En Norvège, les hivers sont longs, tellement longs que pour peu que l'on ait rien à faire au coin du feu et que l'on se sente un minimum musicien dans l'âme, on se met à composer du black metal. L'hiver 94 fut particulièrement rude, et c'est ainsi que Gorgoroth enfanta son deuxième album, « Antichrist ». Court, direct, efficace, bref, du Gorgoroth quoi. Car Gorgoroth n'est pas le genre de groupe qui s'emmerde à faire des manières pour t'expliquer les choses, non, Gorgoroth c'est aussi simple qu'un poing dans ta petite gueule d'amour.
En 2 ans, Gorgoroth a décidé de faire le ménage dans son line-up en s'entourant d'un nouveau chanteur, Pest, ainsi que d'un nouveau batteur en la personne du mystérieux Frost, cogneur chez Satyricon. De tels changements après seulement un seul album peuvent conduire à la prise de nouvelles directions musicales, d'où la question de savoir comment sonne le Gorgoroth ‘Nouvelle Recette'...
Heureusement, pour notre plus grand plaisir à tous, Gorgoroth reste true et fidèle à lui même, en trouvant quand même le moyen de faire plus court que l'opus précédent, soit 25 mn, ce qui frise la limite du foutage de gueule, car on parle ici de black metal et non pas de grind. Pour palier à cet inconvénient, Gorgoroth va proposer seulement 6 titres mais d'une durée assez longue, en ouvrant directement les hostilités (après une courte intro d'une vingtaine de secondes) sur « Bergtollets Hevn ». S'impose d'emblée un premier constat: le son a été aseptisé et n'a plus rien à voir avec celui de son aîné. Sans que cela soit réellement un défaut, ceci se révèle par moments assez agaçant, car rendant la musique fade, linéaire ,et faisant perdre l'aspect « brut » qui collait si bien à ce déferlement de haine qui caractérisait si bien la musique de Gorgoroth.
Ensuite, vient le deuxième problème, à savoir la voix de Pest. Ce n'est pas ce dernier chante mal, au contraire, mais celui-ci ne correspond pas réellement à « l'esprit » de Gorgoroth. J'entends par là qu'à aucun moment sur tout l'album le chant n'arrive au niveau de folie et d'intensité de celui de Hat sur
« Pentagram ». Pest se contente ici d'assurer le minimum syndical tandis que Hat chantait avec ses tripes, voila toute la différence.
Et le problème est bien là, on a l'impression ici que Gorgoroth se contente d'en faire le minimum, et ceci sans réelle conviction. Certes, les riffs mélodieux et les mid-tempos sont toujours bien là, mais où sont passés la hargne et la fureur d'un « Crushing The Scepter » ou d'un « Ritual » ? Aux oubliettes , remplacées par des solos et du chant clair, comme on peut les entendre sur « Gorgoroth », se voulant mélodieux, mais en fin de compte ennuyeux. La palme de l'ennui revient quand même à l'instrumentale « Heavens Fall » , linéaire et répétitive à souhait, les riffs s'étirant à l'infini comme de longs bâillements...
Seuls quelques passages réussiront à nous tirer de cet infâme bourbier, comme l'entraînante « Possed By Satan » (dont rien que le nom fait sourire) et son riff catchy, véritable hymne du groupe et du true black metal ainsi que la superbe « Sorg » de 6 minutes , presque doom de par son rythme pesant et son ambiance dépressive, clôturant la messe sur un fond d'orage, grandiose !
Au final, on se retrouve donc avec du Gorgoroth « version allégée », et comme pour les yaourts, après l'avoir écoutée, on reste sur sa faim. Ni foncièrement mauvais, ni très bon non plus, en un mot : fade. Bref, avec plus de morceaux de haine et un vrai chanteur dedans, il aurait surement été bien meilleur. Enfin, on leur pardonne, parce que Gorgoroth le vaut bien.
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