L'évolution dans le death metal n'est pas toujours une réussite. Ce n'est donc pas un mal si finalement, la plupart des combos n'expérimentent jamais, même si cela doit se traduire par un manque de surprise et d'audace. Beheaded reste toutefois un beau contre-exemple. Les Maltais ont ainsi fait toute leur carrière sur un brutal death d'obédience américaine assez touffu et technique avant de changer de cap en 2012 sur
Never To Dawn qui a vu les Méditerranéens opter pour un style toujours brutal mais plus lisible et mélodique à l'européenne. Un changement de cap parfaitement négocié puisque cet excellent dernier album s'impose sans doute comme ce que la formation a fait de mieux. Face à des œuvres unanimement saluées comme
Recounts Of Disembodiment et
Ominous Bloodline, ce n'est pas peu dire! Cinq ans après, ce tant attendu
Beast Incarnate sorti en début d'année chez Unique Leader allait-il faire aussi bien? Toujours dans la même veine? Ou allait-on faire face à un retour au son d'origine plus gras?
Je n'avais aucun doute sur le fait que Beheaded n'allait pas renier sa nouvelle orientation polono-morbidangelienne. Et effectivement,
Beast Incarnate continue sur cette voie. Par contre, savoir si celui-ci en serait un digne successeur, je n'en étais pas du tout certain. Le constat fut pourtant clair, et ce dès le fulgurant "Beast Incarnate" qui ouvre la bête. Le combo, qui a entre-temps recruté le guitariste Simone Brigo (Blasphemer) et le batteur Davide Billia (Septycal Gorge, Hour Of Penance, Repulsive Dissection, Antropofagus...) en remplacement du cogneur originel Chris Brincat, a su prendre son temps pour sortir un cinquième full-length remarquable, orné d'une pochette magnifique qui plus est, comme son prédécesseur. La seule différence en fait, c'est que l'effet de surprise ne joue plus ici alors que
Never To Dawn en avait étonné plus d'un. Pas grave car la qualité s'avère bien au rendez-vous. Portée par un modèle de production claire, puissante et moderne sans cet aspect synthétique dégueulasse de trop de groupes de brutal death d'aujourd'hui, la musique de Beheaded impressionne car elle tape juste dans tous les domaines. Grâce à un sens aigu de la composition, les huit morceaux de ce
Beast Incarnate forment un tout cohérent tout en se distinguant clairement les uns des autres. Si bien qu'on ne s'ennuie jamais, malgré un très léger coup de moins bien sur "Cursed Mediterranean" et "Fid-dlam Ta' Dejjem" qui restent toutefois bien supérieurs à ce que peuvent proposer la plupart des concurrents. C'est que le brutal death des Maltais offre à peu près tout ce qui fait d'un album non pas simplement un bon album qu'on écoute avec plaisir mais un putain d'album qui colle le barreau. Si on rentre plus dans les détails que la bonne production et des morceaux ayant leur personnalité propre, on se rend compte que la formation possède un feeling rare en matière de riffs (vive les tremolos!) et de mélodies (vive les solos!). Quand bon nombre de combos BDM s'évertuent à cogner dans le vide avec des riff sans intérêt, Beheaded s'applique pour leur donner du caractère et un aspect mémorisable indispensable pour durer dans le temps. Ce qui n'empêche pas non plus le quintette d'envoyer aussi du bois puisque avec Davide "BrutalDave" Billia désormais derrière les fûts, vous pensez bien que les blast-beats ne manquent pas. Ça bourre de façon intelligente car si ça blaste régulièrement, on n'oublie pas pour autant de varier les plaisirs. Un peu de thrashy au programme par exemple ("The Horror Breathes", "Reign Of The Headless King") ou des morceaux plus épiques et mid-tempos comme l'excellent final "Punishment Of The Grave" qui fait la part belle aux mélodies avec une lead d'intro triste et de beaux solos longs et développés ainsi que le bien nommé "The Black Death" qui instaure une atmosphère terrifiante tout au long de ses huit minutes. Il s'agit du plus long titre jamais composé par le groupe et c'est une réussite totale, un des meilleurs passage du disque. Si les guitares sont à la fête par des riffs pesants et des leads sinistres qui font froid dans le dos, tout comme la basse vrombissante, le succès de cette piste passe aussi par le chanteur Frank Calleja. En tant que principale figure de l'évolution du groupe, il a beau cristalliser les critiques de certains fans de la première heure qui ne se retrouvent pas dans ses vocaux plus râpeux que les borborygmes d'autrefois, son growl intelligible s'avère bien plus puissant et menaçant, notamment sur "The Black Death" où ces longs cris arrachés se marient à merveille avec l'ambiance de fin du monde.
Il y a bien encore quelques traces du passé comme ces touches Suffocation sur certains riffs grassouillets ou patterns de batterie semi-blastés à la Mike Smith ("Crossing The House Of Knives", "Reign Of The Headless King", "Cursed Mediterranean", "Fid-dla Ta'Dejjem") mais il est clair que Beheaded est désormais un autre groupe depuis deux albums. Personnellement, ça me va très bien même si l'ancien Beheaded me convenait aussi. Les Maltais ont toutefois clairement franchi un cap et s'il fallait choisir, ma préférence irait à cette nouvelle incarnation. Ce côté plus lisible, mélodique et diversifié, tout en continuant d'asséner du blast-beat à tour de bras, me satisfait encore davantage. Tout aussi bon que
Never To Dawn,
Beast Incarnate propose en effet un brutal death mémorable et efficace qui offre tout un tas de petits plaisirs, de ce riffing en tremolo affûté au groove omniprésent, en passant par des solos mélodiques agréables, un chant rageur ou encore un niveau de brutalité plus que satisfaisant. Un sérieux prétendant au titre de meilleur album death metal 2017!
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