Dissimulator - Lower Form Resistance
Chronique
Dissimulator Lower Form Resistance
Révélé en 2021 après la sortie confidentielle d’une démo deux titres autoproduite intitulée Warped probablement tombée dans les esgourdes d’une poignée d’individus seulement, il faudra attendre la signature du groupe sur 20 Buck Spin pour que le nom de Dissimulator commence enfin à circuler dans les milieux autorisés. A cela rien de très surprenant puisque la réputation du label de Pittsburgh est aujourd’hui telle que tout ce qu’il signe et sort est, avant même d’y poser ne serait-ce qu’une seule oreille, considéré comme étant particulièrement digne d’intérêt. Un constat que ne viendra pas démentir le premier album de ces Canadiens qui à y regarder de plus près n’ont rien de petits novices...
Originaire de Montréal, Dissimulator est en effet la réunion de trois musiciens particulièrement talentueux que l’on a déjà pu entendre chez Atramentus, Beyond Creation, Chthe'ilist, First Fragment, Incandescence… Un trio composé par Claude Leduc (chant, guitare), Antoine Daigneault (basse) et Philippe Boucher (batterie) bien décidé à perpétuer un certain héritage canadien à travers la pratique d’un Death / Thrash technique de haute volée. Pour l’accompagner dans cette noble mission, le groupe a fait appel à quelques hommes de main expérimentés tels que Xavier Berthiaume (Décryptal, Egregore, Gevurah, Phobocosm...) pour l’enregistrement des parties de batterie, Hugues Deslauriers (Augury, First Fragment, Serocs, Zealotry...) pour le re-amping, le mixage et le mastering et enfin Jesse Draxler (Daughters, Zola Jesus, Greg Puciato, Trentemøller...) pour cette illustration technico-futuriste qui en dit long sur le contenu de ce premier album.
Intitulé Lower Form Resistance, celui-ci a ainsi pour lui une production particulièrement à propos. Un son clinique (notamment cette guitare ultra précise et incisive) mais certainement pas dénué d’humanité grâce à une basse des plus vibrantes ainsi qu’une batterie hyper naturelle ayant le bon goût de ne jamais trop en faire. Un son puissant, moderne et parfaitement équilibré au service de compositions techniques et exigeantes et d’atmosphères froides, mécaniques et futuristes.
Comme souvent avec ce genre de line-up cinq étoiles, difficile de ne pas se montrer dithyrambique face aux prestations de ces trois musiciens qui effectivement excellent derrière chacun de leurs instruments. Mais au-delà de ces performances individuelles qui ne seraient finalement pas grand-chose sans une vision commune, ce qui prévaut à l’écoute de Lower Form Resistance c’est bel et bien ce sentiment d’unité et d’harmonie qui transparaît à l’écoute de ces sept compositions menées d’une main de maître. Des compositions expressives et particulièrement dynamiques puisque marquées par de nombreux changements de rythmes et d’idées.
En effet, il vous faudra avoir le cœur bien accroché pour espérer suivre le trio canadien tout au long de ces quarante et une minutes particulièrement chargées et intenses. Entre ce riffing Thrash ultra nerveux et particulièrement affûté (sacré coup de poignet que celui de monsieur Claude Leduc), cette basse métallique tout en rondeurs qui entend bien justifier sa présence et cette batterie épileptique dont la variété de séquences pourrait presque donner mal à la tête si l’ensemble n’était pas aussi intelligemment composé, il est clair que Dissimulator n’a pas choisi d’opter pour la facilité et la simplicité. Soucieux de ne jamais sombrer dans le confort de compositions certes efficaces mais néanmoins beaucoup trop convenues pour des musiciens de leur trempe, les Canadiens prennent grand plaisir à se jouer de tout, du rythme, des textures, des nuances, des sonorités, du groove et même de leurs influences afin de nous offrir à nous autres, simples auditeurs, une leçon de Death / Thrash technique aussi impressionnante qu’imprévisible. Evidemment, Lower Form Resistance n’est pas qu’une succession de bourre-pifs dispensés de façon virile et implacable puisque de "Warped" à "Outer Phase" en passant par "Cybermorphism / Mainframe" ou bien encore le morceau-titre aux forts accents Voidvodiens on va en effet pouvoir constater que le trio est aussi capable de lever le pied, de nuancer son propos et de calmer ses ardeurs avant de repartir de plus belle pour de nouveaux assauts à perdre haleine… Offerts avec parcimonie, on appréciera également de pouvoir se délecter de quelques solos bien sentis ("Outer Phase" à 4:54, "Lower Form Resistance" à 2:17) dont certains plus intenses que d’autres ("Automoil & Robotoil" à 1:33, "Cybermorphism / Mainframe" à 5:51). Un goût pour la mélodie que Dissimulator va d’une certaine manière pousser jusque dans certains effets (ces voix synthétiques façon Cynic entendues par exemple sur "Warped", "Outer Phase" ou encore "Automoil & Robotoil") ainsi qu’à travers des lignes de chant clair évoquant là encore un certain Voivod ("Lower Form Resistance"). Bref, rien ne manque sur ce premier album d’une très grande maturité.
Si de nos jours les albums de Death / Thrash ne manquent absolument pas, plus rares sont ceux qui s’aventurent sur ce genre de terrain mêlant compositions explosives et techniques et ambiances futuristes et technologiques. Naturellement inspiré par certains de leurs compatriotes ayant largement contribué à l’émancipation du genre (Obliveon et Voivod en tête), Dissimulator rejoint aujourd’hui des groupes tels que Cryptic Shift ou Miscreance dans cette quête visant à offrir à leur audience une lecture à la fois passée, présente et future de ce que peut être le genre. Evidemment avec un tel line-up il aurait quand même été dommage que Dissimulator ne réussisse pas à tirer son épingle du jeu mais ce ne serait pourtant pas la première fois qu’un groupe de cette trempe se plante complètement... En l’occurrence ce n’est clairement pas le cas puisque Lower Form Resistance s’impose sans mal comme l’une des meilleures sorties de ce premier trimestre 2024 et au passage l’une des belles découvertes de ce début d’année.
| AxGxB 20 Mars 2024 - 869 lectures |
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3 COMMENTAIRE(S)
citer | AxGxB 20/03/2024 21:36 | note: 8.5/10 | Je l'ai trouvé plutôt chouette le Sovereign (que j'ai quand même moins écouté) mais je suis d'accord pour dire qu'on est pas là dans le même registre. J'y reviendrai ceci dit. |
citer | Très emballé également (... bien plus en tous cas que pour le premier Sovereign, sorti plus ou moins en même temps, mais plus passéiste et moins focalisé) |
citer | Pour ma part on frôle le 10/10 avec cette sortie. J'ai trouvé ce disque dingue ! |
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3 COMMENTAIRE(S)
20/03/2024 21:36
20/03/2024 18:14
20/03/2024 17:49