J’ai toujours eu un faible pour le cinéma anglais, en grande partie à cause de son approche sociale toujours très juste mettant notamment en lumière les nombreux dysfonctionnements et autres travers de nos sociétés capitalistes modernes sans pour autant se sentir obligé de devoir sombrer systématiquement dans la tragédie. Une forme d’espoir et d’humanité portée également par des personnages attachants et souvent hauts en couleur dont l’humour pince sans rire et l’accent à couper au couteau ont toujours été un régal pour moi. De Ken Loach (Sweet Sixteen, I, Daniel Blake, Raining Stones...) à Mike Leigh (Be Happy, High Hopes, Secrets And Lies...) en passant par Shane Meadows (This Is England et les séries qui en ont découlé), Andrea Arnold (Fish Tank) et les débuts de Guy Ritchie (Lock, Stock and Two Smoking Barrels, Snatch...), le cinéma anglais n’a jamais manqué de nous émouvoir tout au long de ces années.
Mais alors pourquoi est-ce que je vous parle de cinéma sur un webzine dédié aux musiques extrêmes ? Eh bien tout simplement parce que les Londoniens d’High Vis (qui n’ont d’ailleurs rien de très "extrême") partagent à travers leur musique le même genre de regard, évoquant en effet dans leurs textes fédérateurs mais aussi leurs mélodies imparables la grisaille de ces villes industrielles et de ces vies de prolétaires face aux tracas du quotidien et à ce déterminisme social auquel il semble impossible d’échapper… Une approche qui, sans pour autant boxer dans la même catégorie, n’est pas sans faire écho à celle d’autres formations issues des fameuses mouvances "Madchester" (The Stone Roses, Happy Mondays, The Charlatans...) et "Brit Pop" (Oasis, Blur, Pulp...).
Attendu au tournant après un deuxième album qui leur aura permis de gagner significativement en notoriété, High Vis a su entretenir ces dernières semaines notre intérêt avec la sortie de singles particulièrement engageants ("Mob DLA" suivi de l‘excellent "Drop Me Out") tout en suscitant en parallèle quelques doutes et autres interrogations avec un "Mind’s A Lie" beaucoup plus surprenant (pour ne pas dire carrément clivant). Quoi qu’il en soit et comme on ne change pas une équipe qui gagne, c’est à nouveau sur Dais Records que paraît ce troisième album. Un disque intitulé
Guided Tour dont on doit le cliché utilisé en guise d’illustration à un certain David Sinclair, célèbre photographe londonien réputé pour ses instantanés de la classe ouvrière anglaise, notamment durant les années 80 et 90. S’il vous fallait alors une preuve supplémentaire de ce lien entre la musique d’High Vis et le cinéma anglais et bien la voici...
Produit pour la seconde fois consécutive par Jonah Falco de Fucked Up avec le soutien indéfectible de Stanley Gravett,
Guided Tour donne le sentiment de marcher dans les pas de son prédécesseur en matière de production. Une approche à la fois naturelle et dynamique qui a su conserver l’âpreté, la tension et la nervosité des scènes Punk / Hardcore auxquelles les membres de High Vis restent profondément (r)attachés tout en arrondissant les angles à la manière des grands noms du Post-Punk et de la Brit Pop. Une production une fois encore parfaitement taillée pour le job puisque ce nouvel album concentre de manière toujours aussi subtile et aboutie toutes ces influences et autres sonorités dont se revendique la formation londonienne.
À l’image de son prédécesseur (le bien nommé
Blending, 2022), on va naturellement retrouver sur
Guided Tour quelques bribes du passé Punk / Hardcore de Graham Sayle et ses acolytes (l’excellent "Drop Me Out" avec ses guitares tendues, sa rythmique nerveuse et son refrain particulièrement imparable, "Mob DLA" dont la seconde partie plus musclée n’est pas sans évoquer le Turnstile de ces dernières années ou "Gone Forever" et ses lignes de chant plus intenses) mélangées une fois de plus à des titres à l’ADN bien différent allant ainsi de la Brit Pop à l’Indie Rock ("Guided Tour", "Worth The Wait", "Deserve It") en passant par le Shoegaze (d’abord avec cet interlude vaporeux qu’est "Farringdon" auquel succèdera quelques minutes plus tard par l’excellent "Unethered") et même un Rock Alternatif légèrement plus abrasif ("Feeling Bless", "Fill The Gap", "Gone Forever"). Aussi irréprochables, séduisants et fédérateurs que soient tous ces titres, ces derniers restent néanmoins relativement fidèles à ce qu’High Vis a toujours composé par le passé. Là où les Anglais vont cependant prendre leurs auditeurs à revers et sortir par la même occasion de leur zone de confort c’est avec le titre "Mind’s A Lie" sur lequel le groupe a d’ailleurs invité la chanteuse et DJ londonienne Ell Murphy. Présenté comme le second single de ce nouvel album, celui-ci n’a pas du tout fait mouche chez moi à cause de son beat et des ces influences House qui clairement ne me parlent absolument pas mais aussi à cause d’une certaine forme de répétitivité... Seulement voilà, les écoutes se sont depuis succédées et force est de reconnaitre qu’en plus de constituer un pari relativement osé (même si plutôt limité et surtout compréhensible de la part d’un groupe anglais aux influences si variées) le charme a finalement fini par opérer. Je n’irai peut-être pas écouter ce genre de titre toute la journée mais allez savoir pourquoi, cette incartade aussi surprenante et différente soit-elle colle finalement très bien à la musique d’High Vis et à son univers définitivement urbain.
Alors non, lorsque j’écoute
Guided Tour je ne saurais pas vous dire avec certitude s’il s’agit de l’album de la maturité, celui qui pourrait permettre à High Vis de gagner encore un petit peu plus en reconnaissance et en notoriété. Ce qui me semble par contre évident est que celui-ci est au moins tout aussi convaincant que son prédécesseur qui déjà mélangeait avec beaucoup de talent et de justesse toutes ces influences finalement très anglaises les unes les autres. Oui, les Londoniens se sont quelque peu mis en péril en allant jouer sur des terrains très éloignés de leur style de prédilection mais comment leur en vouloir de chercher à s’affranchir de cadres trop restrictifs alors que c’est justement ce qu’ils font depuis le début de leur carrière. Mais au delà de ce "Mind’s A Lie" qui reste un one-shot certes déstabilisant mais finalement réussi, on continuera surtout de se délecter de ces hymnes (Post-)Punk fédérateurs et de ces mélodies à la fois mélancoliques et pourtant porteuses d’espoir... Bref, les Anglais m’ont brièvement mis le doute mais finissent avec toute la classe et l'aisance qu’on leur connait par transformer l’essai haut la main. Bien ouej !
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