Ultraphallus - No Closure
Chronique
Ultraphallus No Closure
Bodychoke. Nous sommes quelques-uns à vénérer le défunt groupe – bien trop méconnu – de Kevin Tomkins, notamment son album Cold River Songs heureusement trouvable encore aujourd'hui grâce à une réédition par Relapse.
Aussi, quand un groupe rappelle son post punk de frigo fricotant avec le noise rock le plus rêche, on fonce, rapidement sous le charme et prêt pour un plaisir masochiste étrangement mélancolique. Ultraphallus est pourtant un nom croisé à maintes reprises – de mémoire, à commencer sur le regretté site Slow End – mais jamais pris au sérieux. On peut comprendre pourquoi ! Quelques bons mots sur le magazine New Noise, quelques descriptions alléchantes, une sortie sur un label qu'on estime, auront suffi pour enfin sauter le pas et plonger dans cette eau froide en direction du glacier qu'est cet album.
No Closure fait donc renouer avec cette sentimentalité congelée qu'on pensait ne jamais retrouver totalement ailleurs, celle dont la découverte du corps de Laura Palmer dans Twin Peaks devient un tableau figuratif, aérien, macabre, sensuel et bizarrement enivrant. Pour autant, il serait réducteur de l'arrêter à une perpétuation de ce que nous a offert le créateur de Mindshaft. Bodychoke n'est ici qu'un point de départ, un marbre attaqué au burin, de même que Swans, Godflesh ou Joy Division, tous conviés dans cette grande bouffe où l'on n'a pas pris le temps de réchauffer les plats.
Tout cela, Ultraphallus se l'approprie avec une classe bien à lui, trouvant des liens naturels entre ces formations faisant certes sens mises les unes aux côtés des autres mais si hermétiques qu'on imagine mal une zone liminale où toutes se retrouvent. Les Belges y parviennent, avec l'élégance de celui qui ne montre aucun effort dans son geste, geste néanmoins sérieux, d'une gravité de chaque instant.
Ce qui surnage dans cette mer gris-bleu est ce jusqu’au-boutisme présent dès le départ, dans ce premier morceau aux influences My Bloody Valentine, mâle et mal, appel de ce qui aurait pu être dans un monde un peu meilleur. Plus qu'une nostalgie d'une musique qui redevient à la mode depuis un moment (on ne compte plus les groupes se réclamant d'un héritage post punk indus, les années 2020 semblant se lier au défaitisme des années 80), c'est finalement à Harvey Milk qu'on pense plus qu'à un autre ici, sa capacité à plomber l'ambiance, sa classe de chien battu, son réalisme bien trop marqué pour se dire que tout cela n'est que du cinéma, cru comme quand on se dit qu'on ne sait pas ce qu'on a en ce moment, fatidique comme quand la phrase « c'était trop beau pour être vrai » vient en tête avec son fracas sonnant la fin du bonheur.
On ne peut que parler longuement et de manière éparpillée de No Closure, sa tristesse lointaine, ses assauts proches, sa masculinité mal à l'aise avec elle-même. Court en durée mais riche dans le peu de temps qu'il s'accorde, il donne la sensation de déballer tout sur scène avant que la sécurité intervienne et le jette dans la rue. Forcément, on pourra dire que son discours manque de liant d'un titre à l'autre, que l'on écoute plus des vignettes qu'un paysage. Pourtant, quand il se termine, on a envie de dire que l'on comprend ce qui est traversé ici. Que, dans nos heures mauvaises, on se noie aussi dedans.
| lkea 11 Novembre 2024 - 365 lectures |
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