Heinous - Ritual, Blood And Mysterious Dawn
Chronique
Heinous Ritual, Blood And Mysterious Dawn
On l’a souvent dit et répété mais la Belgique sous son air calme et paisible recèle en son sein une cohorte de formations à la brutalité exacerbée et à la violence débridée, célébrant tout autant la mort et le gore que Satan et ses légions diaboliques. C’est dans cette seconde option qu’évolue HEINOUS qui bien qu’étant encore quasiment inconnu par chez nous ne va pas tarder à sortir de l’anonymat et de l’underground, tant son premier album déboulant de nulle-part va probablement faire partie des meilleures sorties Black Metal de l’année toutes familles confondues. Possédant en son sein nombre de vieux briscards locaux faisant ou ayant fait leurs armes au sein d’ENTHRONED, POSSESSION ou encore SLAUGHTER MESSIAH l’hydre à six têtes nous renvoie en plein dans les années 90, tant sa musique violente et légèrement harmonique sent le soufre et nous rappelle les grandes heures du catalogue Adipocère et les sujets racoleurs d’M6 sur les profanateurs et ados suicidaires. Car si instantanément le style débridé et la production granuleuse peuvent faire croire à une suite du mythique « Towards The Skullthrone Of Satan » - fer de lance du genre au sein du plat pays, l’entité ne s’est pas contentée de faire un copier-coller vu qu’elle propose une musique certes classique et convenue, mais à la noirceur et chaleur intégrales qui suinte la haine et la faucheuse par tous les bouts et dont la qualité générale est indéniable.
En effet dès l’introduction terminée on va être happé par « Ritual, Blood And Mysterious Dawn » qui sent le grand bouc par tous les pores avec cette impression de chaos constant, porté par ce chant tout en reverb’ venu du fin fond des enfers et où se mêle intelligemment des variations rythmiques entre longs blasts enflammés et parties remuantes énergiques, et où s’ajoute quelques discrètes nappes de claviers. Si tout cela est très standard dans la forme autant que dans l’exécution ça fait parfaitement le boulot, tant c’est de suite accrocheur et ne débande à aucun moment vu que la vitesse ici comme sur le reste de l’opus sera majoritaire et prépondérante, mais sans tomber dans la redondance malgré une certain répétition des plans. Car effectivement tout cela va parfois se ressembler et même donner l’impression de copier-coller mais on ne va pas en tenir rigueur, vu que tout cela est parfaitement entraînant et offre néanmoins quelques subtiles variations aidées en cela par une durée idéale qui ne s’étire jamais inutilement. Si « Eternal Curse Of The Knights » qui s’enchaîne juste après semble être la suite non-officielle de la plage précédente (en gardant cette même force de frappe) elle voit aussi l’apparition d’un côté remuant hyper agréable, qui va s’accentuer sur les épiques « Last Days Of The Apostates » et « Seven Sins Of The Light » au mid-tempo affirmé et aux accents guerriers renforcés où l’envie d’en découdre est flagrante. Tout ça en étant toujours aussi diversifié rythmiquement et où quelques accents mélodiques et symphoniques apparaissent subtilement, sans pour autant tomber dans le kitch.
Car les nappes de synthés ne sont pas les tenants et aboutissants de cette galette où l’électricité va rester prédominante, néanmoins celles-ci amènent à chaque fois de la densité supplémentaire qui ajoute de la lumière et un peu d’espoir à un rendu très sombre où la damnation éternelle semble être le crédo. Néanmoins avec « Unholy Fate » les choses vont prendre une tournure différente car la rapidité va être moins mise en avant via une lenteur plus présente d’où émergent des accents fantasmagoriques, afin d’amener un soupçon de féérie qui renvoie autant vers EMPEROR que VARGRAV. Si cette plage va surprendre de prime abord de par cette tournure lumineuse plus marquée cela ne nuit en rien à l’homogénéité globale et à qualité de l’écriture, qui reste toujours aussi intensive et dont le point culminant est l’ultra-dense « Cursed King’s Death » dont la furia va s’extérioriser avec plus de fulgurances, tout en laissant le temps aux différentes ambiances de s’installer. En effet après un long moment suffocant où l’on sent que le combat est imminent de par une ambiance tribale écrasante (histoire de préparer l’auditeur au déferlement haineux qui va suivre), les légions de Satan vont aller dégager radicalement l’ennemi religieux à grands coups de blasphèmes, tortures et autres joyeusetés tant dévoilées à différentes époques par Fra Angelico, Jerome Bosch, John Martin ou encore Gustave Doré.
Finissant à fond la caisse afin d’achever l’auditoire le sextet nous balance en à peine plus d’une demi-heure six compositions à la fois glacées et caniculaires qui montrent un vrai savoir-faire, et où toute l’expérience de ses membres se dévoile entièrement. Aidé par quelques solos bien sentis qui amènent un soupçon de mélodie l’entité signe un premier jet très réussi qui passera facilement le cap des écoutes, tant il se digère facilement et se voit mis en avant par une écriture sobre et immédiate où la technique bien que présente n’en fait jamais des tonnes. Bel hommage sérieux et sincère d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître cet album respire l’authenticité malgré ses aspects un peu passe-partout et sa durée qui file à toute allure (on aurait bien repris un ou deux titres en rabe) n’a pas le temps de lasser. Autant dire qu’il serait dommage de passer à côté et ce même s’il sera difficile de mémoriser un morceau plus qu’un autre, car on passe un bon moment immédiat et sans fioritures, tout en faisant un voyage agréable à une époque où l’underground était quelque chose de sérieux et n’était pas devenu un phénomène de mode comme aujourd’hui, même si ici cet hommage au Malin se dégustera bien goulument en criant "Hail Sathanas".
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