Conifère - L'impôt Du Sang
Chronique
Conifère L'impôt Du Sang
Trio canadien originaire de Montréal, Conifère voit le jour en 2019 sous l’impulsion de Cauchemar (chant), Nakkabre (guitare, basse, synthétiseur) et Garoth (batterie). Les débuts officiels du groupe se font en 2020 avec la sortie d’une première démo intitulée Noblesse d’Épée parue sur le label Corde Raide Productions (Croc Noir, Ifernach, Moulin Banal...). À l’époque, le groupe navigue entre les eaux obscures d’un Black Metal naturellement très cru et les sonorités plus mystérieuses et envoutantes d’un Dungeon Synth hypnotique. Peu de temps après ces débuts prometteurs, Conifère revient à la charge avec cette fois-ci un split en compagnie de Sol Miracula, autre formation montréalaise versée à temps plein dans la pratique d’une musique atmosphérique et cinématographique aux ambiances sombres et angoissantes. Il faudra alors attendre ce début d’année 2024 pour voir le retour de Conifère avec à la clef ce premier album intitulé L’Impôt Du Sang.
Sorti il y a tout juste une semaine, celui-ci n’est pour le moment disponible que sur Bandcamp mais devrait dans les prochaines semaines se voir offrir un pressage cassette ou, on ne peut que l’espérer, une édition vinyle plus à même de rendre justice à son contenu. À ce sujet, le groupe nous revient aujourd’hui avec quatre nouvelles compositions s’étirant sur un petit peu plus de trente-et-une minutes. Pas de quoi s’étouffer diront certains mais à vrai dire c’est très bien comme ça. Enfin, puisque j’en suis encore à faire les présentations, sachez que j’aurais eu bien du mal à ne pas manifester un peu de mon enthousiasme à l’égard de cette illustration incroyable qui évoque sans filtre le caractère à la fois très dur et pourtant poétique de Mère Nature. Mention spéciale également pour ce lay-out à la sauce D.I.Y. avec, entre autre, ces découpages et autres bouts de ficelle qui rendent le tout particulièrement attirant visuellement parlant.
Alors évidemment, si je suis là à prendre un peu de mon temps pour vous parler de ces jeunes Canadiens c’est parce que le groupe a autre chose à nous offrir qu’une illustration réussie. D’ailleurs, la bonne nouvelle pour toutes les personnes qui commençaient à grincer des dents car comme moi elles se savent assez peu sensibles aux charmes de ce genre qu’est le Dungeon Synth, c’est que Conifère a choisi de ne pas s’y adonner ici. Ces quatre nouveaux morceaux sont donc l’expression d’un Black Metal sincère et authentique et rien d’autre. Une décision qui me convient très bien et permet de recentrer le débat sans se perdre dans des pérégrinations sonores qui souvent ne font que plomber la dynamique de l’ensemble.
Ces quatre années d’absence ont été également l’occasion pour les Canadiens de revoir profondément leur copie sans pour autant trahir la nature de leur propos. Une maturation qui se manifeste en premier lieu par un choix de production toujours dénué d’artifices inutiles mais désormais plus à même de séduire les auditeurs grâce à un équilibre bien moins précaire que par le passé. Un choix de production qui n’a rien d’anodin puisqu’il s’accompagne également d’une lecture aujourd’hui beaucoup plus mélodique qu’auparavant.
Cela commence d’ailleurs par cette très belle introduction intitulée "Liberté" sur laquelle la musique particulièrement poignante des Canadiens vient accompagner un poème de Paul Éluard qu’il récite lui-même. Une charge émotionnelle qui n’a de cesse de croître et à laquelle succède habilement une séquence acoustique particulièrement bien troussée avant l’arrivée du bien nommé "Furia". Naturellement ce travail mélodique s’étend sur l’ensemble de l’album, notamment à travers quelques riffs situés à cheval entre Punk Rock, Post-Punk et Indie Rock. Une sensibilité pouvant paraître étrange pour ne pas dire à côté de la plaque pour un groupe qualifié de Black Metal mais qui, on le sait, a déjà fait ses preuves ailleurs (je pense notamment à Flaming Ouroboros parmi les exemples les plus récents). Entre "Furia" et son riff simple et léger à 4:36 suivi de ce pont à l’esprit résolument Rock, "Le Grand Hyver" et son solo hyper Punk enclenché à 3:29, "Décombres Fumants" et cette séquence presque "guillerette" entamée dès 2:34 ou bien "Rêve De Nos Ancêtres" et ce passage à 3:22, les emprunts à d’autres genres que le Black Metal sont en effet évidents mais surtout, et c’est bien cela le plus important, particulièrement probants et efficaces. Et ce n’est pas tout puisqu’en plus d’être effectivement bien troussés, ces moments vont insuffler à la musique de Conifère une saveur tour à tour épique et glorieuse, grandiose et mélancolique capable de fédérer les coeurs et hérisser le poil. En effet, il me paraît vain de tenter de résister aux "Ohohohoho" conquérants et mélancoliques de "Furia" et de "Rêve De Nos Ancêtres" ou bien encore aux élans lumineux et unificateurs de "Décombres Fumants". Des moments qui écoute après écoute continuent de vous prendre aux tripes et de vous chavirer...
Alors bien entendu, au-delà de ces élans mélodiques effectivement nombreux qui participent à la singularité des trois Canadiens, la musique de Conifère reste pourtant solidement ancrée dans les fondements de ce qui constitue le Black Metal. De ces trémolos rapides, sombres et nerveux à ces accélérations plus ou moins franches partagées entre toupa-toupa entrainants et séances de blasts extrêmement soutenues en passant par ce chant arraché empli de désespoir et de nostalgie, on trouve sur L’Impôt Du Sang de quoi largement contenter l’amateur de Black Metal, qu’il s’agisse de l’esthète le plus raffiné au primate le plus bourrin.
Certes, il aura fallu pas loin de quatre longues années à Conifère pour accoucher d’une suite mais quelle suite ! En effet, malgré des débuts encourageants, ce serait mentir de dire qu’on attendait le groupe à un tel niveau. Il faut dire que le trio a pris des risques, amorçant ici un virage plus mélodique et aux sonorités plus bigarrées en mélangeant effectivement avec brio à son Black Metal rudimentaire des influences Punk, Post-Punk et Indie Rock extrêmement bien senties. Un parti-pris qui peut-être ne conviendra pas à tout le monde parce qu’en se faisant le groupe semble effectivement perdre un petit peu en noirceur (même si cela reste à prouver) mais ce "déficit" est finalement largement compensé par ces atmosphères glorieuses, épiques et mélancoliques qui font briller ce premier essai longue durée maitrisé de bout en bout. Une belle réussite qui devrait être en mesure de se hisser parmi les sorties qui auront compté cette année.
| AxGxB 19 Avril 2024 - 1375 lectures |
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