The Ruins Of Beverast - Exuvia
Chronique
The Ruins Of Beverast Exuvia
Le BM a toujours charrié son lot de groupes atypiques. The Ruins of Beverast est assurément de ceux-là. Exuvia, son 5ème album longue durée n’échappe pas à ce constat. Comme ses prédécesseurs, que l’on aime ou que l’on abhorre (j’ai choisi mon camp !), The Ruins of Beverast propose, innove, embarque assez loin des rivages connus et reconnus de la discipline. Les aspects rituels de sa musique – pas au sens religieux ici – presque animistes, délivrent un sentiment de plénitude tout à fait extraordinaire. Le BM de The Ruins of Beverast est encore bien plus que cela. C’est un tout, une masse mouvante dont il n’est guère raisonnable – et possible ? – d’extraire autre chose qu’un sentiment global. Plus axé sur le doom, ce dernier effort, comme le suggère son artwork bleuté, invoque les anciennes divinités indiennes, convoque les esprits et entraîne l’auditeur dans un maelstrom d’émotions.
Dès Exuvia, le premier titre de 15 minutes, on sait que le rituel va nous immerger totalement. On sait que ces incantations indiennes, que ces accords magnifiques, aériens, sublimes, au son hyper clair et profond à la fois, vont nous embarquer dans un tourbillon de couleurs, de notes, de riffs ahurissants (Towards Malakia également). Ce titre est magnifique, qui superpose, tel un mille-feuilles, les couches de musiques, batterie légère en arrière plan qui tapisse l’espace, chant féminin et incantation qui surplombent le tout tandis que les arpèges aériens poursuivent leur œuvre quelque part dans le mix. Immersif. Comme cette voix traînante, limite funeral, provenant des profondeurs de la Terre. Comme ces ralentissements qui viennent couper nette la rythmique et entraîner l’auditeur par le fond. Exuvia progresse, rampe, décolle puis replonge à loisirs, traitant l’auditeur comme un fétu de paille. Les meilleures heures de Foulest Semen… sont convoquées dans ces atmosphères d’une incroyable richesse, qui s’empilent à foison.
Le son, même lui !, égare l’auditeur. Tantôt d’une clarté absolue, tantôt cotonneux ou « humide », suintant, il sert tous les délires, toutes les expérimentations du groupe. C’est lui, en grande partie, qui dessinent les contours fabuleux de Exuvia, les 15 minutes passant sans même que l’on y prête attention : il éclaire les riffs (le pont lumineux vers 9’35), noie la voix d’outre-tombe en se faisant plus sourd, redevient clair pour les atmosphères shamaniques. Le travail sur les arrangements et les structures est simplement remarquable (la fin de Exuvia où la batterie se transforme en tam-tam d’incantation, la superposition des chœurs sur Maere (On a Stillbirth's Tomb) qui confère une grande richesse au titre).
La complexité est certes de mise. Elle ne rebute jamais. Elle semble même terriblement accessible. C’est un réel tour de force que de proposer autant d’idées, d’arrangements, de richesse musicale tout en donnant l’impression que le tout est naturel. Surtur Barbaar Maritime et Maere (On a Stillbirth's Tomb), les second et troisième titres, démarrent sous les mêmes auspices. Les chœurs et les voix lointaines, mi-shamaniques, mi-hantées, remplissent l’espace sonore alors que les lead aériens aident à la progression lente du titre (The Pythia's Pale Wolves et Towards Malakia également). Comme la fumée qui s’échappe d’un feu et qui tourbillonne dans les airs puis s’évapore. On y retrouve la même science de la rupture, du pont qui coupe la progression pour mieux la relancer, mais dans une autre direction. C’est tortueux et magique à la fois (Surtur Barbaar Maritime, le pont aérien vers les 18’ puis l’accélération vers 19’30, avant la redescente vers les 20’05 ; Maere (On a Stillbirth's Tomb) et ses ondulations de départ qui progressent lentement puis ses lead ponctués de notes claires).
L’alchimie son clair/son brut est une véritable trouvaille, comme cette volonté de systématiser le recours à la superposition d’instruments (une sorte de cornemuse sur The Pythia's Pale Wolves, qui sonne comme un appel, en fond sonore, et toujours cette enchevêtrement de chœurs) confèrent naturellement une richesse incroyable aux morceaux. Les informations se multiplient mais sans pour autant que l’on se sente étouffé. La lenteur des titres, comme leur durée (plus de 10 minutes en moyenne) favorisent clairement l’immersion (Towards Malakia et son rituel indien, presque joyeux sur la fin ; Takitum Tootem! (Trance) qui clôture l’album sur des tonalités funeral mais avec aussi l’apport vers 1’03’15 de ce petit tambourin).
Comme à son habitude, The Ruins of Beverast sort ici un produit magnifique, hors des sentiers battus, inspiré et parfaitement maîtrisé. Certes, le BM n’est souvent qu’un prétexte, le doom aussi mais le mélange des influences, la grâce des idées et la science des arrangements nous imposent de considérer ce dernier effort comme un pur chef d’œuvre. Un must have de 2017. Ni plus, ni moins.
| Raziel 28 Janvier 2018 - 8040 lectures |
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