C’est quoi l’expression déjà ? « Blast from the Past » ? Oui, je fais celui qui cherche ses mots alors que c’est le nom du split de
CRUSHER et
MERCYLESS sorti en 2015 chez
Deadlight Entertainment. Mais il reste que ce premier album des anciennement
FRAYEURS, à savoir «
Corporal Punishment », oui c’est une branlée cuisante venue du passé. Et autant dire que 1992, pour nombre d’entre vous, ce doit être la putain de préhistoire ! Vous n’étiez même pas un vague projet lointain et papa tartinait probablement, grand bien lui fasse, d’autres biscottes que celle à maman. Pas d’Internet, pas de smartphone, Mulhouse était la capitale française du
death metal et j’avais alors environ quinze ans. Bon sang, lorsque je voyais passer cette putain de pochette dans les magasines de l’époque ça me rendait fou de ne pas posséder ce disque, ayant pour la première fois écouté du
CRUSHER l’année suivante avec l’EP «
Act II : Undermine! », sans doute du fait d’une meilleure distribution dans les lointaines provinces.
Si je devais rapidement faire un peu d’histoire, il s’agirait tout d’abord de préciser qu’entre 1989 et 1991,
FRAYEURS (
death grind) a édité trois démos qui avaient déjà bien contribué à l’installer dans le paysage musical et que les mecs ont ensuite décidé de se rebaptiser
CRUSHER, un nom qui claque tout autant pour un virage… Bah ce n’est pas tellement un virage au final. C’est vrai que les démos étaient peut-être plus orientées
grind hardcore et que les vocaux étaient moins systématiquement « growlés » mais les onze titres présentés ici sont bel et bien du pur
death sauvage avec cependant un léger filet de
grind et, si la couverture n’est guère appétissante, le contenu, lui, nous fait replonger directement dans tout ce que l’on appréciait alors : un truc peu technique, basiquement brutal (ou brutalement basique) avec cependant quelques atouts majeurs qui ont de suite fait de ce groupe un outsider incontesté : la batterie de
Charly et la présence vocale de
Crass. Le premier est à l’aise sur tous les tempos, des blasts (pas de gravity blast, cela n’existait pas encore) aux mids bien pesants, boostant ainsi bien souvent des riffs encore trop convenus. Le second gardant un peu de ses anciennes intonations
hardcore grind (« Immigrant Exploitation », quarante-trois secondes) mais se positionnant globalement dans un registre grave qui en faisait l’un des frontmen les plus efficaces et radicaux du moment.
Il ne faudrait pas non plus que je minimise le travail des trois autres protagonistes :
Pascal Thomas, qui avait la lourde responsabilité d’assurer les solos ne s’en sort pas si mal, compensant un manque de technicité par des dérapages de manche et une agressivité sans faille, alors que la partie rythmique portée par
Raphaël Jouguet (basse) et
Pierre Goldbach (guitare) prouve tout du long sa rigueur et son efficacité permanente, ainsi que sa précision : les riffs sont impeccablement exécutés, sans approximation au regard des rythmes élevés imposés.
Sinon, bien sûr qu’il est plein de défauts ce «
Corporal Punishment ». On a notamment parfois l’impression que les mecs ont voulu écrire un truc tellement extrême qu’ils ont perdu de vue que peu de monde serait apte à supporter les près de quarante-cinq minutes que dure le disque, surtout en 1992 où le
death metal commençait à peine à déferler sur le monde. Cependant, bien aidé par l’excellent travail de mixage du studio
Bras d’Or et par le mastering impeccable du
Translab, chaque composition s’avère être parfaitement audible en dépit d’un niveau de brutalité qui pouvait alors s’aligner sur les monstres de l’époque. Et surtout, c’est la garantie de retrouver un style, une approche, un touché (non, pas rectal) à mon sens inégalés depuis. Evidemment, j’apprécie énormément de formations
death contemporaines, là n’est pas la question, mais il se passait clairement un truc durant les années 90, «
Corporal Punishment » étant l’un des nombreux enfants bâtards de cette décennie : perdu dans la masse des sorties majeures d’alors et ensuite trop vite oublié par le flot incessant de l’ère numérique. Il est temps de réhabiliter ce petit gars difforme et de lui faire prendre l’air, vous verrez, il a encore assez d’énergie pour vous faire oublier vos derniers coups de cœur éphémères.
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