Après les deux tueries
Never to Dawn (2012) et
Beast Incarnate (2017) marquant une nouvelle ère dans la carrière de Beheaded, l'enthousiasme était fort pour ce
Only Death Can Save You sorti en juin dernier sur Agonia Records, le premier pour le label polonais après trois opus chez Unique Leader qui préfère désormais signer des groupes de deathcore technique fluo en plastique. Les Maltais font partie de ces rares formations ne m'ayant jamais déçu, même après leur évolution plus européenne entamée sur
Never to Dawn. Une nouvelle direction qui m'a au contraire fait adorer encore plus le combo qui s'éloignait alors du brutal death US pratiqué depuis son premier disque
Perpetual Mockery. Enregistré par le même line-up que
Beast Incarnate (sans aucun membre d'origine) et auréolé d'une pochette superbe,
Only Death Can Save You ne donnait ainsi aucune raison de douter quant à sa qualité. Jamais deux sans trois en plus, comme on dit !
Sauf qu'on dit aussi que tous les groupes finissent un jour par décevoir. Enfin, ça c'est moi qui le dis, retour d'expérience de vingt années à écouter du metal. Beheaded rejoint désormais cette longue liste peu flatteuse de formations se prenant les pieds dans le plat. L'excitation a en effet vite fait place à la déception. Dès la première écoute, on sentait bien le malaise. Pourtant, à l'inverse d'Enforcer qui a montré un nouveau visage (l'autre grosse déception de 2019), Beheaded n'a pas changé de style, du moins pas aussi franchement. On reste dans du death à la polonaise. Brutal, efficace et millimétré. Avec juste une dose supplémentaire de noirceur, d'old-school et de thrash, ça je dis pas non. Ce qui a vraiment changé, c'est la qualité d'écriture, l'inspiration. Aux abonnés absents ici. Alors ça bourre oui, aucun problème là-dessus. L'Italien fou furieux Davide Billia (Hour of Penance, Septycal Gorge, Antropofagus, Repulsive Dissection, ex-Putridity, etc.) envoie toujours la tonne de blast-beats, balance des rafales de double pour du groove musclé et s'aventure parfois en territoire thrash (tchouka-tchouka !). La production puissante le met d'ailleurs bien en valeur. Mais derrière, pas grand chose à se mettre sous la dent. C'est même un peu le néant. Beheaded a trop simplifié sa musique. Le ratio riff par morceau a chuté et le riffing en lui-même se montre bien trop générique, sans génie. Ce n'est pas mauvais mais rien ne retient l'attention, on dirait un groupe de brutal death lambda. Putain c'est Beheaded, ça ?! Du coup, on se lasse vite. D'autant que les morceaux se font assez monotones, le groupe ne variant pas suffisamment de rythme et de riff et gardant le même motif trop longtemps. Franchement, ce "Embrace Your Messiah" longuet qui répète ad nauseam ce riff mid-tempo certes groovy et headbangant, c'est d'un banal, on dirait un groupe de death old-school de quartier ... Si "Unholy Man" s'en sort un peu mieux grâce à ses influences thrash bien utilisées, il ne varie pas non plus des masses et ne blaste jamais, sonnant parfois comme du groove metal sur certains riffs. Hey les gars, c'est Beheaded, pas Slit ! Ça tartine davantage et varie légèrement plus sur "The Charlatan's Enunciation", "Evil Be to Him Who Evil Seeks", "The Papist Devil" ou encore "From the Fire Where It All Began" mais ce n'est pas non plus la panacée. Le groupe fait même dans l'inutile total sur l'interlude instrumental "Gallows Walk" sans intérêt. Lot de consolation, le radical "The Greater Terror" au riffing sombre et menaçant un peu plus marquant, et "Only Death Can Save You" qui offre lui aussi de meilleurs riffs ainsi que du bon thrashy efficace tout en blastant joyeusement, remontent un peu la pente. Ces deux morceaux font partie des rares motifs de satisfaction de
Only Death Can Save You, quoiqu'ils auraient été les moins intéressants sur les deux œuvres précédentes. Mais vu qu'on nivelle par le bas ici, on compare avec ce qu'on a. Beheaded n'a par contre pas trop baissé en qualité sur les deux-trois solos mélodiques parsemant l'opus que l'on aurait du coup souhaité plus fourni en la matière. C'est déjà ça de gagner, au moins !
Un autre problème, qui avant n'en était pas un, vient se greffer aux autres griefs. Le chant. Ceux n'ayant pas accroché à l'évolution du groupe sur
Never to Dawn ont souvent pointé du doigt les vocaux de Frank Calleja, pour eux pas assez gutturaux, pas assez death metal. Je l'ai toujours défendu le Franky, trouvant son timbre plus arraché et intelligible plutôt personnel et puissant. Je trouvais qu'il incarnait bien le nouveau visage de la formation. Sur
Only Death Can Save You, ce n'est plus possible. Il a vite tendance à me taper sur le système. Il se montre trop présent, il braille trop, toujours sur le même timbre et a cette fâcheuse manie de tenir trop longtemps la dernière syllabe de ses vers. On a bien souvent envie de lui dire de la fermer. Les backing vocals n'arrangent rien, trop criards et trop systématiques.
Décidément ! Qu'a-t-il donc bien pu se passer pour qu'un des leaders du brutal death européen nous ponde un album aussi anodin ? Surtout après deux sorties validant leur transformation réussie et une discographie de toute façon irréprochable, de la première démo
Souldead (1995) étonnamment mélodique à
Ominous Bloodline (2005), en passant par
Recounts of Disembodiement (2002) et
Perpetual Mockery (1998) qui faisaient la nique à bien des groupes américains sur leur propre territoire. J'avoue que c'est assez incompréhensible.
Only Death Can Save You n'est pas tout pourri non plus. Le côté plus sombre, la dose de thrash, les blasts très présents, le groove tantôt rapide sur tapis de double tantôt mid-tempo appuyé et le peu de solos mélodiques font quelques effets. Le disque garde encore un peu d'efficacité malgré tout. C'est cependant bien trop peu pour un groupe de la trempe de Beheaded qui nous avait habitué à tellement mieux. Inspiration en berne, riffing générique au possible, compositions simplifiées, manque de variété, chant qui devient insupportable, ce sixième album semble avoir été composé à la va-vite. On espère qu'il ne s'agit que d'un accident de parcours et que le groupe redorera vite son blason sur son prochain opus. Mais là, quelle déception !
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