S'il y a un groupe que je conseillerais à quelqu'un souhaitant découvrir le noise hardcore, c'est bien KEN Mode. Pas seulement en raison de la qualité de ses sorties (excepté un
Entrench juste passable après l'excellent
Venerable, le groupe n'a jamais déçu) mais bien car il contient tout ce qui fait l'attrait du genre. Chose normale, pour une formation qui ne fait que chanter son amour pour une certaine histoire du hardcore bruitiste, Dazzling Killmen, Botch ou encore Kiss It Goodbye se bousculant souvent dans les œuvres et interviews des Canadiens. Le type fanatique, prenant à sa charge de synthétiser jusqu'à la perfection une partie d'une scène.
Concernant
Success, le but est cette fois différent. Sans nécessairement être brusqués, les amateurs de longue date ne pourront que remarquer que KEN Mode a délaissé ses influences post et noise hardcore pour un rendu plus rock, où les noms de Jesus Lizard, Big Black ou Shellac entrent en collision les uns avec les autres. Produit par Steve Albini, ce sixième album du trio (où la valse des bassistes s'est arrêtée pour un temps avec l'intégration de Scott Hamilton) semble exister pour plaire aux amateurs de disques comme
1000 Hurts ou
Goat jusqu'à un son rugueux, strident et bouillant plein de nostalgie.
Cependant, les Kill Everyone Now se sont permis d'aller un peu plus loin qu'une mixture reprenant à la lettre les écrits des autres :
Success, au-delà de ses compositions pleines de moments forts (le duo vocal Jesse Matthewson / Jill Clapham sur « These Tight Jeans » par exemple, particulièrement bien mené et me rappelant l'efficacité punk d'un White Lung), est un disque s'appréciant surtout pour son concept et la façon dont il est développé. Sarcastiques au possible, les Canadiens jouent avec l'idée de réussite dans nos sociétés occidentales, habillant leurs riffs au vitriol de paroles non plus tendres. Quelques phrases prises à la volée suffisent à donner à ces trente-huit minutes une névrose particulière, rageuse, au bord de l'explosion. Moins hardcore, plus rock, le trio n'a pas perdu sa capacité à transmettre une colère rentrée, à la manière du chant appuyant chaque syllabe de Jesse Matthewson, facilement imaginable les yeux écarquillés et un sourire moqueur aux lèvres (ceux qui ont vu KEN Mode en concert auront sans doute une vision précise de ce dont je parle, le chanteur / guitariste n'étant pas des plus rassurants sur les planches). Que ce soit durant « Blessed », « A Passive Disaster » ou « I Just Liked Fire », ceux qui ont toujours fait en sorte de garder une certaine éthique punk prennent un malin plaisir (communicatif) à mettre à mal la notion de succès.
Un concept intéressant, une production monumentale (rien que la basse donne le tournis) et des morceaux iconiques, respectueux d'un certain héritage mais possédant une identité que KEN Mode ne doit qu'à son seul talent... Il paraît ne rien avoir à critiquer ici. Pourtant, j'ai du mal à m'emballer outre-mesure pour
Success car, bien que ses obsessions soient palpables, il lui manque une certaine folie. Trop cadré, travaillé, poli pour donner ce sentiment de dérive que j'apprécie trouver dans le noise rock, l'album égrène ses tueries jusqu'à une conclusion prenante touchant presque au post-punk sur « Dead Actors » mais me laisse une sensation finale de trop grande prudence, là où je voudrais voir les Canadiens moins intellectualiser et se jeter totalement dans leurs psychoses.
Ceci mis à part,
Success ne donne pas envie de faire de mauvais traits d'esprit sur son nom. Si les dérapages incontrôlés de
Mennonite et
Reprisal me manquent, KEN Mode a su redresser la barre après
Entrench, en donnant à sa synthèse noise rock une accroche n'ayant pas oublié de se faire moins séduisante par moments, pour mieux décaper. Un groupe qui a changé son fusil d'épaule mais ne fait pas moins mouche pour autant.
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