Gel - Only Constant
Chronique
Gel Only Constant
Si j’ai le sentiment d’avoir pas mal parlé de Hardcore tout au long de cette année 2023, je sais pourtant qu’il manque encore un nombre incalculable de sorties de premier choix qui mériteraient d’avoir une chronique en ces pages. Aussi, même si je ne m’avoue pas complètement vaincu, il est clair que certains de ces albums ne pourront trouver place dans mon bilan faute de temps... Tant pis, ce n’est certainement pas la fin du monde ni pour vous, ni pour moi et de toute façon si je n’en parle pas aujourd’hui j’aurai toujours l’occasion de le faire plus tard.
Parmi les sorties Hardcore qui auront compté cette année, difficile d’échapper au premier album des Américains de Gel. Originaire de Hightstown dans le New-Jersey, le groupe se forme en 2018 comme un projet parallèle à Sick Shit, formation de Powerviolence sur laquelle je dois bien le dire je n’ai jamais posé mes oreilles. Aussi après une série de EPs particulièrement convaincants (notamment l’excellent Violent Closure paru en 2021 sur Atomic Action Records et Crew Cuts Records), le groupe poursuit son petit bonhomme de chemin avec la sortie en mars dernier de ce premier album intitulé Only Constant. Paru une fois de plus sur Convulse Records (Cold Brats, Faim, Militarie Gun, MSPaint, Sentinel...) et illustré pour l’occasion par un certain Ryan Rocha, ce premier longue-durée aura notamment permis de confirmer les premières bonnes impressions à l’égard de Gel et pour le groupe l’opportunité de faire parler de lui même jusque dans les colonnes de NME, célèbre magasine anglais qui en février dernier titrait ceci : "Gel are shaping the sound of hardcore in 2023". Bref, autant vous dire que la "hype" était grande à l’égard de ces Américains qui comme nombre de ses contemporains ont choisi de se concentrer sur l’essentiel en torchant ces dix titres en moins de vingt minutes (seize pour être exact).
Eh oui, à l’exception d’un "Calling Card" faisant ici office d’interlude et sur lequel vont se succéder plusieurs messages relativement étranges laissés sur des répondeurs et autres boîtes vocales le tout accompagné d’un fond sonore particulièrement décontracté, c’est le couteau entre les dents que Gel va mener ses attaques fugaces puisqu’à l’exception d’un "Composure" affiché ici à plus de trois minutes, aucun autre titre ne dépasse la barre des deux minutes. Un esprit de concision qui fait ainsi du groupe américain une formation particulièrement directe ne s’embarrassant d’aucune fioriture ou presque...
Bien évidemment, Gel n’a strictement rien inventé puisque sa formule aussi radicale et efficace soit-elle se contente en effet de piocher dans ce que la scène Punk au sens large a de plus virulent. Une musique particulièrement intense et agressive qui va emprunter autant au Hardcore des années 80 qu’au Crust de Punks à chiens et qui très vite va faire oublier cette simplicité qui la caractérise par la virulence de son propos. Un propos porté en premier lieu par l’énergique Samantha Kaiser, petit brin de femme tout en nerfs et en eye-liner qui entend bien s’imposer par le biais de ses lignes de chant abrasives et hargneuses véhiculant au-delà de paroles traitant de sujets parfois un petit peu durs (l’addiction à l’alcool, la pression du quotidien, certaines aptitudes à se saborder soi-même...) un message d’amour et d’inclusivité à destination de tous ces "freaks" auxquels Gel fait constamment référence depuis ses débuts.
Musicalement, il n’y a naturellement rien de bien sorcier dans ce que propose la formation originaire du New-Jersey puisque vont se succéder ou se superposer riffs Punk / Hardcore à trois notes balancés à toute berzingue, accélérations et autres cavalcades pour le moins haletantes menées à coups de tchouka-tchouka rudimentaires mais néanmoins toujours aussi efficaces, mid-tempos sauvages taillés pour casser des bouches et déclencher au passage quelques émeutes bienveillantes et enfin séquences au groove toujours aussi redoutable et là encore parfaites pour mettre tout le monde d’accord à coups de two-step et autres moulinets parfaitement exécutés... Bref, une recette qui ne surprendra absolument personne ayant déjà trempé de près ou de loin dans le Hardcore mais une recette dont l’efficacité à toute épreuve n’aura besoin que d’une seule écoute pour se révéler pleinement.
Servi par une production aussi rugueuse que peut l’être la voix de Samantha Kaiser, Only Constant réjouit par son intensité de tous les instants, par sa dynamique variée faite de coups de chauds hyper directs et de moments plus chaloupés, par son urgence salvatrice et jubilatoire, par sa hargne et sa virulence qui l’animent, par son naturel et sa simplicité et enfin par sa pertinence et son franc-parler... Un disque abrasif et sincère certes toujours trop court mais ô combien redoutable d’efficacité. Un disque immédiat qui n’a aucun mal à convaincre et assoit Gel comme une de ces formations à suivre et qui continuent de faire vivre aujourd’hui la scène Hardcore sans faire oublier d’où elle vient et tout ce pourquoi elle existe depuis maintenant plus de trente ans... Bref, un des incontournables de l’année en la matière.
| AxGxB 26 Décembre 2023 - 543 lectures |
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