Si les Américains ont pris la bonne habitude de flamber au Hellfest ces dernières années, discographiquement parlant, on avait déposé CLUTCH sur le bas côté d’un « Strange Cousins From The West » bien moins fédérateur. C’était en juillet 2009 et mon manque d’enthousiasme, couplé à une culture stoner tenant alors sur une feuille de papier à cigarette, m’avaient à l’époque dissuadé d’en faire une chronique. Plus posé, explorant la fibre d’un blues de rase campagne au détriment de la virtuosité rock plus urbaine du génial
« From Beale Street To Oblivion », ce neuvième album n’était pas fait pour moi. Mais aujourd’hui (ou plutôt hier, « Earth Rocker » étant quasiment sorti il y a un an jour pour jour), changement de braquet ! Boosté par la ferveur de festivaliers en mode
Pure Rock Fury, CLUTCH passe la vitesse supérieure (et puisqu’on en est à exhumer la 1ère place de feu PANTERA au Bilboard en 1994 avec « Far Beyond Driven », embrayons sur leur très honorable 15ème position vingt ans plus tard, un record pour le groupe de Germantown).
Ma science de la pierre qui roule valant désormais bien le contenu d’un paquet de Camel, me voilà en mesure de remonter un peu plus le fil d’une riche carrière, débutée en 1990 sous la forme d’un groupe de hardcore (GLUT TRIP). Oh, bien sûr, pas de là à assurer le trajet jusqu’à « Transnational Speedway League » mais suffisamment pour rassurer les amateurs du populaire
« Blast Tyrant » ; dès le premier coup de pédale wah wah, « Earth Rocker » lâche les chevaux et nous présente un CLUTCH beaucoup plus nerveux, limite bourrin lorsqu’il accélère le tempo sur l’irrésistible morceau du même nom. Un titre d’ouverture sur lequel Neil Fallon en fait des caisses et bien plus encore, entre rires graveleux forcés et refrain basique scandé jusqu’à la panne d’essence. Qu’on se rassure. Si le combo du Maryland ne tient pas jusqu’au bout la même cadence effrénée, la première partie de l’album regorge de hits calibrés pour la scène. La méthode CLUTCH ? Un déhanché groove donnant dans l’indécent dès les premières mesures (« Mr. Freedom »), des riffs plus gras que les entre-doigts de POPA CHUBBY (« Crucial Velocity », « Unto The Breach ») et, histoire de conclure en moins de temps qu’il n’en faut pour tomber le ceinturon, des refrains d’anthologie à siffler jusqu’à plus soif, comme les roteuses finissant leur course sur l’égérie d’une pub pour bière sans alcool (« D.C. Sound Attack ! »). Tout sauf canada dry, ce CLUTCH là envoie donc du lourd, du solide, de l’efficace. Une stratégie à sens unique ou presque, avec la seule « Gone Cold » en déshérence sur la bande d’arrêt d’urgence. Une baisse de régime bienvenue pour un titre absolument superbe, qui s’extirpe d’autant mieux du tracklisting qu’avec sa gueule d’atmosphère de fin de route pour clandestin balancé hors du train, plus dure est la chute de tension. Sur « Gone Cold », tout n’est que renoncement, tentative de suicide au cendrier de verre brisé et plaies béantes cicatrisées à la clope. Dommage que Neil Fallon, qui a pour l’occasion bouffé le piano, le jazzman et ses partoches en se rinçant le gosier au crachoir, ne soit pas aussi habité sur la deuxième moitié de l’album, nettement moins emballante.
Bien sûr, CLUTCH ne démérite pas et tout attendu qu’il soit, le final se laisse suivre comme une bonne série B ; prévisible mais fonctionnelle en diable, la section rythmique Jean Paul Gaster/Dan Maines fait le métier sur « Cyborg Bette », « The Face » et « Book Saddle E Go », trois titres auxquels il ne manque pas grand-chose pour maintenir la pression rock n’ roll d’un démarrage tout feu tout flamme. Avec de meilleurs refrains et un brin de surprises supplémentaires, ils auraient pu se hisser au niveau de l’irrésistible « Oh, Isabella », la seule des cinq dernières piste à éblouir plein phares. Passant soudain du niveau d’un « Duel » au plus léger « Joyride » de John Dahl, « Earth Rocker » n’a donc ni le magnétisme de l’usine à tubes
« Blast Tyrant », ni la variété de jeu d’un
« From Beale Street To Oblivion ». Dommage que les membres du quatuor ne l’aient pas joué davantage collectif (pour la première fois de leur carrière, ils ont enregistré dans leur coin chacune de leurs parties), ce très réussi dixième album laissant trop de gomme derrière lui pour semer la patrouille. Crime presque parfait !
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