Beheaded - Ominous Bloodline

Commençons cette chronique si vous le voulez bien (en fait vous n'avez pas vraiment le choix!) par un petit cours de géographie. Si je vous demande ce que Malte vous inspire, la plupart penseront à cette orge germée artificiellement, séchée et réduite en farine, utilisée pour fabriquer de la bière. Seulement ce Malte là ne prend pas ni de majuscule ni de "e" final. D'autres évoqueront peut-être la fièvre de Malte ou brucellose, ou encore mélitococcie, maladie commune aux humains et à certains animaux, causée par ces putains de brucellas et qui provoque notamment des avortements chez les bovidés et une septicémie à la phase aigüe et des atteintes viscérales et osseuses à la phase de chronicité chez l'homme. Mais les plus futés auront déjà compris que le Malte dont il est ici question est le nom d'une île de la Méditerranée située entre la Sicile et l'Afrique, une île principale d'un petit archipel également constitué de Gozo et Comino. D'une superficie de 246 km2 et comptant plus de 360 000 habitants, Malte a La Vallette pour capitale et la livre maltaise pour monnaie. Après être tour à tour passée entre les mains des Phéniciens (IXème siècle av. J.C.), des Grecs (VIIIème siècle av. J.C.), des Carthaginois (VIème siècle av. J.C.), des Romains (218 av. J.C.), des Arabes (870), des Siciliens (1090), des chevaliers de Saint-Jean de Jerusalem (1530), de Bonaparte (1798) et finalement des Britanniques (1800), Malte acquiert son indépendance dans le cadre du Commonwealth en 1964. Dix ans après, l'île devient une République. C'est alors que je m'aperçois que mon "petit cours de géographie" s'est transformé en cours d'histoire, d'alcool et de médecine et que je me suis encore égaré...Bref tout ça pour dire que c'est de Malte que Beheaded, le groupe qui nous intéresse aujourd'hui, est originaire!

Recentrons donc le débat sur les jeunes gens de Beheaded. Ominous Bloodline est seulement le 3ème album de ce combo de brutal death formé quand même en 1991, 3 ans et quelques changements de line-up après le très bon Recounts Of Disembodiment. Premier gage de qualité: la pochette ressemble à celle de Choronzonic Force Domination de Internal Suffering, ce qui est plutôt logique puisque c'est le talentueux Toshihiro Egawa qui a dessiné les deux. Pour ses influences, Beheaded s'est tourné vers ce qui se fait de mieux: la scène américaine. Le death métal des Maltais se positionne aux côtés d'un Suffocation (quoique beaucoup moins qu'avant où le groupe faisait figure de clone), d'un Dying Fetus (sans le côté HxC) et d'un Deeds Of Flesh.

Si Ominous Bloodline se révèle donc un album bien bourrin, il n'en est pas moins varié. Ainsi, de nombreux changements de rythme évitent à l'auditeur de s'ennuyer devant ce condensé de brutalité, tout comme ces breaks headbangants souvent accompagnés d'harmoniques sifflantes qui surgissent toujours au moment opportun ("Crowned With Repression", "Vaults Of Ageless Pain", "Ill Remains", "Scourging Repudiation", "Rooted In Profundity"). Beheaded démontre ainsi qu'une musique brutale et technique peut aussi être groovy (vous entendez les grondements de la basse derrière?) et accrocheuse, comme sait si bien le faire Dying Fetus. Les quelques passages plus tranquilles (le break posé de "Vaults Of Ageless Pain", l'instrumental calme "Depths Of Sore", le final de "Rooted In Profundity"), quoique bien moins présents que sur les anciennes productions du groupe, et les soli bien inspirés jouent également ce rôle d'aération des compositions. On notera de plus l'utilisation de samples avec parcimonie mais qui donnent à l'album une ambiance assez froide (l'intro de "Crowned With Repression" qui lance les hostilités, la fin de "Esoteric Kin", le grondement de tonnerre et les différentes voix qui se succèdent sur "Depths Of Sore"...), pour laquelle la production claire et sèche a aussi sa part de responsabilité.

Niveau riffs, même si on peut regretter le manque d'originalité, ceux-ci ont le mérite de faire mouche et de garder notre attention sur la quasi totalité de ce Ominous Bloodline, avec un ratio riffs/chanson plutôt élevé. Je dis quasi totalité car l'opus connait malgré tout quelques moments de flottement, comme bon nombre de ses petits frères de toute façon. La technicité est je le répète au rendez-vous, notamment le batteur qui enchaîne blast-beats, roulements agiles, plans thrashy accélérés et patterns plus groovy quand il le faut, le tout avec un son très sec mais qui manque parfois de puissance. Je n'ai pas encore parlé de la voix, sachez que celle-ci est très gutturale et peu compréhensible. Comme d'hab' quoi!

Brutal mais pas linéaire, technique mais pas indigeste, Beheaded nous sort encore un album tout à fait digne d'intérêt malgré sa relative ordinarité. Ajoutez un groove certain et une accroche relativement facile, vous avez là exactement ce qu'il faut pour la réussite de ce genre d'albums. Les fans de brutal death US devraient y trouver leur bonheur!

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