Le retour de Worm un tout petit peu plus d’un an après la sortie de l’excellent
Foreverglade est évidemment une excellente nouvelle pour quiconque a déjà succombé aux charmes putrides et rances du collectif floridien à géométrie variable. Certes, il est fort probable que personne n’escomptait voir Phantomslaughter reprendre du service aussi rapidement mais c’est pourtant chose faite avec la sortie toute fraîche d’un généreux EP affiché à plus de vingt-six minutes.
Intitulé
Bluenothing, cette dernière offrande parue sous les couleurs du label 20 Buck Spin propose de nous faire découvrir quatre nouveaux morceaux dans des registres parfois assez différents mais néanmoins tout à fait complémentaires lorsque l’on connait bien Worm, ses antécédents et les goûts particulièrement marqués de sa tête pensante. Celui-ci, comme toujours d’ailleurs, n’est pas seul dans cette nouvelle aventure puisqu’il est accompagné une fois de plus par quelques musiciens de session. Si L. Dusk (batterie) et Nihilistic Manifesto (guitare) sont toujours de la partie (le premier sur "Bluenothing" et "Centuries Of Ooze II", le second sur "Shadowside Kingdom"), ce EP voit également les participations de Charlie Koryn (derrière la batterie sur "Shadowside Kingdom"), Samuel Osborne (à la basse sur "Shadowside Kingdom") et surtout Philippe Tougas aka Wroth Septentrion (Chthe’ilist, First Fragment, Atramentus, Funebrarum, VoidCeremony...) qui signe ici l’essentiel ou presque des parties de guitares, leads et solos compris.
Pour illustrer ce EP, Phantomslaughter a une fois de plus sollicité les talents de l’Américain Brad Moore qui pour l’occasion livre une oeuvre particulièrement réussie dans laquelle ses visions difformes et grotesques laissent place à des scènes toujours aussi cauchemardesques mais peut-être un peu plus tangibles. En effet, nous ne sommes pas loin du film de genre avec tous ces spectres encapuchonnés, ces immenses chauve-souris et ces décors oscillants entre cimetière abandonné, crypte sombre et humide et paysages désolés...
Sans trop de surprise, la première partie de ce nouveau EP renoue avec ce Death / Doom lugubre abordé dès l’excellent
Gloomlord et sublimé sur l’incroyable
Foreverglade. Une suite directe qui n’a finalement rien de très étonnant puisque "Bluenothing" et "Centuries Of Ooze II" sont tous les deux issus des mêmes sessions d’enregistrement (il était d’ailleurs prévu que le morceau-titre clôture ce dernier album). On retrouve ainsi tout ce qui faisait déjà le charme de son prédécesseur comme ces riffs lents et funèbres qui nous entraînent six pieds sous terre, ces mélodies lumineuses mais néanmoins sinistres qui évoquent autant la mort que la solitude (encore un gros travail sur ce point avec des passages particulièrement brillants signés d’un Phil Tougas en état de grâce), ce growl profond ainsi que cette voix beaucoup plus arrachée, ces quelques accélérations naturellement bienvenues ainsi que ces nombreuses nappes de claviers (un mélange de voix spectrales et de sonorités un brin désuètes empruntées au siècle dernier) qui confèrent à l’ensemble ces atmosphères résolument macabres dans lesquelles ont prendra toujours autant de plaisir à s’envelopper. Si sur le papier Worm ne propose donc rien de nouveau (les influences de groupes comme diSEMBOWELMENT, Evoken, Thergothon ou Paradise Lost sont en effet toujours aussi évidentes), on continuera malgré tout de se montrer particulièrement enthousiaste face à des titres certes chargés mais toujours aussi bien ficelés. En effet difficile une fois de plus de nier la qualité d’écriture et l’équilibre très juste de ces quelques compositions qui viennent ainsi clôturer ce chapitre de l’histoire de Worm et permettre à Phantomslaughter de s’en aller vers d’autres horizons...
La seconde partie de
Bluenothing est ainsi l’occasion pour le Floridien d’évoquer le temps de deux morceaux ce vers quoi Worm risque, je l’espère, de tendre sur son futur album. Une approche effectivement très différente mais pas nouvelle puisque celle-ci prend une fois de plus racine dans les années 90 et plus particulièrement chez ces groupes de Black Metal symphonique ayant marqués de leur emprunte cette décennie (Arcturus, Covenant, Emperor, Limbonic Art, Obtained Enslavement...). Du haut de ses deux minutes et dix-huit secondes, "Invoking The Dragonmoon" va donc servir d’introduction sur fond de synthétiseur et de bruits étranges évoquants l’immensité de l’Espace. Un titre court mais particulièrement captivant grâce à ce lead somptueux qui s’étire et qui par ce délicieux feeling qui en émane n’a aucun mal à nous embarquer avec lui. "Shadowside Kingdom" s’avère plus consistant avec plus de six minutes au compteur. Pour autant, je ne peux m’empêcher d’éprouver une certaine frustration à son écoute. La première moitié, excellente, mêle nappes de synthétiseur, guitare électro-acoustique et leads envoutants signés Nihilistic Manifesto. La seconde, excellente elle aussi, voit le groupe corser le ton par le biais d’attaques rappelant les fulgurances d’un certain Emperor (toujours à grand renfort de clavier et de solos grandioses) avant de conclure par une séquence plus en retenue habilement relevée une fois de plus par l’excellent travail mélodique de Nihilistic Manifesto . Alors pourquoi diable ressentir de la frustration ? Et bien tout simplement parce que l’on aurait aimé en avoir davantage à se caler sous la dent. Voilà pourquoi !
Pour autant, cette frustration s’avère bien vite balayée par ce sentiment plus général d’excitation qui domine à l’écoute de ces quatre titres incroyables. Car "Bluenothing" et "Centuries Of Ooze II" ont beau ne pas avoir été retenus pour figurer sur
Foreverglade (probablement pour ne pas plomber la dynamique de l’album et ainsi conserver toute l’attention de l’auditeur), ces derniers n’ont absolument rien à envier aux quelques compositions issues de ce troisième longue-durée. On y retrouve en effet ce Death / Doom lugubre dans ce qu’il a de plus exubérant et macabre. Un régal que ne manqueront pas d’apprécier tous ceux qui comme moi sont tombés sous le charme de ce
Foreverglade. Mais
Bluenothing est également l’occasion pour Worm d’explorer d’autres contrées laissées jusque-là de côté et pourtant pleinement en adéquation avec l’image que véhicule Phantomslaughter (si vous suivez le groupe sur Instagram vous savez forcément de quoi je parle). Ce parti-pris, pas forcément novateur mais extrêmement rafraichissant mêle ainsi des genres qui ont rarement aussi bien co-habités ensemble. Alors je ne sais pas vous mais après ces deux titres aussi courts ou aussi frustrants soient-ils, je suis particulièrement chaud pour le Worm version Black Metal symphonique qui en l’espace de quelques minutes nous offre de belles promesses pour l’avenir. À suivre...
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