est tout aussi virtuose dans ses patterns de batterie complexes et ciselés. Quel batteur, ce Leo Margarit! Comme tous ses comparses, il a l'air de ne pas y toucher, mais que son jeu sur les cymbales et la caisse claire est impressionnant! Une dextérité démentielle, pour peu qu'on y jette l'oreille. Le refrain qu'il rythme avec maestria propose une gradation anaphorique très accrocheuse qui restera en tête pendant un moment :
« This will be my tribe, my family
This will be my flag and nation
This will be my creed, my legacy
Will you follow me ?
This will be my tribe, my family
This will be my generation
This will be my life, my legacy
Will you follow me ? »
Vous vous surprendrez à le susurrer. Tout comme celui de « Reasons », d'ailleurs (« This are the reasons, the reasons... » hante mon cerveau avec persistance). Toutefois, malgré ce beau sentiment d'urgence et l'inspiration fulgurante qui transpirent de ses pores,
In The Passing Light of Day souffre de quelques longueurs : « Angels of Broken Things » me paraît dispensable, tout comme « If This Is the End » et son riff de guitare sèche accompagné d'accordéon, bien qu'il décolle avec ses « Stay! » et ses guitares agressives. Il nous rappelle à sa manière que ce disque ne se repose jamais sur ses lauriers et saura toujours surprendre. Son morceau éponyme résume à lui seul le génie de ce disque et nous rappelle à quel point il est réussi. Ce que l'on croit être une petite balade anodine qui débute avec des instruments à vent et se poursuit par un arpège contemplatif qu'on croirait sorti d'un album d'Eddie Vedder, sur lequel se pose la voix grave de Daniel Gildenlöw, évoluera, tout comme la voix du frontman qui utilise plusieurs tessitures sans sourciller tout au long de l'album, vers un riff libérateur, résolument lumineux, qui conclut avec une grande cohérence ces 15 minutes de bonheur en plus. « The Passing Light of Day » achève avec brio un disque qui a tout du remède miracle, pour ses musiciens comme ses auditeurs, tant il fourmille de détails essentiels qui ne souffriront pas des multiples réécoutes nécessaires pour en saisir toute la saveur. S'il a un côté plus direct et affirmé que ses glorieux aînés, ce disque nécessairement à part dans la discographie de
Pain of Salvation n'en est pas moins alambiqué et instable, à l'image de son leader. Alors qu'il évoquera l'historique
Remedy Lane (2002) dans ses thématiques comme dans le génie remuant de ses compositions, nul doute que les fans du combo comme les curieux y trouveront leur compte.
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