Profitant de l’actualité d’Archgoat qui, rappelons-le, vient de sortir son nouvel album (l’excellent
The Apocalyptic Triumphator) sur Debemur Morti, je me suis dit qu’il serait peut-être temps de se pencher sur le reste de leur discographie (ou du moins une partie) à commencer par l’emblématique
Whore Of Bethlehem. Un album paru en 2006 sur Hammer Of Hate et dont l’impact sur la scène underground se mesure encore aujourd’hui.
Bien que ce soit son tout premier album, les débuts d’Archgoat remontent pourtant à la toute fin des années 80 (1989). C’est à l’initiative des frères Puolakanaho (aka Lord Angelslayer et Ritual Butcherer) qu’Archgoat voit le jour. Afin de compléter le line-up, les deux frangins sont alors rejoint par Blood Desecrator qui assurera sa mission derrière les fûts jusqu’à leur séparation en 1993. Ensemble, le trio va livrer une série de démos, splits et EP avant de tirer sa révérence, Archgoat refusant de prendre part à la "commercialisation" de la scène Black Metal. Il faudra alors attendre 2004 pour assister au retour des Finlandais, toujours sous la forme d’un trio mais cette fois-ci accompagné de Leneth The Unholy Carnager. Cependant, ce dernier ne fera pas long feu puisqu’il sera remercié l’année suivante au profit de Tuomas Karppinen aka Sinisterror, batteur de Demigod. Archgoat proposera la même année un EP intitulé
Angelslaying Black Fucking Metal (reprenant trois anciens titres) avant de sortir en 2006 cette pièce maîtresse du Black Metal underground qu’est
Whore Of Bethlehem.
Reprenant les choses là où elles s’étaient arrêtées en 1993, le groupe a une fois de plus fait appel aux services de Chris Moyen afin d’illustrer ce premier album. La suite d’une longue collaboration débutée en 1993 avec
Angelcunt (Tales Of Desecration) momentanément mise en suspens (enfin, j’imagine) depuis 2013 et la réédition de la démo
Jesus Spawn accompagnant la sortie du livre d’illustrations
Thorncross : Black Ink & Metal. De cette collaboration sont nées des illustrations plutôt emblématiques souvent construites de la même manière: un fond noir, une illustration sur ton blanc avec ses dégradés de gris/noir et ce fameux logo rouge crée par Turkka G. Rantanen (Adramelech, Demigod, Funebre, Demilich, Zealotry...). Une identité visuelle très forte qui va accompagner chaque sortie du groupe jusqu’à
Heavenly Vulva (Christ's Last Rites).
Mais la marque d’Archgoat va bien au-delà de cette identité visuelle. En effet, le groupe a très vite su trouver son chemin dans le dédale de possibilités offert par le Black Metal. Situé à la croisée des genres, c’est pourtant bien à cette dernière scène qu’appartient le groupe finlandais si l’on devait y apposer une quelconque étiquette. Il y a bien quelques signes trompeurs, notamment les lignes de chant d’un Lord Angelslayer plus proche de l’univers du Death Metal que de la grande majorité des productions Black habituelles. Un growl profond et lointain participant de l’atmosphère malsaine et satanique de
Whore Of Bethlehem. Ou bien encore cette production rugueuse et particulièrement compacte qui confère à ce premier album l’apparence d’un album de Death Metal poisseux et extrêmement dense. Deux pistes tangibles qui permettent ainsi d’évoquer la musique d’Archgoat sous l’appellation Black/Death.
Mais peu importe les étiquettes, ce qui compte c’est que le groupe a su donner une couleur bien particulière à sa musique pour qu’elle ne ressemble à aucune autre. Dès le départ, les Finlandais se sont ainsi démarqués le plus aisément du monde, en privilégiant une approche simple, frontale et presque rébarbative. Car si les riffs de Ritual Butcherer peuvent sembler d’une simplicité déconcertante, c’est pourtant chez Archgoat le nerf de la guerre. Des riffs obscurs et primitifs de seulement quelques notes, exécutés à toute vitesse et répétés jusqu’à en avoir la nausée. Une redondance au service du groupe qui ne cherche qu’à aliéner l’auditeur et lui faire courber l’échine en guise de soumission, créant au passage son lot d’atmosphères blasphématoires et obscures à la fois envoutantes et étouffantes. Epaulé par un Sinisterror tentaculaire et certainement pas feignant, le groupe n’a aucun mal à rendre l’écoute de « Whore Of Bethlehem » particulièrement éreintante. Un rythme extrêmement soutenu et bestial marqué par une pluie quasi continue de blasts punitifs plus ou moins rapides et de riffs rugueux et simples mais d’une efficacité incontestable (le tryptique d’entrée - "Angel Of Sodomy", "Lord Of The Void" et "Dawn Of The Black Light" - est en la matière assez incroyable même si le reste n’a pas à rougir à commencer par l’excellent "Whore Of Bethlehem" lui-même).
Néanmoins, Archgoat brille par une autre subtilité qui a fait sa réputation, ses fameuses séquences mid-tempo. Loin d’être anecdotiques, celles-ci viennent rompre avec le côté particulièrement répétitif des différentes compositions. Des passages non dénués de groove qui, en plus de casser cette rigueur exemplaire dans la distribution de blasts, vient apporter une seconde dynamique tout aussi fulgurante procurant l’irrépressible envie de tout détruire sur son passage. Des breaks brises-nuques irrésistibles qui, pour avoir vu le groupe en live, font mouche sans aucune difficulté. Comment ne pas péter les plombs et se décrocher les cervicales sur les breaks de "Lord Of The Void" à 1:10 et 4:11, "Dawn Of The Black Light" à 1:33 et 4:07, "Luciferian Darkness" à 0:42 et 2:03, "Desecration" à 1:18 et 3:21, le début de "Black Crusade", "Whore Of Bethlehem" à 0:42 etc... Chaque titre étant plus ou moins construit de la même manière, il y a au moins autant de séquences mid-tempo qu’il y a de morceaux sur cet album.
Incarnation d’un Black Metal intransigeant et particulièrement primitif, Archgoat n’a jamais dévié d’un millimètre de sa trajectoire, toujours fidèle à ce qu’il a créé il y a maintenant vingt-six ans à la gloire du Malin. Ses atouts sont aussi très certainement les plus gros défauts constatés par ses détracteurs. Mais qu’importe, la musique d’Archgoat n’est pas destinée à plaire au plus grand nombre. Avec
Whore Of Bethlehem, le trio finlandais vient frapper un grand coup dans la fourmilière Black Metal. Un retour en force, dénué de toute finesse, bien décidé à imposer son Black Metal bestial et primitif aux oreilles impures. Un juste rappel des choses après treize longues années d’absence.
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