Officium Triste - Hortus Venenum
Chronique
Officium Triste Hortus Venenum
Tu es amateur de doom en général et de doom death atmosphérique en particulier, tu connais donc nécessairement Officium Triste. Ce n’est pas comme si je te disais qu’ils étaient nés hier. Ancrés dans les 90’, les Hollandais pratiquent leur style avec la régularité du métronome depuis 30 ans, Hortus Venenum n’étant cependant que leur septième album longue durée.
A bien des égards, Officium Triste est un groupe remarquable qui n’a jamais fait le buzz, qui n’a jamais été réellement considéré à la hauteur de son talent. Peu nombreux sont les groupes, je te le répète à chaque fois, qui peuvent se targuer d’avoir produit autant d’albums sans véritable faute de goût. Et même si Giving Yourself Away semble faire l’unanimité quant à leur apex, leur avant dernier album, The Death of Gaia n’a pas manqué non plus de recueillir bien des louanges.
Hortus Venenum (le jardin empoisonné) se présente donc en successeur difficile, sur une thématique écolo similaire. Que l’on se rassure d’emblée, cet album est à la hauteur de l’édifice bâti par le combo hollandais au gré des décennies, même si son départ peine à emballer la machine. En somme, sur les 6 titres que comprend cet album, le premier tiers n’est pas celui qui emportera la mise au contraire de la suite, bien plus emballante.
Ne vous y trompez pas en effet. Les deux premiers titres, Behind Closed Doors et My Poison Garden ouvrent assez modestement cet album, calibrés aux grosses ficelles d’un doom death puissant mais armé de codes ultra balisés et davantage axé sur le death que sur l’ambiance, sur la force que sur l’émotion. Ces deux titres demeurent qualitatifs mais finalement assez éloignés des émotions que la suite va procurer. C’est puissant, profond, la voix ultra gutturale aidant à matérialiser ces aspects abyssaux, juste éclairés par quelques mélodies magnifiques (le pont central sur Behond Closed Doors, pétri de mélodies aériennes) mais finalement dans la veine de ce que propose le groupe habituellement. De nouveau, le niveau reste élevé et ces titres se placent sans difficulté assez loin de la meute des suiveurs, même si My Poison Garden perd un peu en puissance, avec des atours mélodiques qui dépouillent sensiblement le titre de sa vélocité.
Mais là où l’album tranche véritablement, c’est à compter de ses deux pièces centrales, Anna’s Woe et Walk in Shadows. La première nommée est un bloc d’émotions pures, ultra mélodique et mélancolique, puissant également par les évocations qu’elle suscite et les arrangements qu’elle comprend. Ouvert sur des riffs étirés et une ambiance venteuse lointaine, Ana’s Woe évoque le malheur, la solitude et le décharnement ; il convoque la dépression comme un fil rouge. Et pourtant, par percées fulgurantes, c’est bien la lumière et l’espoir qui parviennent jusqu’à nous, à grand renfort de riffs lumineux et aériens, de passages au synthé qui enluminent la structure et de cassures liées aux riffs féériques ou littéralement heavy qui bouleversent la progression, voulue linéaire et monolithique. Ces aspects oniriques et poétiques se retrouvent à l’identique sur Walk in Shadows. Son départ sombre, menaçant, fait place assez rapidement à une profondeur mélodique majestueuse, qui s’étend comme une ombre au soleil et recouvre presque toute la structure, accaparant l’espace sonore jusqu’à l’intervention de riffs de nouveau solaires et aériens, comme tournoyants dans les airs, simplement accompagnés de quelques notes de piano plus fragiles.
Le dernier tiers ne dépareille pas. Il conclut l’album sur des titres quasiment de synthèse, davantage axés sur le death et les solis heavy ou à l’inverse sur le doom et l’atmosphère. Forcefield revient ainsi sur les aspects plus death du combo mais sans négliger les mélodies porteuses d’ambiances nocturnes. Le rythme est plus enlevé, la dynamique également, souvent portée par des solis heavy incisifs et une rythmique plus saccadée. Angels with Broken Wings, le morceau le plus long, prend l’exact opposé pour dérouler son propos, axant davantage son univers sur le doom et la mélodie pour délivrer une clôture d’album somptueuse, les notes graciles de violon et de piano qui ouvrent le morceau guidant d’emblée l’oreille de l’auditeur sur ce qui l’attend par la suite, comme pourrait le faire un My Dying Bride par exemple. L’ensemble est lent, mélancolique et porté par un souffle nostalgique majestueux, qui semble étirer le titre.
Hortus Venenum est un album magnifique, qui restera gravé dans le doom 2024 comme étant un grand cru, parmi d’autres. S’il synthétise souvent la carrière des Hollandais, il montre également à quel point leur science de la composition est élevée. Pour notre plus grand bonheur.
| Raziel 23 Novembre 2024 - 120 lectures |
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