Pensées Nocturnes - Vacuum

Si je ne le fais pas, personne ne vous parlera de la difficulté de faire des chroniques de black metal à l'approche du jour le plus long (le 21 juin, pas le film), car voyez-vous, c'est bel et bien un calvaire pour moi. Je fais partie de cette poignée d'inconditionnels entêtés (d'aucuns diront un peu idiots aussi) qui n'écoutent du black metal qu'une fois que le soleil eut décliné, pour profiter de l'ambiance que tout bon album de ce style se doit de posséder. Bizarrement, écouter un album de black metal par une chaude journée d'été avec des chiens qui aboient et des enfants qui rient ne m'a jamais trop emballé, mais malheureusement, mon emploi du temps ne m'a pas trop laissé le choix. C'est donc avec quelques bons mois de retard, et mes plus plates excuses, que j'écris cette chronique d'un Vacuum qui en vaut largement le coup.

Pensées Nocturnes, groupe récemment formé, est l'œuvre du seul Vaerohn, qui s'est chargé de tous les instruments, de la programmation de la boîte à rythme ainsi que du logiciel qui a apparemment servi à simuler les instruments classiques. C'est aussi la première production des Acteurs de l'Ombre, qui ont décidé de signer quelques coups de cœur, et dont on ne peut encore une fois que saluer l'initiative. Vacuum est donc le premier opus du groupe, et relève le pari osé de faire cohabiter classique et black metal, en alternant tour à tour des passages de chacun de ces deux types de musique, sans pourtant les mélanger, ou à de très rares exceptions.
Il est rare d'entendre des groupes se réclamant du black metal ne pas tomber dans le sirupeux voire le niais en utilisant les instruments tels que le piano ou le violon, mais Pensée Nocturnes est un des premiers groupes que j'entends qui arrive à rendre le classique sombre, comme il était d'usage avec les compositeurs d'il y a plusieurs siècles. On remarquera d'ailleurs un nombre conséquent d'hommages aux grands œuvres du « classique » (au sens très large), dont le plus décelable se trouve à 6 :55 sur « Flore ».
On a clairement affaire à une musique très sombre, qui se veut mélancolique voire dépressive, et peut être aussi bien classique que purement black metal et ne faire intervenir que les instruments traditionnels du style. Le prouvent les excellentes deux premières minutes de « Dés-espoir », que suivent plusieurs minutes avec pour seuls intervenants le piano, le violon et le violoncelle… pour qu'enfin le tout se mélange très succinctement, et que le cycle reparte. Ce morceau de dix minutes est un exemple type des schémas de composition de Vaerohn.

Et malgré ce choix très osé, on peut le dire Vacuum est vraiment un très bon album. Les passages classiques sont formidablement bien composés, les transitions sont parfaitement amenées sans jamais se faire trop longues ou abruptes, et surtout, les riffs black metal sont excellents. Côté metal, Pensées Nocturnes suit les préceptes des années 90, à savoir blasts et guitares harmonisées qui brodent une mélodie épique, rappelant même parfois furieusement Seth, ou les plus récents mais excellents October Falls. Par exemple, le milieu de « Lune Malade » avec la guitare acoustique fait penser aux fameuses Blessures de l'Âme, et les autres interludes black metal à la guitare acoustique aux tous premiers essais d'Opeth.
De l'intro de « Flore » à la guitare, à la flûte, au piano, au glockenspiel et au basson (excellent choix pour ce dernier) absolument magnifique aux riffs black traditionnel entraînants de « Repas de Corbeaux », Vacuum reste d'une grande cohérence, malgré sa diversité.
La programmation de la BAR est très bien faite, elle se mélange parfaitement à la basse et aux parties guitares, à tel point que j'ai cru aux premières écoutes qu'un vrai batteur était derrière les fûts. Idem pour l'orchestration, dont je n'avais pas remarqué qu'elle était programmée, et dont pour dire vrai, je ne me serais probablement jamais rendu compte que c'était le cas. Peu de choses à reprocher également au son, qui est excellent. Très clair et précis, il laisse percevoir parfaitement tous les instruments, même s'il m'a semblé quelque peu grésiller sur certaines accélérations, notamment la première sur « Epitaphe » (ce sur quoi je ne puis toutefois être catégorique, le promo étant uniquement téléchargeable, ce qui est compréhensible et pardonnable pour Les Acteurs qui n'ont pas les moyens d'un gros label, mais reste une méthode qui m'empêche de vous parler correctement de la production).

Néanmoins, cet album a à mes yeux un défaut majeur, et il se nomme « Coup de Bleus ».Il faut dire que j'ai une sacro-sainte horreur de tout ce qui ressemble à du blues, alors trois minutes d'intro de blues lent et dépressif, à base de guitares ronde et chaudes qui n'arrêtent pas de bender, c'est plus que je ne peux en encaisser. Surtout qu'entre deux parties de black metal (comme d'habitude excellentes), le blues revient… et que le morceau dure un peu plus de treize minutes ! C'est le plus long de l'album, et pourtant les autres font toujours plus de 8 minutes… Autre défaut, et celui qui est à même de rebuter le plus : le chant très écorché, de bonne facture mais qui a tendance à partir un peu trop dans les limites vocales de Vaerohn. Il manque surtout de variations, ce qui passe assez mal après l'heure que dure l'écoute de Vacuum. La seule exception notable est le chant clair au début de « Epitaphe », qui n'est presque pas chanté mais principalement déclamé, mais cela ne suffit pas à rompre la monotonie vocale, et nous fait regretter qu'un chant moins criard ne vienne pas un peu varier les plaisirs.

Pour un premier album, Vacuum est sans conteste une réussite, et Les Acteurs de l'Ombre ne s'y sont pas trompés. Alternant avec brio le classique et le black metal, Pensées Nocturne offre là un album très sombre et extrêmement riche. Si le groupe se revendique du black metal dépressif, il faut plutôt voir dans sa musique un hommage aux années 90 et au classique des temps anciens, plutôt que l'assimiler au mouvement pseudo-black-metal-suicidaire à la Shining nouveau cru. Malheureusement, un « Coup de Bleus » trop blues pour moi, et un chant perfectible lui ont coûté un 8,5/10 qu'il aurait largement mérité sans. En tout cas, je vous conseille vivement d'écouter ce projet qui en alternant deux styles usés jusqu'à la corde, arrive à créer une œuvre unique et prenante, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Si Les Acteurs ont d'autres groupes comme ça dans leurs cartons, je suis preneur.

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