Craven Idol - Forked Tongues
Chronique
Craven Idol Forked Tongues
J'ai toujours vu Craven Idol comme un bon groupe de black/thrash mais auquel il manquait quelque chose pour pouvoir jouer dans la cour des Grands. Comme si la formation anglaise n'utilisait pas encore tout son potentiel que j'estimais supérieur. Cela tombe bien, ce Forked Tongues sorti en juin dernier sur Dark Descent Records se présente comme le troisième album du combo, étape que l'on juge souvent comme une des plus importantes dans la carrière d'un groupe. Soit il reste à jamais dans sa catégorie milieu de tableau, soit il franchit un cap et peut désormais jouer, si ce n'est le titre, au moins les places pour la Ligue des Champions. Une qualification que je lui octroierais d'office pour cette pochette absolument magnifique signée Eliran Kantor, sans doute l'une de ses plus belles réalisations.
Sa place dans la cour des Grands toutefois, Craven Idol ne la doit qu'à lui-même. Car oui, Forked Tongues fait enfin passer les Britanniques dans une autre dimension. Enfin ils nous montrent l'étendue de leurs capacités. Foutre Satan, quelle tuerie ! Sans bouleverser sa formule, le quatuor a réussi à sublimer son black/thrash en le rendant à la fois plus brutal (les blast-beats sont de sortie !), plus varié, plus épique et surtout plus inspiré, plus marquant. En résulte quarante minutes de pure jouissance auditive pour tous les fans du style, notamment ceux qui comme moi sont déçus de la tournure que prend l'une des formations les plus emblématiques de la scène, Deströyer 666. Les Australiens restent en effet plus que jamais l'influence principale de Craven Idol (parfois même un peu trop), que ce soit dans cette voix arrachée et vindicative (quelques fois couplée à du growl chez les Londoniens), ces trémolos aux mélodies heavy épiques qui tournent dans tous les sens ou ces riffs guerriers appuyés. Sauf que les Anglais en ont gardé le meilleur. Si D666 n'est plus bon qu'à faire du satanic speed metal au rabais, sorte de sous-Motörhead cornu mais mollasson, Craven Idol réunit tous les éléments qui ont fait le succès d'albums tels que Unchain the Wolves, Phoenix Rising, Cold Steel... for an Iron Age et même le sous-estimé Defiance. C'est-à-dire ce côté mélodique et épique prenant, grandiose, tout en n'ayant pas peur de montrer les crocs, retrousser ses manches et aller botter des culs dans des bars mal famés. Très anglais, finalement. Le combo sait ainsi fort bien se montrer rock n' roll dans ses élans les plus simples et efficaces ("Iron Age of Devastation" vers la fin, "Even the Demons" à 0'47, 1'37 et 4'26, "Forked Tongues" à 0'40 et 1'27, "Deify the Stormgod" à 6'55 ...), moments fort plaisants auxquels on peut rajouter les quelques "ugh" du guitariste frontman Immolator of Sadistik Wrath en forme d'hommage du Finlandais à l'un des précurseurs du genre, ou encore les deux-trois rires diaboliques un peu kitsch mais qui collent tellement bien. Des passages speed/thrash à l'ancienne qui côtoient des séquences beaucoup plus brutales et sombres (le côté black, très présent) ou carrément épiques à l'image des deux derniers morceaux "The Gods Have Left Us for Dead" et "Deify the Stormgod", ma piste préférée avec ce refrain en chant clair bien viril qui fait serrer le poing et bomber le torse tout en collant des frissons. On peut d'ailleurs noter cette montée en puissance en trois étapes sur l'album. Trois premiers morceaux assez courts qui sautent à la gorge, deux suivants un peu plus longs et développés au milieu et les deux derniers qui y vont à fond sur l'epicness en dépassant chacun les neuf minutes qui passent comme papa dans maman après cinq enfants.
Craven Idol n'avait jusque-là jamais su exploiter pleinement son potentiel ? C'est désormais chose faite sur cet excellent Forked Tongues. Tout n'est pas encore parfait, deux-trois passages s'avèrent plus anecdotiques comme cette reprise peu engageante à 3'54 sur "Forked Tongues" après une courte pause (les échanges vocaux "ugh" et "yee-ha" assez incongrus) et le son des guitares a parfois tendance à grésiller et à se faire trop strident, impression assez désagréable par moment (ou c'est la qualité du promo mp3 ...). On pourrait aussi se plaindre que certaines séquences se font trop calquées sur D666. Néanmoins, les reproches restent rares. Difficile en effet de ne pas saluer le travail réalisé, la qualité des riffs, des leads et autres solos et de l'atmosphère générale. Quinze ans après sa formation, voilà enfin le groupe à pleine maturité, lui qui signe son chef-d'œuvre, l'un des albums de 2021 les plus marquants et certainement l'un des meilleurs disques de black/thrash depuis des années (le 9/10 n'était pas loin !). Un black/thrash à la fois épique et majestueux, brutal et efficace et que l'on ne se lasse pas de faire tourner. Un autre groupe anglais signé sur Dark Descent Records n'a pas connu la même fortune l'an passé (suivez mon regard ...). Craven Idol et ce Forked Tongues, c'est en fait exactement ce que Deströyer 666 n'arrive plus à faire depuis plus de dix ans.
| Keyser 27 Mars 2022 - 1242 lectures |
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