Cela fait aujourd’hui un petit peu plus de douze ans que je ne m’étais pas penché sur les Chiliens de Wrathprayer. Douze longues années durant lesquelles la formation originaire de Rancagua ne se sera pas montrée particulièrement généreuse puisqu’à l’exception d’un split avec leurs compatriotes de Force Of Darkness sorti en 2017 chez Nuclear War Now ! Productions, la formation sud-américaine n’a strictement rien sorti d’autre. Une absence qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’a pas grand-chose à voir avec l’emploi du temps musical de nos deux protagonistes puisqu’on ne peut pas dire qu’ils aient été beaucoup plus prolifiques avec leurs autres projets (Oraculum, Deathwards et Theurgia). Aussi quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’en août dernier les prémices d’un retour se sont esquissés un petit peu partout sur Internet. Un enthousiasme malheureusement bien vite pondéré par un premier single qui m’avait paru particulièrement poussif et décevant…
Intitulé
Enkoimeterion, ce nouvel album paru le mois dernier toujours chez Nuclear War Now ! Productions voit Wrathprayer mener désormais ses activités sous la forme d’un duo puisque depuis 2020 J.M. Retsiela (basse) n’est effectivement plus de la partie. Enregistré et mixé par Eric Brisso lui-même (aka God Of Torment), ce deuxième album est également passé entre les mains du Français Christophe Chavanon (Deathspell Omega, Misþyrming, Sordide, Witchthroat Serpent…) qui s’est pour l’occasion chargé ici du mastering. L’illustration à quant à elle été confiée une fois de plus au Russe Denis Forkas Kostromitin (Akhlys, Altars, Bedsore, Black Curse, Grave Miasma...) à qui l’on doit déjà celle de l’excellent
The Sun Of Moloch: The Sublimation Of Sulphur's Essence Which Spawned Death And Life.
Donc, comme je le laissais sous-entendre un petit peu plus haut, ce retour en grande pompe n’a pas été aussi flamboyant que je l’escomptais. D’ailleurs à l’heure où j’écris ces lignes j’ai encore un petit peu de mal à y voir clair...
Sorti plus d’une décennie après un premier album qui à l’époque m’avait sacrément retourné,
Enkoimeterion ne pouvait naturellement pas s’imposer comme une suite directe. Forcément, après autant d’années, l’approche que peut avoir un groupe et ses musiciens sur leur propre musique a forcément évolué, en bien comme en mal. Aussi, je dois bien reconnaître que les premières écoutes n’ont pas été particulièrement engageantes. La faute à un riffing que j’ai d’abord pensé moins séduisant et à une production peut-être aussi plus opaque et granuleuse qui m’ont ainsi tenu à distance pendant un certain temps malgré l’envie d’y revenir et surtout d’y déceler ce qui à l’époque m’avait tant charmé. Le fait est finalement que malgré les douze années qui séparent ces deux albums,
The Sun Of Moloch: The Sublimation Of Sulphur's Essence Which Spawned Death And Life et
Enkoimeterion ne sont dans le fond pas si différents l’un de l’autre.
Adepte d’un Black / Death bestial et monolithique, le groupe chilien a plutôt que de faire évoluer sa formule choisi de répondre aux critiques de l’époque qui lui reprochaient un certain manque de folie ainsi qu’un caractère alors trop lisse en comparaison de la démo
In Utter Darkness. Pour y parvenir, Wrathprayer a fait le choix d’une production bien plus dense et opaque qui rend effectivement la compréhension désormais moins évidente et immédiate. Certes, l’ambiance infernale et fuligineuse propre à ce genre de ritournelles eschatologiques n’en est qu’exacerbée mais entre les riffs organiques pour ne pas dire boueux (qui plus est mêlés à cette basse que l’on ne distingue pas) et cette voix d’outre-tombe à la fois lointaine et un brin monocorde dans son interprétation growlée, l’exercice est clairement rendu un petit peu plus difficile qu’en 2012 ou en 2017.
Au-delà de ces quelques éléments qui mis bout à bout font tout de même une sacrée différence,
Enkoimeterion reprend peu ou prou ce qui faisait le sel de son prédécesseur à commencer par de nombreuses séquences bestiales et primitives marquées par un riffing sombre, entêtant et particulièrement menaçant mêlé à des salves de blasts soutenues et un jeu de cymbales frénétique qui va venir renforcer l’intensité de ce Black / Death sauvage. Certes, la formule est relativement limitée (comme souvent dans le genre, la faute à des riffs simples répétés à outrance) mais les Chiliens nous font avaler la pilule grâce à plusieurs changements de rythmes qui vont venir rompre avec ces assauts implacables et ainsi apporter ce qu’il faut de contrastes tout au long de ces trente-cinq minutes ("Seed Of Corruption" à 2:25 et 4:28, "Mercy Begets Savagery" à 2:24 (petit aparté pour évoquer ce sample dispensé en guise d’introduction qui me fait davantage penser à un marqueur Vellda sur un tableau effaçable plutôt qu’à des rats dans une quelconque cave), l’essentiel de "Seelenabgründe", "Harpagisometha" à 2:05 et 3:11, "Man’s Obsolescence" à 2:50, "Caliginous Ecstasy" à 2:28). Une variété que l’on retrouve également dans le chant d’Eric Brisso qui contrairement à ce que pourrait laisser croire ce que j’évoquais plus haut sur son growl lointain et monolithique a su apporter quelques variations intéressantes à ses vocalises par le biais de cris, de hurlements et d’interprétations évoquants la folie, la possession, l’hystérie et toutes ces choses particulièrement réjouissantes capables de mettre mal à l’aise le plus serein d’entre vous.
Si j’ai peut-être été à l’époque un poil trop enthousiaste dans ma notation du très bon
The Sun Of Moloch: The Sublimation Of Sulphur's Essence Which Spawned Death And Life, je reste cependant convaincu que ce nouvel album n’est pas tout à fait à la hauteur de son prédécesseur. Personnellement, la production globale assez opaque, son manque d’envergure certain et le chant moins à ma convenance font finalement d'
Enkoimeterion un disque sympathique mais clairement pas aussi marquant que son grand frère. On reste malgré tout sur un produit fini de qualité qui devrait à n’en point douter ravir un grand nombre d’amateurs de Black / Death sud-américain mais qui à titre personnel manque d’un petit quelque chose pour que je sois véritablement emballé par ce que j’entends ici. Dommage, surtout après douze ans d’absence mais il faudra bien s’en contenter.
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