L’on ne sait jamais vraiment à quoi s’attendre avec
TODAY IS THE DAY car il est n’est pas rare que deux disques successifs n’aient strictement rien de comparable entre eux,
Steve Austin, le géniteur du projet, semblant fonctionner par cycle stylistique. Ainsi, à mon sens,
Pain is a Warning en ouvrait un nouveau, en totale rupture avec la paire
Kiss the Pig /
Axis of Eden, eux-mêmes rompant avec les trois d’avant (
Temple of the Morning Star,
In the Eyes of God,
Sadness Will Prevail, eux-mêmes ayant rompu avec les trois d’avant (
Supernova,
Willpower,
Today is the Day, je n’intègre pas les
live dans ce décompte. Il y a évidemment une ligne directrice mais j’imaginais donc davantage
Animal Mother comme un disque dans la veine du précédent plutôt qu’un retour sur ce qui avait déjà été écrit des années plus tôt, considérant qu’il était encore prématuré d’entamer une nouvelle page. Pourtant, comme d’habitude, la valse des musiciens se poursuit, les deux nouvelles recrues étant
Sean Conkling à la basse et
Jeff Lohrber à la batterie. Le chanteur – guitariste réaffirme donc ses choix de s’entourer de musiciens moins connus (pour ne pas dire inconnus), même si le batteur apparaît quand même chez
ENABLER ou
TRAP THEM, des références très sérieuses mais toujours pas estampillées
metal : le compositeur semble être vacciné contre ce fléau.
Animal Mother n’est clairement pas le meilleur album du groupe, nous sommes à peu près unanimes pour l’affirmer. Mais ne pas être le meilleur au sein d’une discographie pareille ne signifie pas pour autant être mauvais, médiocre, manqué… Peut-être pourra-t-il plutôt paraître moins inspiré au regard des sorties antérieures car, ici, le terrain est balisé de mauvaises intentions qui ne laissent guère de place à la surprise. Nous retrouvons des montées de haine quasiment
grind sur la triplette ultra efficace « Sick of Your Mouth » / « Imperfection » / « Law of the Universe » , quelques tics guitaristiques et vocaux de « Masada » renverront au glorieux
In The Eyes of God, le
sludge d’un
MELVINS en pleine forme s’invite plus souvent qu’à l’habitude dans le
riffing et c’est d’ailleurs peut-être en cela que l’album sonne convenu, assagi, y compris lors de ses bizarreries, heureusement encore nombreuses, « GodCrutch » puis « The Last Strand » en tête avec leurs claviers chelous et leur propension à l’hypnose ce dernier me donnant l’irrépressible envie de danser ivre tout en me scarifiant le ventre.
Puisque c’est un passage obligé, la formation y va à nouveau de son morceau acoustique, « Outlaw », joué ensuite en électrique. Outre le fait que la seconde version soit très largement supérieure à la première, ce qui pose d’ailleurs la question fondamentale de l’intérêt de son existence, le parallèle avec le magistral « Temple of the Morning Star » joue tout de même en sa défaveur tant en termes d’inspiration, d’ambiance que de pertinence… Ce n’est clairement plus là que les musiciens excellent : ils ne surprennent plus, voire ils gênent par leur balourdise. Quant au fait de devoir endurer l’interminable sirop qu’est « Bloodwood » en clôture, c’est au-dessus de mes forces, les sept minutes relevant du pur supplice auditif. Pourquoi nous achever ainsi ? Personne n’a osé dire à
S. Austin que ce morceau était pour le moins dispensable ? J’entends bien ce pauvre batteur tenter de placer des patterns à base de gros roulements et de double pédale mais ça patauge trop dans les sables gluants pour espérer obtenir autre chose en sortie qu’un bout de guimauve périmé, sans intérêt. Disons-le, c’est un final de merde qui plombe définitivement le disque.
Soyons honnêtes, si l’on débarrassait «
Animal Mother » de sa conclusion ainsi que du « Outlaw » acoustique, nous serions déjà face à une bête autrement intéressante. Parce que la chanson éponyme d’ouverture accroche tout de suite grâce à cette solide ligne de basse couplée à cette voix susurrée qui me fait vraiment penser à du
FETISH 69 (l’album
Geek, tu connais ?) : j’en aime la poésie, la langueur (ce putain de pont en plein milieu), le côté désabusé face à une douleur lancinante, « beau » est alors l’adjectif qui me vient en tête mais il est possible que mon amour pour le
rock indépendant des années 90 influe sur ce ressenti. Parce que « Discipline », c’est du pur
MASTODON, tu aurais entendu le riff principal sur
Blood Mountain ou
Leviathan, tu n’aurais rien trouvé à redire… Et l’on ne conclura pas que c’est
TODAY IS THE DAY qui a copié,
Brann Dailor c’était en 1999 et la première démo du mastodonte, c’était en 2000. Il reste que ce titre est excellent, l’un des meilleurs du LP assurément.
Et si j’occulte les deux compositions dispensables précédemment évoquées, j’apprécie encore une fois la performance globale pour son homogénéité mais également sa dimension fédératrice, cette sortie pouvant se vivre comme une forme de synthèse de la carrière des Américains (enfin, de l’Américain serait plus exact). Le compositeur principal poursuit ses séances d’exorcisme public mais, plus le temps passe, plus tu découvres qu’au fond le mec est avant tout un mélodiste de génie. On s’en rendait parfois compte par le passé mais les surcouches de violence aveugle, de saturation, tendaient à masquer cette facette. Alors que là, depuis
Pain is a Warning, en se dirigeant vers un registre finalement plus accessible, l’accroche est immédiate. Il y a certes quelques facilités scénaristiques, l’homme joue sur ses points forts (le son unique de sa guitare, sa voix d’interné à l’asile), tout en parvenant cependant à développer des ambiances perturbantes (« GodCrutch », « The Last Strand ») qui, me concernant, fonctionnent totalement sur ma cervelle.
Pour être franc, au moment où je me suis lancé dans ces articles sur
TODAY IS THE DAY, je n’avais pas écouté depuis très longtemps. Bien sûr, je reste éternellement amoureux d’
In the Eyes of God et de
Temple of the Morning Star mais, au-delà de cette affection liée à l’effet de découverte, je me rends compte que c’est définitivement les albums les plus « calmes » que j’apprécie : les premiers parce que leurs errances
noise rock s’inscrivent dans une mouvance indé que j’affectionne particulièrement, les derniers parce qu’ils dégagent une atmosphère
rock de fin du monde, où la sensation que la psychothérapie fonctionne est prégnante :
Steve Austin n’a encore tué personne (du moins, on n’a pas encore retrouvé les corps), il semble en paix avec lui-même si ce n’est avec la société, vivant désormais dans une période où faire montre d’excès musicaux n’est plus une nécessité pour prouver que sa parole est dérangeante, monstrueuse. Pour moi un très bon disque, fragilement humain, qui ne prend pas 8 à cause de deux horribles bouses.
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