Kragens - Seeds Of Pain

Le heavy a eu ses années de gloire et a été magnifiquement immortalisé par un nombre non négligeable de groupes mémorables si bien qu’aujourd’hui, être original quand on fait du heavy, c’est difficile. Cela pourrait justifier le faible engouement suscité par les nouveaux groupes de heavy qui ne peuvent que se contenter de refaire du Maiden ou autres Helloween sans rien apporter de nouveaux tant les groupes avaient fait le tour du genre. Ceci n’est pas propre au heavy ; et oui, plus le temps passe et plus il est dur d’être original dans n’importe quel style de metal.
Alors voilà, comment se faire remarquer dans cette masse de groupes pullulante ? La réponse, les français de Kragens vous la donne à leur façon : en mélangeant les styles. (Après ce sont les chroniqueurs qui sont contents car il n’arrivent plus à mettre une étiquette unique sur la musique et sont alors obligés d’aligner les adjectifs pour en donner une idée youpi !...)

Ainsi, Kragens flirte avec le heavy en lui étant infidèle tant il aime se frotter à la virilité d’une rythmique et d’un chant beaucoup plus thrash. On retrouve quelques ingrédients d’un heavy bien couillu, comme des solos déjantés, des riffs lourds et surtout une voix de folie rappelant Tobias Sammet ou bien Robert Halford quand il pousse certaines notes aigues. Si la musique de Kragens s’arrêtait là ce ne serait ni plus ni moins qu’un nouveau groupe destiné aux oubliettes. Mais voilà, les musiciens ont su brouiller les frontières et nous surprendre par leurs compositions complexes dépassant de loin la structure classique intro, couplet, refrain, pont, refrain. Au contraire ils font se succéder des ambiances différentes qui à chaque fois instaurent une nouvelle couleur rendant l’écoute peu ennuyeuse. Ainsi sur le premier titre de l’album, après une intro et un couplet dans la veine d’un death/thrash, surgit un refrain déclamatoire à la voix claire si typique du heavy, auquel nous n’étions pas en mesure de nous attendre, de même sur « Over the Deadline » après un couplet qui se veut un plagiat parfait de Maiden, débarque un pont bien deatheux. C’est ce genre d’alliances et de surprises que le groupe cultive sur tout au long de l’album. Et cela est d’autant plus possible que le chanteur a un potentiel assez impressionnant, couplé avec celui de Julien Truchan (chanteur de Benighted) en guest sur l’album,Kragens nous a concocté un panel de voix assez ahurissant du thrash au death en passant par du black pour débouler sur une grosse voix heavy très bien maîtrisée. Les guitaristes et batteur y sont aussi pour beaucoup dans cette alternance en cassant les rythmes et progression assez fréquemment, distillant de la violence dans les belles mélodies et ramenant un feeling plus soft ensuite. De plus, la production signée Tue Madsen (Aborted, The Haunted) sert véritablement bien tout le potentiel du groupe.

L’ensemble est donc riche et varié. Certaines chansons axées très heayy à la base comportent un pont beaucoup plus « evil » en plein milieu ; le titre « The Last » est bien représentatif de cet aspect assez exploité. Les variations de rythme et d’influences articulent avec subtilité le mid-tempo global de l’album. Cependant, on sent que la musique s’enkilose un peu à partir du titre « Darkness » dont l’intro est beaucoup plus banale même s’il contient aussi un passage « evil » introduisant le solo. La longueur des titres peut aussi être un obstacle à la suivie assidue des nombreuses variations mais Kragens exploite aussi des sentiers déjà bien battus, comme sur la fausse ballade « Choose to Die », qui replongent l’auditeur dans ce qu’il connaît déjà. Ce titre original regroupe assez bien tout le potentiel du groupe avec une intro speed qui déboule sur un couplet joué à la gratte acoustique accompagnant une mélodie de chant assez accrocheuse, pour ensuite nous livrer un passage plus sombre et beaucoup plus agressif (ouais j’allais pas encore dire « evil » !).

Ainsi Kragens casse les ambiances et les préjugés nous offrant un paysage d’influences et d’humeurs différentes d’une seconde à l’autre en mêlant la pêche et la puissance vocale du heavy à la virilité et noirceur d’un thrash/death bouillonnant. Coktail à la saveur particulière mais un bon coktail quand même ! A la vôtre!

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