Houle - Ciel Cendre Et Misère Noire
Chronique
Houle Ciel Cendre Et Misère Noire
"La mer... qu'on voit danser le long des golfes clairs, a des reflets d'argent. La mer... des reflets changeants, sous la pluie...", ainsi commence le chef-d’œuvre de Charles Trénet qui nous narre une grande bleue calme, belle et estivale. Pourtant si cette vision maritime apaisée et solaire existe bel et bien il y a aussi son côté plus cruel et sombre fait de tempêtes, de naufrages tragiques, de vagues scélérates, et de légendes au sujet des nombreux marins disparus corps et biens avec leurs navires. C’est cette version que nous narre HOULE depuis ses débuts en 2021 et avec il faut le dire un certain succès, tant l’Ep éponyme publié il y a bientôt deux ans a fait parler positivement de lui et a permis à ses membres d’enchaîner les concerts en tête d’affiche comme en première partie de noms prestigieux (BATUSHKA en tête). Tout cela a donc permis aux parisiens de se rôder et de prendre de l’expérience avec le passage toujours délicat du premier album, surtout quand on est attendu au tournant comme c’est le cas ici... et il fait peu de doutes que celui-ci va faire énormément parler et que les avis vont être sans doute contradictoires à son sujet (sauf concernant la pochette absolument magnifique signée Maéna Paillet – digne des tableaux du même genre que l’on peut trouver au Musée de la Marine à Paris - et qui va faire l’unanimité).
Car effectivement si l’on va retrouver le côté mélodique et apaisé qui faisait le charme de la précédente livraison le quintet va aussi mettre en avant une facette sombre plus radicale encore qu’auparavant, jouant ainsi sur les antagonismes de façon plus marquée tout en allongeant son propos afin de permettre à ces deux facettes de pouvoir s’exprimer totalement. En tout cas du côté du concept maritime il n’y aucune tromperie sur la marchandise vu que dès l’introduction on est mis dans l’ambiance de par ses chants de marins goguenards et un peu avinés, loin de l’imagerie grand-public proposée en son temps par les sympathiques SOLDAT LOUIS (« Du rhum, des femmes »). Car dès que cela se termine place à « La Danse Du Rocher » où les deux extrémités du combo vont exploser de la plus belle des façons, entre la première aux accents épiques et tentaculaires (où la vitesse et le déchaînement de blasts sont de sortie)… et la seconde où la tempête ne s’apaise quelque peu et permettent ainsi d’offrir des accents éthérés que l’on avait pu découvrir sur la précédente livraison (mais mis ici de façon plus active). Après la pluie vient le beau temps et c’est effectivement cela qui peut se faire ressentir, surtout que malgré les différences d’énergie mises en avant ici tout cela s’agglomère très bien ensemble en ne tombant pas comme un cheveu sur la soupe, tant c’est à la fois dynamique et porté par des arrangements sobres où la voix de la déesse des flots sait se montrer violente en haranguant les nombreux enfants de Poséidon et aussi apaiser les troupes pour leur prouver qu’une trêve est possible. Cette vision toute en paradoxe de l’océan va néanmoins ne pas se faire sans heurts, en effet il faut bien souligner que malgré ses efforts et la prise de risques entendue via « Sur Les Braises Du Foyer » le contenu a parfois du mal à être ingéré correctement. Si la montée progressive est mise impeccablement en avant (tant le rendu rampant froid et sombre nous montre que l’orage n’est pas loin) - tout comme le mélange entre accents tristes et chant susurré (où l’on croit percevoir au loin le son d’une vielle) d’où émerge là-encore une violence intense et maîtrisée - en revanche la durée se montre clairement excessive et c’est là le souci. En étant plus raccourci ce morceau travaillé et alambiqué aurait été plus cohérent, au lieu de cela il est parfois compliqué de trouver un point où s’accrocher vu que les cassures se montrent parfois un peu abruptes. Néanmoins l’originalité de l’ensemble en total raccord avec les textes font largement oublier cela et même les quelques relents tribaux qui se mêlent très bien à cette ambivalence entre virulence et tristesse, où chacun garde son équilibre pour ne pas empiéter sur l’autre, et ainsi perdre la cohérence générale.
En revanche rien à signaler du côté de l’excellent et frontal « Mère Nocturne » qui a tout ce qu’il faut pour être un incontournable scénique, vu qu’on y (re)trouve tous les ingrédients qui faisaient le charme de la précédente livraison du combo… vu que ça ne débande jamais et propose une alternance régulière de passages rapides débridés où ça tabasse sec, et d’autres où l’on ne peut s’empêcher de secouer la tête comme un forcené via un dynamisme impressionnant et qui fait plaisir à entendre. D’ailleurs ce constat va se partager également sur le guerrier « Derrière L’Horizon » qui va clairement trouver là-aussi son public en concert et dont l’écriture est assez similaire en misant majoritairement sur la rapidité… à l’instar du magnétique « Sel, Sang Et Gerçures ». On sent ici que la fin du disque approche et avec elle un retour à une densité accentuée car outre le schéma traditionnel l’entité nous offre aussi de doux arpèges apaisants et une basse qui ronronne de plaisir au milieu de cette rapidité prédominante, d’où émerge un solo tout en beauté confirmant là-encore que Crabe se montre parfaitement à l’aise dans cet exercice. On constate donc ici les dégâts une fois qu’Eole est parti se reposer afin de mieux appréhender le recueillement qui se dégage après cette violence qui a encore laissé des veuves éplorées sur son chemin… tout ça avant le bouquet final intitulé « Née Des Embruns » qui bien que s’éternisant beaucoup trop longuement pour une conclusion (douze minutes quand même ! N’est pas IRON MAIDEN qui veut !) va révéler une richesse insoupçonnée, preuve que ses auteurs ont clairement pris du galon.
Partant sur des bruits de vagues cette ultime composition va nous faire plonger très profondément vers les abîmes où le soleil disparaît très rapidement, tant ici c’est un hommage aux grandes profondeurs tel qu’aurait pu le réaliser le regretté Georges Pernoud et que l’on peut retrouver dans ces bijoux que sont « Abyss » ou encore « Das Boot – Le Bateau » (les plus cinéphiles seront sans doute de cet avis). Et outre cela cette reverb’ proposée en démarrage complétée par ses doux arpèges où les mouettes se font entendre va aussi nous transporter vers « Le Grand Bleu », tant ici on pourrait croire qu’Eric Serra est passé dans les parages car certaines choses semblent tirées de cette incroyable bande-originale qui a marqué son époque. Jouant la lenteur comme la furia la ligne directrice n’hésite pas à sortir des sentiers battus via nombre de ralentissements et accélérations où l’ivresse des profondeurs semble nous appeler, cela étant notamment renforcé par la prestation vocale d’Adsagsona qui semble faire son appel des sirènes auprès du pauvre Ulysse. Alors oui à étirer tout cela trop longuement on risque de se casser la gueule et cela est en partie vrai, mais en revanche l’échec n’est pas du tout à l’ordre du jour tant la maîtrise instrumentale y est impressionnante et avec elle les perspectives d’avenir nombreuses avec ce mélange de subtilité, d’effervescence où les bateaux en détresse cherchent un phare et un port de façon hypothétique et désespérante.
Gardant donc autant leur ligne directrice originelle qu’une évolution plus dense et virulente, les franciliens signent en tout cas un enregistrement bien plus subtil et profond qu’il n’y paraît et qui prouve en tout cas qu’ils ne sont pas un feu de paille dans le paysage national. Si évidemment on regrettera sans doute la perte d’une certaine innocence que l’on entendait sur l’éponyme celle-ci n’a pas totalement disparue, et se complète parfaitement à cette nouvelle orientation qui ne dépareille pas avec le reste. A voir donc ce que sera l’avenir de l’entité mais il est pour le moment radieux, attention néanmoins à garder la tête froide et à ne pas s’emballer tant cette hype médiatique peut vite s’essouffler et avec elle la fin des illusions, ce qui serait dommageable quand on propose quelque chose de cette qualité. Et ça n’est sans doute que le début tant on est désormais certain qu’une vraie carrière s’annonce sous les meilleurs auspices pour elle, et si tout est correctement géré il n’y a pas de raison que les choses changent négativement dans un avenir proche... c’est tout ce qu’on lui souhaite en tout cas.
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