Avant d’attaquer cette nouvelle chronique, j’avais d’abord dans l’idée de vous parler du EP
Despotic Rule sorti notamment en cassette il y a un tout petit peu plus de deux ans chez Iron Lung Records. Cependant, après quelques vérifications d’usage, il s’avère que les deux morceaux qui y figurent, soit "Philosophical Collapse" et "Despotic Rule", sont également présents au tracklisting de ce nouvel album paru il y a quelques jours sur le label canadien Profound Lore Records. Du coup, bien qu’en règle générale je sois plutôt du genre à compléter les discographies des groupes que je chronique, j’ai choisi de faire l’impasse sur cette modeste sortie et de m’intéresser plutôt à ce deuxième essai "longue durée" histoire d’être dans les temps, de coller au mieux à l’actualité du moment et de ne pas me rajouter du boulot inutile.
Intitulé d’ailleurs
Philosophical Collapse, celui-ci voit un groupe dont le line-up n’a pas bougé d’un iota s’envoler cette fois-ci pour le Redwoods Studio de Philadelphie sous la directive d’un producteur bien connu, monsieur Arthur Rizk himself ! Côté artwork, le groupe de Boston est cette fois-ci allé solliciter les talents du Serbe Stefan Todorović aka Khaos Diktator (Devourment, Lock Up, Of Feather And Bone, Oraculum, Vacivus…) qui à cette occasion signe une oeuvre dont la nature épique et la mise en scène quasi-biblique rappelle d’une certaine manière le travail d’un Eliran Kantor. Bref, nul doute que cette réalisation devrait mettre un peu plus de personnes sur le chemin des Américains que l’illustration pourtant fort sympathique de son prédécesseur.
Bien que quatre années aient passé depuis la sortie de
Punishment In Flesh, peu de chose ont véritablement changé du côté d’Innumerable Forms qui poursuit ici ses pérégrinations en terres Death / Doom sans remettre quoi que ce soit en question. De fait, si la formule proposée jusque-là par les cinq garçons de Boston n’a jamais réussi à vous émouvoir d’une manière ou d’une autre, il y a effectivement très peu de chances que ce soit le cas aujourd’hui avec ce
Philosophical Collapse puisqu’il marche à grandes enjambées dans les pas de son prédécesseur. Ainsi, les influences plus ou moins évidentes de formations telles que Paradise Lost, Winter, Eternal Darkess, Evoken, My Dying Bride ou Anathema demeurent toujours aussi évidentes avec là encore pour spécificité de ne pas s’attacher à ces ambiances automnales et mélancoliques symptomatiques du Peaceville Three mais plutôt à la construction et au développement d’atmosphères beaucoup plus sombres et désespérées.
Servi par une production moderne mais néanmoins empreinte d’un certain caractère (à la fois abrasive et puissante sans pour autant en faire des caisses),
Philosophical Collapse avance sans grande surprise les mêmes arguments que précédemment. L’album est ainsi marqué par cette dynamique faite d’alternances entre séquences froides et plombées (parfaites pour la saison qui se profile), de mid-tempo non dénués de groove et de passages nettement plus agressifs qui vont naturellement contraster avec ces moments les plus moribonds. Rien de nouveau ni de sorcier dans cet équilibre parfaitement respecté mais encore une fois là n’est pas l’essentiel. Non, ce que l’on retiendra c’est surtout que de ces passages les plus pesants ("Philosophical Collapse" à 0:45, "Built On Wrought" à 2:17, la première moitié de "Lifeless Harvest", ces monolithes de désespoir que sont les excellents "Bleeding Time" et "Sleeping In Light"...) à ces secousses les plus furieuses et intenses ("Philosophical Collapse" à 0:15, "Built On Wrought" à 1:10, "Incremental" à 1:15, les premiers instants de "Deified Tyrants", "Despotic Rule" à 3:13...) en passant par ces quelques mid-tempos irrésistibles (les premières secondes de "Built On Wrought", "Deified Tyrants" à 1:46, "Thrall" à 3:44...), Innumerable Forms continue de nous saper le moral tout en prenant un malin plaisir à nous rouer de coups. Un sadisme dont on va évidemment se régaler...
Autre source de réjouissance, ces nombreuses mélodies dispensées tout au long de l’album sous solos et autres leads par une paire de guitaristes tout sauf manchots. Un travail soigné qui effectivement ne verse pas vraiment dans un registre mélancolique à la Paradise Lost ou à la Anathema (bien que l’on puisse tout de même trouver ici et là quelques réminiscences comme sur "Thrall" à 0:29) mais préfère dérouler des atmosphères froides et désabusées tout au long de ces trente-huit minutes qui puent autant la défaite et le pessimisme que la rage et la colère. De "Philosophical Collapse" à 1:59, à "Built On Wrought" à 3:29 en passant par "Incremental" à 2:41, "Lifeless Harvest" à 3:49, "Bleeding Time" à 0:32 ou "Deified Tyrants" à 2:48, nombreux sont ainsi les passages où Innumerable Forms réussi à nous coller la chair de poule ou à nous trainer de gré ou de force six pieds sous terre.
Comme on pouvait s’en douter,
Philosophical Collapse ne diffère pas de son prédécesseur puisqu’à vrai dire celui-ci s’inscrit comme la suite directe de
Punishment In Flesh et cela malgré les quatre années qui les séparent. Comme on pouvait également s’en douter, celui-ci s’avère tout aussi excellent avec toujours ce savoureux mélange de Death Metal caverneux et particulièrement volontaire, de Doom lancinant, atmosphérique et processionnaire et de séquences mélodiques aussi délicieuses qu’envoutantes. Bref, une formule que le groupe de Boston maitrise une fois encore sur le bout des doigts et qui se fiche bien de savoir si elle sonne "originale" ou "novatrice" (car non, ce n’est pas le cas, loin de là...).
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