The Ruins Of Beverast - The Thule Grimoires
Chronique
The Ruins Of Beverast The Thule Grimoires
Comme souvent ces derniers mois, je chronique de nouveau un groupe que j’affectionne particulièrement pour sa singularité et la qualité relativement constante de ses productions. The Ruins of Beverast ne m’a jamais vraiment déçu. Son BM très doomy, très atmo, m’a constamment permis de voyager dans des contrées que peu de groupes arpentent, sur des durée d’albums aussi longue pour le style. Son esthétique tout aussi personnelle finit généralement d’emporter ma conviction. Mais, pour une fois, le doute s’est immiscé. The Thule Grimoires ne semblait pas, avant que je ne l’écoute attentivement, recueillir les faveurs de la critique. Qu’en est-il réellement ? Je dirais que la critique majoritaire a partiellement tort. Partiellement seulement, donc.
Après un Exuvia tout à fait remarquable, qui a eu les honneurs de la mise en tête de gondole dans ces colonnes, The Thule Grimoires est en deçà, c’est un fait. Mais être en deçà d’un chef d’œuvre, ça reste un fait dont il convient de mesurer l’ampleur exacte, d’autant que les surprises sont au rendez-vous.
The Thule Grimoire, de nouveau, est long. Plus d’une heure de musique découpée en 7 titres de plus de 10 minutes de moyenne. Le voyage sera identique, en intensité, que celui vécu sur Exuvia. L’auditeur est en terrain connu, comme avec ce morceau d’intro de 12 minutes, là où Exuvia entamait les débats avec un titre intro de … 15 minutes. Et, de fait, Ropes into Eden ouvre les hostilités sur des sonorités un peu nouvelles, légèrement indus / electro, un peu troublantes, même si l’on sent déjà, en arrière-plan, le tournoiement des riffs atmos. Ce premier titre, très axé sur des rythmiques mécaniques, va décontenancer l’habitué des lieux, ce d’autant que la voix prend, elle aussi, des atours très robotiques que seuls viennent briser les arrangements ambiant, gothiques, qui l’enrobent. C’est d’ailleurs là une autre surprise.
Non seulement, l’indus fait plus franchement son apparition dans la structure des morceaux mais le sentiment que le rock gothique y fait également son lit, m’est apparu encore plus évident. Après 7’, sur Ropes into Eden, les relents du grand Type O Negative m’ont sauté aux oreilles. C’est encore plus flagrant sur Kromlec’h Knell. Comme si le BM très ambiant du combo teuton venait de copuler avec la bande US. Une symbiose qui accouche de sonorités singulières, inhabituelles pour The Ruins. Les arrangement tribaux et psyché d’Exuvia sont partis ; les gargouilles sont entrées. Les mélopées enfumées ont laissé la place à la lourdeur de la terre humide des souterrains. Ainsi, The Thundra Shines renvoie les cris d’un animal mystique du fond de sa caverne… mais coupe aussitôt son élan d’une sorte d’orgue majestueux, ultra ample, installant, en quelques minutes, deux ambiances radicalement opposées.
C’est l’autre aspect de l’album. Une richesse telle – comme d’habitude – qu’elle en devient cette fois-ci presque écœurante. Des changements au sein des morceaux si importants, si intenses, qu’ils en viennent à dérouter et à perdre en accroche. C’est le fameux « partiellement » que j’énonçais en introduction. Les expérimentations sur la voix entrent aussi en ligne de compte. Si, la plupart du temps, les aspects BM sont clairement mis en avant, des passages bien plus gothiques ressortent également (sur Kromlec’h Knell ou sur Mammothpolis par exemple), sans parler de mimétisme, parfois, avec la voix d’Aaron Stainthorpe, de My Dying Bride, pour les derniers arrivés (sur The Thundra Shines, Deserts to Bind and Defeat ou Anchoress In Furs par exemple). Puis, d’un coup, l’album repart sur une nouvelle cassure, plus nette, avec Anchoress In Furs où une voix féminine aérienne vient se poser sur une musique plus lourde, plus sludge presque. On perd en fil conducteur même si le tout, il faut le souligner, reste très agréable. Néanmoins, le propos décousu n’aide pas l’auditeur à retenir son attention aisément. Un Anchoress In Furs qui, au demeurant, comprend aussi nombre de ponts très funeral doom, pour ne rien arranger au changement de direction. Polar Hiss Hysteria, quant à lui, opte pour une vision encore distincte, plus martiale, qui accouche d’un titre plus dispensable.
Tu l’auras compris. Ce nouveau The Ruins of Beverast est ultra qualitatif, comme toujours. Mais il peine à accrocher l’auditeur parce qu’à mon sens, cette fois-ci, le mélange est trop riche, trop multidirectionnel, sans fil rouge fort et alors, au surplus, que les ruptures se situent parfois au sein même des morceaux. C’est un problème de riches, c’est vrai. Mais c’est un problème tout de même.
| Raziel 23 Octobre 2021 - 2391 lectures |
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