Blodtår - Blodtår
Chronique
Blodtår Blodtår (EP)
Depuis quelques temps le royaume de Suède ne cesse de retrouver des couleurs au sein de la scène sombre et obscure après une longue période de déclin, et n’a désormais de nouveau plus rien à envier à celle de ses voisins norvégiens et finlandais pourtant toujours au sommet. Dernier exemple en date avec ce projet solo créé en 2019 par le mystérieux Carl qui s’occupe de presque tout de A à Z et qui mise musicalement sur un Black primitif et bas du front, complété par des ambiances nostalgiques et mystérieuses qui se côtoient sur le même pied d’égalité en offrant ainsi un sentiment triste et féérique au milieu des déferlantes de vitesse. Car le thème général de cet Ep est ici développé à travers une musique immersive qui s’inspire des différentes œuvres de John Bauer et Theodor Kittelsen, et de fait le désormais duo (avec l’intégration du batteur H. Alarcón) nous envoie dans un univers violent et onirique, qui rend hommage aussi bien aux albums des précurseurs du genre qu’au travail magnifique de ces deux peintres scandinaves reconnus, dont l’influence majeure chez nombre de groupes anciens comme actuels continue de perdurer encore aujourd’hui.
Si ce premier jet du binôme ne va pas s’éterniser dans la durée (à peine plus d’un quart-d’heure montre en main) il laisse néanmoins le temps aux différents passages doux de se faire entendre de façon suffisamment efficace pour qu’on soit accroché de bout en bout. D’ailleurs si le début de l’excellent « Djävulskap » part sur une rhétorique de pur Black radical joué à cent à l’heure et ultra-classique sur la forme comme le fond (porté par un riffing sobre et glacial et une production très crue et directe), le déchaînement de violence est par la suite interrompu via des notes acoustiques aux accents médiévaux et Folk forts agréables (très inspirés par le regretté Jon Nödtveidt), et qui trouvent facilement leur place dans l’ensemble de la compo. Si cette pause sert de transition pour mieux repartir à fond la caisse par la suite, elle permet de prouver que ces passages mélancoliques (qui renvoient à l’époque des châteaux-forts et des princesses en péril) ne sont pas là pour faire joli mais bel et bien pour amener un supplément d’âme et aérer des morceaux bruts de décoffrage quand l’électricité est là. Toujours aussi prépondérante sur le redoutable « Svartsejd » celle-ci va néanmoins laisser plus de place aux parties lourdes entre deux rasades de blasts décomplexés, offrant ainsi un équilibre rythmique agréable où les riffs se montrent plus coupants et lumineux tant une certaine amertume et tristesse en émergent, amenant comme de l’espoir au milieu de la nuit tel un phare dans la tempête et qui sent bon là-encore le grand DISSECTION. Si le court instrumental neigeux (« Besatt ») va permettre de reprendre son souffle au milieu du froid et des immenses forêts locales, la conclusion intitulée « Aldrig Mer » va montrer une facette épique et guerrière totalement jouissive, tant l’alternance entre passages rampants et explosions rythmiques massives va être de mise et de grande qualité. Ponctué de notes remplies de douceur qui nous renvoie aux interludes magnifiques de « The Somberlain » et « Storm Of The Light’s Bane » (qui d’ailleurs arrivent presque à nous tirer une petite larme) cet ultime titre montre que les gars malgré leur radicalité de façade et leur tempo majoritairement débridé, savent densifier leur son sans que cela ne nuise à la violence comme à l’accroche générale.
Si effectivement de prime abord tout cela peut sembler primitif et répétitif il faut aller au-delà de ces considérations premières et faire l’effort de chercher un peu plus loin tant ce court-format est à l’image de sa pochette, simple mais qui se découvre avec tendresse et sourire à l’instar du travail des deux maîtres nordiques précités auparavant. Sans compromis mais raffinée cette galette ne fera certes pas avancer la cause du style à travers les années mais se montre malgré tout très intéressante, en mélangeant nombre de choses différentes et du meilleur goût. Avec en prime une écoute qui se révèle facile et sans prise de tête tout est ici réuni pour passer un très bon moment, et l’on a hâte de voir le rendu au format supérieur et sur un temps plus étendu… tant il y’a ici de belles promesses qui ne demandent qu’à être confirmées, on l’espère d’ici peu.
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