Il est toujours frustrant quand un disque ne nous plaît pas autant qu’on le voudrait. Et pourtant, comment ne pas acclamer ce qu’a créé ici Tristan Shone, aka Author & Punisher ?
Clairement,
Beastland montrait que le projet était arrivé au bout de son concept, celui visant à composer un doom metal industriel par des machines conçues de ses propres mains. Trop chromé, produit, ses atmosphères brutes d’autrefois adoptant la stérilisation d’un chirurgien hors-pair au point de nous endormir durant l’opération, cet album bien trop maîtrisé et calculé faisait tirer un trait sur ce qui avait tant estomaqué sur
Women & Children et
Melk en Honing : cette générosité toute américaine dans l’exploration d’un doom bestial, futuriste, porte d’entrée à un imaginaire où les mégalopoles de Blade Runner, le transhumanisme de Tetsuo, se vivaient aussi bien dans les yeux que dans les veines.
Il fallait changer, muter une nouvelle fois. C’est désormais chose faite avec
Krüller, Author & Punisher embrassant pleinement ses appétences pop que l’on sentait prêtes à émerger autrefois. Certes, l’amateur ne sera pas totalement surpris par cette nouvelle direction, plus accessible et accrocheuse. L’EP
Pressure Mine ainsi que quelques titres possédant cette même beauté diaphane et corrosive à la fois en tête, il plongera dans ces nouvelles cinquante-et-une minutes avec un sentiment d’accomplissement appuyé par les réussites que sont « Drone Carrying Dread », « Centurion » ou encore « Misery » (morceau où l’ombre de
Women & Children plane). Non pas une révolution, mais une évolution supplémentaire d’une formation qui n’a jamais cessé de se transformer, prenant une nouvelle tangente sans quitter tout à fait son propre fil rouge, celui d’une construction d’un futur cyberpunk vécu la rage au ventre.
Pourtant, quand vient l’heure de s’extasier, voilà que je me retrouve embêté. Embêté par ce déséquilibre dont
Krüller ne se dépêtre jamais, alternant entre moments enivrants, riches de la personnalité de leur créateur à l’esthétique brutaliste et sensible, et instants aussi formellement bien faits que… plats. « Drone Carrying Dread » et le morceau-titre sont de parfaites introduction et conclusion, explosions de sentiments et peintures d’un décor mélancolique et dominateur ? « Incinerator » et « Maiden Star » frôlent l’écœurement avec leur accumulation de lignes mélodiques, pâmoison et glycémie, des titres excessifs pour qui ne goûte ni Deftones, ni Devin Townsend. « Centurion » et « Misery » rappellent la puissance de suggestion dont est capable Tristan Shone, cette bête surhumaine à force d’augmentations ? « Blacksmith » se révèle trop avide, passant de riffs faisant directement mouche à des déconstructions de moins en moins prenantes.
Comme au sujet d'une succession de tirs savamment coordonnés mais ne gardant pas toujours l’auditeur dans leur viseur,
Krüller est de ces œuvres où l’expression « hit and miss » prend tout son sens. Le plus bel exemple est à trouver dans « Glorybox », reprise de Portishead aussi osée que réussie, mais dont l’insertion dans cet album fait se demander si, à trop vouloir enchanter et marquer, Author & Punisher n’a pas passé au second plan la cohérence d’ensemble faisant le prix de ses œuvres antérieures (une réécoute de
Women & Children et
Melk en Honing se révèle clairement défavorable pour le ci-présent disque).
J’ai l'impression permanente d’être trop dur envers un artiste qui essaye – et parvient de nombreuses fois – de dépasser ses fondations industrielles pour emmener le genre plus loin, dessinant de nouvelles manières d’exploiter ses qualités sans les dénaturer (le propos désabusé et passionné à la fois, toujours présent). Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser qu’une telle œuvre, aussi gorgée d’influences diverses que de collaborateurs de premier choix (des membres de Tool en invités à mettre sur le sticker collé sur la pochette), aurait pu – dû – frapper avec plus de force qu’ici.
Krüller, plus qu’en lui-même, rend curieux de la suite qui lui sera apportée, une suite que j’attends avec impatience. Ce qui, pour un projet sur lequel j’avais tiré un trait avec
Beastland, est un petit succès, bien qu’insuffisant.
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