L’avantage d’être son propre patron est que l’on ne doit rien à personne et que l’on se fixe soit même ses objectifs et ses deadlines. La pandémie mondiale et le confinement des populations qui en a résulté entre 2020 et 2021 ont certainement contribué à la situation mais toujours est-il qu’Evan Daniele n’a pas chômé puisque huit mois seulement séparent les sorties de
Profane Verses Of Murderous Rhetoric, premier album de Dead And Dripping et
Miasmic Eulogies Predicating An Eternal Nocturne, son digne successeur.
Pour ce dernier de nouveau enregistré avec les moyens qui sont les siens, Evan Daniele a fait appel à l’expertise de Scot Moriarty (ex-Organ Dealer) qui s’est ainsi chargé une fois de plus du mixage et du mastering. Côté featuring, même topo, puisque l’on retrouve Yves Metze (ex-Carnal Tomb) venu pousser quelques gueulantes sur "Esoteric Inebriation By Divine Rites" et "Indicted With Ethereal Devastation". Il n’y a finalement que pour l’artwork que l’actuel batteur de Sentient Horror a sollicité les talents d’un nouveau collaborateur en la personne de Noizevul, illustre inconnu dont le travail n’est pas sans faire écho à celui d’autres artistes tels que Jef Whitehead, Aaron Turner et même Alex Shadrin à qui l’on doit justement la pochette de
Profane Verses Of Murderous Rhetoric.
Malgré de nombreuses similitudes partagées avec ce premier album,
Miasmic Eulogies Predicating An Eternal Nocturne marque une avancée significative pour Dead And Dripping puisque la production se montre ici beaucoup moins dense et compacte. Un choix que l’on ne qualifiera pas nécessairement de salutaire dans la mesure où celle de son prédécesseur possédait un charme évident mais un choix néanmoins intelligent puisqu’il offre une lisibilité et une compréhension accrues de chaque instrument qui ont désormais la liberté de s’exprimer pleinement. Bref, si pour certains celle-ci avait été un frein à l’appréciation du pourtant convaincant
Profane Verses Of Murderous Rhetoric, nul doute que ces mêmes personnes auront désormais moins de difficultés à pénétrer l’univers pourtant toujours aussi torturé et alambiqué de Dead And Dripping.
Car musicalement rien n’a vraiment changé chez le one man band qui continue d’explorer les contrées chaotiques et mouvementées d’un Brutal Death technique aussi tordu que jouissif. En effet, sans être un monstre de vélocité avec ses nombreuses séquences aux cadences finalement peu enlevées pour le genre,
Miasmic Eulogies Predicating An Eternal Nocturne régale une fois encore par son caractère particulièrement insaisissable. Une spécificité que l’on doit à ces constructions très éloignées des schémas les plus classiques, à ce riffing technique hyper cadencé et extrêmement varié d’un point de vue dynamique, à ces changements de rythmes aussi soudains que redoutables ainsi qu’à cette envie viscérale d’être là où on ne l’attend pas. Alors naturellement, il parait logique de vouloir tracer certains parallèles entre la musique de Dead And Dripping et celles de formations comme Demilich (le chant profond ainsi que certains gimmicks vocaux, les structures tarabiscotées, le groove), Immolation (la complexité du riffing, les quelques dissonances), Suffocation ou Gorguts (les accès de brutalité, le groove de certaines structures particulièrement efficaces). Pour autant, difficile de ne pas percevoir toute l’originalité et la personnalité de ce groupe particulièrement rafraichissant au sein d’une scène Brutal Death gangrénée par la médiocrité et cette quête de brutalité aseptisée...
Aussi, en dépit de quelques titres relativement courts ("Esoteric Inebriation By Divine Rites", "Stagnant Waters Of The Cosmic Interstice" et cet interlude instrumental aussi étrange que réussi qu’est "Eidetic Imagery Of Cyclical Despair"), Evan Daniele a encore vu les choses en grand avec des compositions chargées s’étirant pour la plupart entre cinq et six minutes avec même en guise de conclusion une percée effectuée à plus de onze minutes sur "Eroded By Illusory Parasitic Invertebrates". Des formats hors normes pour le genre pratiqué ici par Dead And Dripping mais qui souligne justement toute la singularité de ce projet.
Certes, le one-man band ne fera probablement pas l’unanimité même parmi les amateurs de Brutal Death technique mais il est pourtant difficile de ne pas se montrer enthousiaste face à un tel groupe capable de tant de nuances et de variété dans un genre pourtant réputé peu subtile et bas du front. De ces salves de brutalité savamment dosées (l’essentiel de l’excellent "Esoteric Inebriation By Divine Rites", les premiers instants en fanfare de "Sublimated Revocation Of Torturous Identities", "Indicted With Ethereal Devastation" et "Eroded By Illusory Parasitic Invertebrates", "Entranced By Archaic Savagery" à 1:46…) à ces nombreux mid-tempos torturés (trop nombreux pour être exposés dans cette chronique) et autres ralentissements parfois bien lourdingues ("Esoteric Inebriation By Divine Rites" à 3:02, "Sublimated Revocation Of Torturous Identities" à 3:09, "Indicted With Ethereal Devastation" à 3:28, les quatre dernières minutes particulièrement entêtantes de "Eroded By Illusory Parasitic Invertebrates") en passant bien évidemment par ce groove vicieux et tordu qui caractérise chacune de ces huit compositions ainsi que ces quelques points évoqués dans le paragraphe précédent,
Miasmic Eulogies Predicating An Eternal Nocturne concentre en effet bien des atouts qui lui permettent de briller et de surclasser ce premier jet prometteur qu’est
Profane Verses Of Murderous Rhetoric.
Plus abouti que son prédécesseur qui « souffrait » notamment d’une production beaucoup trop clivante pour espérer faire l’unanimité parmi les amateurs de Brutal Death technique,
Miasmic Eulogies Predicating An Eternal Nocturne s’impose sans aucune difficulté comme le disque de la réconciliation grâce à une production tout simplement plus équilibrée. Certes, la musique de Dead And Dripping perd au passage de cette aura surannée qui caractérisait son prédécesseur mais fait un sérieux pas en avant en matière d’efficacité et cela sans perdre pour autant ce qui fait encore aujourd’hui toute son originalité. Paru dans un premier temps en autoproduction, ce deuxième album a bénéficié du même traitement que son ainé avec un récent pressage CD par le label français Percussive Spectre. S’il vous fallait donc encore une bonne raison de soutenir ce projet, vous l’avez.
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