Évacuons d’entrée un débat potentiel : Author & Punisher peut sembler ne pas avoir droit de cité au sein d’un webzine metal pour les bêtes raisons qu’il n’utilise pas de guitare/batterie ou ne colle pas avec le bazar auquel nous sommes habitués, sa place ici lui est en réalité acquise, en premier lieu car il est un one man band essentiellement destiné à des amateurs de metal (sa signature sur le label Seventh Rule – maison ayant hébergé des sorties de Atriarch, Coffinworm ou Batillus – ne trompe pas), en second car il n’y a pas nécessairement besoin d’user d’outils traditionnels pour donner la certitude d’appartenir à la « scène ». Et la catégorie reine dans laquelle baigne le projet de Tristan Shone est avant toutes choses – attention, les puristes feraient bien de fermer les yeux – le doom.
Ne vous en faites pas, mes oreilles fonctionnent parfaitement bien ! Il est clair que la forme laisse plutôt penser que Tristan (beau prénom) œuvre exclusivement sur le territoire des musiques électroniques. Sa machine, construite de ses propres mains, utilise des couches rythmiques et mélodies éparses (le piano de « Tame as a Lion » et « Pain Myself ») le destinant de prime abord à d’autres publics que celui de ce site. Pourtant,
Women & Children use de sa création d’une manière évoquant davantage le doom et le drone passés à la moulinette industrielle en transformant ses sons vaporeux et rythmes down tempo en monolithes (« Fearce » par exemple).
Les autres essais du Ricain pratiquaient déjà cette appropriation originale des codes d’un genre par des « instruments » peu orthodoxes. La différence de
Women & Children par rapport à ses prédécesseurs se situe dans des compositions marquant moins leur volonté d’écraser pour mieux prendre à revers.
Ursus Americanus (ainé direct de l’album nous intéressant ici) finissait par laisser indifférent à force d’appuyer sur les graves : Tristan a visiblement fait amende honorable de son manque d’équilibre, son quatrième jet acculant moins d’une lourdeur tangible au profit d’un jeu sur les atmosphères où cohabitent moments dévastateurs (« In Remorse », un peu ce que le
Posthuman de JK Flesh vise sans parvenir à l’atteindre) et passages étonnamment mélancoliques bien que gardant un fond glauque, à la manière de « Pain Myself » et son final où le chant se fait progressivement plus présent, plus morbide, jusqu’à devenir hurlement.
On parle bien de musique lente, hantée, se servant avec une justesse étonnante de sa simplicité de surface. Peut-être
Women & Children rappellera à d’autres plus expérimenté que moi une formation en particulier : je n’en trouve aucune à laquelle m’accrocher, les Godflesh, P.h.o.b.o.s ou Scorn ne suffisant pas à signifier ce que contient ce longue-durée de primordial, que ce soit dans sa violence ou ses ballades supportant mal le mot, tant on y est harcelé, traqué voire martyrisé aussi bien que lors des morceaux assumant pleinement leur brutalité (la douce-amère « Miles from Home », sorte de cliché négatif de « Melee » et cependant pareillement obsédante).
En fait, la meilleure manière d’esquisser ce que réalise ici Author & Punisher est d’imaginer Rutger Hauer dans son rôle de Roy Batty, un des Replicants du film
Blade Runner, derrière les machines ayant servi à créer
Women & Children. Un être hybride capable de figurer ses émotions avec une candeur confondante avant de s’élancer une minute plus tard vers sa proie à l’aide de son corps d’athlète parfait, paraissant semblable au nôtre et néanmoins surhumain, aussi meurtrier qu’impressionnant durant sa courte durée d’existence (en quarante minutes, pas le temps de s’ennuyer mais bien celui d’en redemander) ayant l’avantage de le faire briller deux fois plus. Clairement un gros coup de cœur de cette année.
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