Après deux albums autoproduits récemment réédités par le label français Percussive Spectre (
Profane Verses Of Murderous Rhetoric et
Miasmic Eulogies Predicating An Eternal Nocturne), Dead And Dripping vient rejoindre les rangs du label indien Transcending Obscurity Records (Death Courier, Depravity, Marasmus, Vomitheist, Wombbath...). Un bon en avant en termes d’exposition qui devrait naturellement permettre au one-man band américain mené par Evan Daniele (batteur des excellents Sentient Horror) de gagner en visibilité. En tout cas, après deux longue-durée aussi encourageant l’un et l’autre, c’est bien là tout le mal que l’on peut naturellement lui souhaiter.
Si les artworks réalisés par Alex Shadrin et Noizevul ne manquaient certainement pas de charmes, Evan Daniele a choisi cette fois-ci de faire appel aux talents de son compatriote Jason Wayne Barnett, chanteur de Petrification et illustrateur reconnu à qui l’on doit déjà quelques travaux pour des groupes tels qu’Astriferous, Maul, Power Trip ou bien encore les Bretons de Vaisseau. Une œuvre qu’évidemment j’affectionne particulièrement en grande partie grâce à ces couleurs pour le moins chatoyantes mais aussi à cause de tous ces monstres et autres corps déformés sortis tout droit d’un imaginaire délicieusement dérangé. Bref, il n’en fallait pas plus pour me donner l’eau à la bouche même si le premier extrait dévoilé il y a maintenant quelques semaines a évidemment fini de me chauffer à blanc.
Puisque l’on ne change pas une équipe qui gagne, ce troisième album de Dead And Dripping a une fois de plus été enregistré, mixé et masterisé par Scot Moriarty. Cependant, à la différence de ces deux prédécesseurs (mais surtout de
Profane Verses Of Murderous Rhetoric),
Blackened Cerebral Rifts bénéficie cette fois-ci d’une production bien moins compacte sans pour autant perdre en authenticité et en caractère. Très naturelle avec tout de même ce zest de modernité inhérent à ces productions contemporaines, celle-ci laisse l’opportunité à chaque instrument de s’exprimer librement et surtout à l’auditeur de s’y retrouver malgré la complexité évidente de ces compositions à la fois brutales et techniques. Des trois albums du one-man band, celle de ce petit dernier est probablement la plus équilibrée et la plus convaincante (quel plaisir par exemple de pouvoir entendre cette basse métallique ou bien encore cette caisse claire claquante et hyper dynamique). Ainsi, ce que Dead And Dripping perd en densité il le gagne en clarté. Un choix une fois encore judicieux puisque sans nuire aux proposes de Dead And Dripping, cela va permettre à ceux qui poseront leurs oreilles sur le Death Metal de l’Américain d’appréhender leur immersion de manière relativement aisée.
Une production idéale pour espérer pénétrer l’univers tarabiscoté d’Evan Daniele et de son Death Metal à la fois technique, brutal et progressif qui emprunte donc toujours autant à Demilich qu’à Cryptopsy, Gorgasm, Disgorge, Cerebral Effusion ou bien encore Meshuggah. Car à l’image de ses deux prédécesseurs, ce qui rend la musique de Dead And Dripping si délectable ici ce sont ces nombreux et perpétuels changements de rythmes et de plans qui se succèdent dans un maelstrom sans nom. Une déferlante de riffs et de blasts, de fulgurances et de saccades, de breaks soudains et inattendus et d’accélérations intenses, de passages lourdingues, décousus ou au groove absolument indécent... Des éléments mis bout à bout dans le cadre de compositions cohérentes (oui, oui) mais à la musicalité évidemment complexe et exigeante. En effet, ne vous attendez pas à pouvoir siffloter de sitôt quelques-uns des morceaux de ce troisième album tant ils pourront en effet vous paraitre complètement hermétiques, en tout cas de prime abord. A ce titre il y a fort à parier que certains d’entre vous resteront tout à fait insensibles aux charmes pourtant évidents de Dead And Dripping tant apprécier sa formule demande de pouvoir faire fi de certains cadres jugés ici beaucoup trop rigides.
Après trois chroniques relatives à Dead And Dripping en l’espace de trois mois, j’ose espérer que vous avez saisis de quoi il retourne exactement. Certes, on a tous déjà entendu plus brutal, plus technique ou plus original mais il n’en reste pas moins que le one-man band propose quelque chose de frais et très intéressant qui, même en 2023, propose de sortir des sentiers battus. Alors plutôt que de radoter une fois encore sur la qualité de la scène Brutal Death actuelle et de ses travers dans lesquels une grande majorité des groupes semblent vouloir se complaire, faites-moi plaisir et jetez une oreille à ce nouvel album qui par bien des aspects (illustration particulièrement engageante, production à la fois équilibrée et efficace, compositions parfaitement balancées entre brutalité, technique, intensité, groove...) se hisse à ce jour comme la meilleure sortie signée par Evan Daniele. Une belle et franche réussite qui malgré des influences relativement flagrantes ne manque à la fois ni d’originalité ni de caractère.
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