À quoi bon une énième chronique de ce «
Neverending Destiny » hein ? Qu’est-ce qui n’a pas encore été dit sur la carrière sans faute (oui) d’
AGRESSOR ? Que pourrais-je bien raconter que vous ne sachiez pas déjà ? Pas grand-chose, certainement rien d’ailleurs. Suite à une série de démos parues entre 1986 et 1989 ainsi qu’au split désormais culte avec
LOUDBLAST («
Licensed to Thrash », 1988), les Antibois sont connus pour avoir été le premier groupe français de
metal extrême à signer avec un label international, en l’occurrence les Allemands de
Noise Records pour la parution de ce premier LP. Autant te dire qu’à l’époque,
Noise, ce n’est pas un vendeur de
currywurst à la sauvette, c’est une maison on ne peut plus sérieuse qui, à elle seule, peut faire basculer une carrière.
À ce moment-là de l’histoire, la formation évolue encore en trio, le batteur
Thierry Pinck quittant rapidement les rangs pour aller enregistrer le mythique
« Disincarnate » et, aussi fou que cela puisse aujourd’hui paraître, l’album reste d’une incroyable actualité. Certes, il y a le constat que le
thrash « à l’ancienne » est revenu au goût du jour depuis déjà plusieurs années et qu’il a contribué à réhabituer les oreilles à ce genre de sonorités mais, au-delà de ça, que ce soit en termes d’esthétique, de technique ou de qualité d’écriture, «
Neverending Destiny » tient encore la dragée haute à pas mal de monde. Euphémisme.
Evidemment, il y a cette pochette emblématique signée
Philippe Druillet, fondateur du mensuel
Métal Hurlant et de la maison d’édition
Les Humanoïdes Associés et à qui
PROTON BURST rendra également hommage en 1994 avec son album «
La Nuit », ceci n’étant qu’une petite trace de l’influence majeure qu’a exercée ce monsieur sur toute la scène musicale, avec notamment des pochettes réalisées pour
Jimi Hendrix,
William Sheller,
Philippe Sarde,
Pierre Bachelet, ses affiches pour les films «
La guerre du feu » ou «
Le nom de la rose », l’homme pèse lourd, tout simplement. Et cette illustration réalisée pour
AGRESSOR, elle préfigure totalement le logo d’un
VEKTOR ainsi que bon nombre d’
artwork de la scène
Sci-Fi. Des précurseurs mais aussi une prise de risque au regard de ce qui se faisait alors en matière d’illustration. Si tu as un doute, je te laisse rechercher ce qui se dessinait en ce temps-là et si tu trouves une contradiction solide, tu as gagné le droit de laisser un commentaire avec le lien adéquat.
Ensuite, musicalement,
Alex Colin-Tocquaine a déjà un sens du riff ainsi qu’un niveau technique de dingue. C’est peut-être de famille (
WITCHES) mais, par comparaison et pour prendre une formation sensiblement de la même époque, nous sommes alors très au-dessus, en termes de maturité musicale, de
« Morbid Visions » et même de
« Schizophrenia » : plus brutal, plus complexe également (les plans absolument fous d’un « Voices from Below » par exemple). Il y a évidemment quelques faiblesses, comme le très moyen « Brainstorm » ou des relents de
speed metal balbutiant, avec ces cris haut perchés toujours un peu risibles mais, globalement, les dix compostions sont toutes de pures avoines. C’était somme toute assez rare en 1990 que d’entendre des musiciens développer une telle technicité alliée à la vitesse (« Bloody Corpse »).
Afin de faire sonner le tout correctement, c’est bien entendu un studio berlinois qui a accueilli les Français, le
Sky Track, chez qui était par exemple passé
CORONER pour «
Punishment for Decadence » puis
« No More Color » (et il y retournera pour enregistrer son phénoménal
« Mental Vortex »), le mixage quant à lui étant confié aux Suédois du
Montezuma Studio. Il faut dire qu’à l’époque ces pays étaient bien plus avancés que la France pour canaliser la brutalité, le résultat étant que la production reste d’une modernité sans faille : claire, puissante, mettant parfaitement en lumière toute la richesse des riffs.
Je n’occulte pas non plus le boulot réalisé par
Laurent Luret à la basse. Même si l’on sent bien que «
Neverending Destiny » est avant tout un album de guitares, on entend suffisamment les quatre cordes pour comprendre que le mec tartine à mort, parfaitement calé sur une batterie qui blaste fort. Et si l’album penche plus du côté d’un
thrash metal complexe et brutal que du
death radical à venir («
Towards Beyond »), il semble évident que l’on a là une pièce de choix dans l’histoire du genre, au niveau hexagonal c’est une évidence, mais également à l’échelle internationale tant ce disque demeure d’une justesse rare. Tout simplement impitoyable et trop souvent oublié.
J’ai trop parlé du contexte et pas assez du contenu musical ? En deux clics, il est possible d’accéder au disque, nul besoin de vanter les mérites de chaque chanson, elles sont là, accessibles depuis plus trente ans, donc soit tu réalises un acte patriote et tu arrêtes d’aller chercher à l’extérieur ce que l’on compose, en souvent mieux, à l’intérieur, soit tu… Je ne sais pas en fait, tu continues à faire ce que tu faisais, ignorer la scène nationale, de toute façon ce n’est pas maintenant que la donne changera pour
AGRESSOR.
3 COMMENTAIRE(S)
06/06/2024 09:07
06/06/2024 07:10
Et une belle chro !
Cvlte de la pochette au contenu.
05/06/2024 20:31