Je ne sais pas pour vous mais en ce qui me concerne je tiens là l’un des plus beaux artworks de 2021. Signé de l’illustrateur américain Brad Moore à qui l’ont doit notamment quelques travaux pour Argus ainsi que l’artwork du deuxième album des Canadiens de Tomb Mold (
Manor Of Infinite Forms) et plus récemment celui du premier EP des Californiens de Putrid Tomb, cette œuvre torturée aux couleurs chatoyantes possède le pouvoir de vous ensorceler. L’œil, à l’affût du moindre petit détail, va ainsi plonger avec crainte et envie dans cet univers infernal, essayant de trouver un sens à cet entrelacs absurde de créatures difformes, d’escaliers sans fin et d’architectures improbables. Une œuvre particulièrement envoutante sublimée par le très chouette logo de monsieur Yuri Kahan et qui justifierait presque à elle seule l’achat de l’album dans sa version vinyle malheureusement annoncée pour le mois de février…
Intitulé
Foreverglade en hommage une fois de plus au Sunshine State qui les a vu naître, ce troisième album des Américains de Worm fait suite à l’excellent
Gloomlord paru courant 2019 mais présenté ici à vous tardivement. A l’occasion de cette nouvelle sortie, Fantomslaughter et Equimanthorn ont fait appel une fois de plus aux services de musiciens de session. C’est un dénommé L. Dusk que l’on retrouve cette fois-ci derrière les fûts alors que monsieur Nihilistic Manifesto s’est vu quant à lui confier à nouveau la tâche de poser l’intégralité des solos mélodiques de l’album. En ce qui concerne tout le travail de production, si Worm s’est probablement lui-même chargé de l’enregistrement, le mixage et le mastering ont quant à eux été confiés à Stephen DeAcutis remarqué notamment pour son travail chez Dim Mak, Disma et surtout Evoken. Un choix qui évidemment ne doit rien au hasard puisque les Floridiens pratiquent effectivement un Death / Doom largement influencé par le groupe du New-Jersey.
Après un changement de cap amorcé à la suite de son premier album qui explorait alors des territoires beaucoup plus proches du Black Metal de Beherit et consort, Worm poursuit ici sur sa lancée en confirmant cette orientation funèbre entamée avec la sortie de
Gloomlord il y a un peu moins de deux ans. Servi par une production absolument délicieuse qui ramènera l’auditeur vingt-cinq ans en arrière - soit au milieu des années 90 en plein âge d’or Death / Doom - grâce à cet équilibre parfaitement maîtrisé entre lourdeur, abrasivité, lisibilité et atmosphère,
Foreverglade continue l’exploration de ces territoires sinistres et décharnés en faisant preuve d’un talent particulièrement saisissant et surtout d’une maturité nouvellement acquise. Car si son prédécesseur était déjà particulièrement bien ficelé dans son genre, quelques écoutes attentives vont néanmoins suffire pour comprendre que Worm a ici élevé son niveau de jeu, aussi bien sur la question de l’écriture que sur celles des ambiances ou de la technique.
Alors évidemment, les influences restent inchangées avec toujours en toile de fond les spectres de diSEMBOWELMENT, Evoken, Thergothon ou Goatlord qui continuent effectivement de planer plus ou moins ouvertement sur le Death / Doom de la formation floridienne. Pour autant, il est facile de constater ce sur quoi Worm a progressé.
Côté production, cela va se jouer notamment dans le caractère beaucoup plus massif et moins déséquilibré qu’arbore ces nouvelles compositions. Certes, celles-ci perdent au passage un petit peu de cette crasse et de cette abrasivité qui faisait une partie de leur charme sur l’excellent
Gloomlord mais l’impact n’en est ici que renforcé. Chaque instrument respire en effet davantage alors que certains, à l’image notamment de cette batterie, ont considérablement gagné en puissance et en lisibilité.
Cette "évolution", on la constate également d’un point de vue de l’écriture avec des morceaux toujours aussi longs et fouillés mais désormais plus variés et élaborés. Évoquées précédemment en filigrane par le seul biais de ces quelques leads mélodiques présents sur seulement deux morceaux de son prédécesseur, l’influence de Death période
Human et
Individual Thought Patterns n’a jamais été aussi flagrante qu’aujourd’hui. Certes, les solos de Nihilistic Manifesto dispensés tout de même ici plus généreusement qu’auparavant n’y sont une fois de plus pas étrangers avec là encore du bien bel ouvrage à vous donner la chair de poule ("Murk Above The Dark Moor" à 5:38, "Cloaked In Nightwinds" à 5:39 et 6:53, "Empire Of The Necromancers" à 0:14, 0:53 et 2:38, 3:29, "Subaqueous Funeral" à 2:00 avec ces guitares en écho, "Centuries Of Ooze" à 7:30) mais c’est surtout sur "Empire Of The Necromancers" que la filiation avec la musique de Chuck Schuldiner semble la plus évidente et cela dès cette entame aux airs d’hommage parfaitement assumé. De la même manière,
Foreverglade est également marqué par une plus grande variété de séquences et de sonorités avec évidemment de purs passages Death / Doom pesants et lugubres concrétisés à travers ces riffs écrasants et rugueux, ce growl désormais plus profond et ces fameuses petites mélodies spectrales et désarticulées faisant grandement écho à celles déjà dispensées chez diSEMBOWELMENT, Evoken, Thergothon ou Spectral Voice. Mais ce sont surtout ces "accélérations" tout en retenue ou plutôt ces légères variations de rythmes au groove souvent contagieux ("Foreverglade (Intro)" à 3:20, "Murk Above The Dark Moor" à 3:11, "Empire Of The Necromancers" à 3:29, "Centuries Of Ooze" à 2:31 avec ses quelques blasts bien sentis), ces sonorités Black Metal ("Empire Of The Necromancers" à 3:58), certaines mélodies plus lumineuses, la place désormais beaucoup plus importante accordée aux nappes de synthétiseurs (sous forme de voix féminines fantomatiques sur "Foreverglade (Intro)" à 0:50, d’orgue sur "Murk Above The Dark Moor" à 2:53 et "Cloaked In Nightwinds" à 2:13 ou bien de nappes inquiétantes comme sur "Cloaked In Nightwinds", "Empire Of The Necromancers" et "Centuries Of Ooze") et cette alternance de chant (un growl Death / Doom extrêmement profond d’un côté et une voix arrachée et malsaine de l’autre avec quelques bribes de chant plus solennels comme sur "Cloaked In Nightwinds" à 1:48 ou sur la conclusion de "Centuries Of Ooze") qui nourrissent cette diversité amenée ici avec suffisamment d’intelligence pour ne nuire ni à l’homogénéité ni à l’efficacité de l’ensemble.
Avec un artwork aussi incroyable et envoutant que celui proposé ici par Brad Moore il aurait été vraiment dommage d’avoir entre les mains et les oreilles un album décevant. Évidemment il n’en est rien puisque
Foreverglade est une véritable petite pépite de Death / Doom lugubre et habitée. Un disque aux références effectivement évidentes mais à la personnalité cependant très affirmée. Un disque d’une très grande maturité qui atteste également des progrès réalisés par le duo pourtant déjà bien en place depuis la sortie de son prédécesseur il y a seulement deux ans. Une sortie atypique mêlant à un cahier des charges scrupuleusement respecté (on retrouve en effet ici tout ce qui fait le sel des grands disques de Death / Doom) quelques variations plus personnelles et très intéressantes comme notamment ces sonorités Tech Death floridiennes qui ne sont pas sans grandement me réjouir. Bref, voilà assurément l’un des albums de l’année en ce qui me concerne.
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