Extrait de l'interview de Vaerohn publiée sur un webzine ami dont je tairai le nom mais qui commence par V et se termine par S :
Ce que l'on attend d'un musicien c'est qu'il crée la musique qu'on lui demande (une chronique n'est ni plus ni moins qu'un « j'aime » ou « j'aime pas » plus ou moins développé) et d'être ravi que quelques personnes daignent lui accorder cinq minutes de leur temps libre, pas de faire réfléchir ou de s'exprimer. Eh bien cela s'appelle la loi de l'offre et de la demande, pas de l'art. Le cirque d'Internet n'est qu'un gavage en règle, une consommation massive de bytes indigestes (bien que plus gros les uns que les autres). Ce théâtre grotesque est bien sûr approuvé et travaillé par les trois acteurs principaux de la scène : journalistes, auditeurs et musiciens. Un chroniqueur, un journaliste, peu importe, n'est plus un critique : c'est un retranscripteur. Il transforme en mots ce qu'il entend avec le peu de bases musicales qu'il maîtrise (entre nous le pourcentage de « critiques en musique » ayant déjà touché une guitare doit être assez misérable), écrit une définition de la musique, une description. En général il donne ensuite son avis, expliquant que le sujet correspond à ce qu'il veut entendre ou non, que la musique se rapproche plus ou moins de sa vision du Black Metal ou autre, que PN « c'est bien parce que c'est original », ou alors que « c'est pas bien parce que c'est original ». A aucun moment, dans aucune chronique, je n'ai vu quelqu'un chercher à comprendre pourquoi a-t-on utilisé cet instrument ici ? A quel auteur font référence ces mots et pourquoi ? Quelle philosophie est développée ? Pourquoi ce passage-ci est-il minimaliste alors que celui-ci est d'une complexité sans pareil ? Ces accords forment-ils des mots ? Pourquoi y a-t-il des puzzles et des jeux de mots dans les paroles ? Tout le monde parle du coucou, des applaudissements et autres élucubrations mais personne ne va chercher à savoir ce qu'ils font là. C'est amusant, c'est original, on ne va pas plus loin. On pense qu'il est adapté de me demander en interview si je suis stressé pour la sortie de l'album, si je joue live ou de décrire mes influences mais jamais on ne cherche vraiment à saisir le sens de l'album…
Je l'avoue, j'aime bien Vaerohn, qui comme tous les provocateurs me fait plus marrer qu'enrager. Derrière ces paroles certes contestables mais pas dénuées de bon sens se cache une effroyable vérité : le chroniqueur ne cherche pas à connaître le « pourquoi » de la musique de Pensées Nocturnes. Essayons donc de réparer cette injustice !
Si l'homme se permet ce genre de sorties enflammées, c'est bien parce que Pensées Nocturnes fait un black metal « avant-gardiste », entre complexité et minimalisme, et que son créateur veut, en usant de divers moyens, comme par exemple les applaudissements sur « Vulgum Pecus » (vulgaire pecno, en bon latin), susciter l'intérêt voire faire réfléchir l'auditeur. Certains verront sûrement l'ouverture sous ces applaudissements enregistrés une belle référence à la volonté de prémâcher le travail au récepteur, comme l'ont fait les sitcoms américains (« c'est là qu'il faut rire les gars ») en leur temps. Ou alors ils verront simplement ça comme une marque de suffisance de plus de la part de Vaerohn, personnage décrié et ô combien clivant de la nouvelle scène black metal française (je suis sûr que c'est une expression qui lui fera plaisir). Idem pour le coucou, qui arrive comme un cheveux sur la soupe après le meilleur riff de l'album sur « Hel » et doit certainement renvoyer à notion de ridicule fluctuante dans la scène black metal (il n'y a qu'à voir la façon dont certains se reconnaissent dans l'à-côté musical de Watain pour s'en convaincre, le ridicule n'est pas une notion universelle). Ou alors je me gourre totalement, c'est d'ailleurs sûrement le cas, et chacun verra une signification différente à ces élucubrations. C'est pour que je ne vois pas ce que mon avis sur ces points peut apporter à mes lecteurs, et j'oserais même dire que contrairement à Vaerohn qui voudrait probablement me voir encore disserter sur des détails, je les trouve parfaitement anecdotiques. Autant mon avis sur la musique peut intéresser certains lecteurs, par comparaison au référent d'habitude que tout chroniqueur constitue, autant ce que je pense de ces détails n'intéressera guère que les profs de français qui me liront, et encore. Car c'est cela qui me gêne vraiment dans ces propos : à force de polémiquer et de critiquer le travail de certains (et croyez moi, je ne me sens pas concerné), il oublie totalement que le boulot des chroniqueurs est destiné au public et non pas à l'auteur. Or pour faire correctement ce boulot de promotion (puisque c'est bien de cela qu'il s'agit), je me dois avant tout d'évoquer la musique de Pensées Nocturnes sans me disperser des détails qui de toute façon n'intéresseront dans leur signification profonde que ceux qui ont déjà posé une oreille sur
Grotesque.
Ce déjà second opus du projet solo de l'ami Vaerohn est dans la droite lignée du très bon
Vacuum paru il y a un an, fait de black metal aux mélodies dissonantes alternant le très rapide et linéaire et le très lent, torturé et alambiqué. Mais l'aspect extrême de la musique ne compose que la moitié de
Grotesque, le reste étant fait au choix de musique plus « classique » (comme pour la précédente chronique, je vais à nouveau préciser que cet aspect n'est dû qu'aux instruments utilisés, et pas aux schémas de composition, parfois très éloignés de la vraie musique classique), d'un peu blues voire de jazz et, nouveauté, de musique de fanfare de fête foraine ou de cirque (donc oui, vous en boufferez de l'accordéon). Tout ça est saupoudré de divers samples allant du coucou à la foule qui applaudit, faisant de cet album un patchwork de sonorités diverses qui provoquera au choix des réactions d'adhésion totale, parce qu'il faut quand même être un génie pour mettre du coucou sur un riff de black metal, ou de rejet total, parce que n'importe quel idiot sait composer une partition de basson et l'enchaîner naturellement avec une guitare électrique à 220 bpm. Reste une dernière catégorie de laquelle je me revendique : les dubitatifs.
Car non,
Grotesque ne m'a pas emballé plus que ça : contrairement aux nombreux chroniqueurs qui crient souvent au génie, j'avoue même sans peine avoir largement préféré un
Vacuum qui n'essayait pas d'en faire trop et restait juste la plupart du temps. Bien sûr, je reste globalement admiratif du travail accompli en si peu de temps, de la maîtrise dont font montre les plages classiques, comme celle, magnifique, au milieu de « Thokk » qui s'achève sur un orgue et s'enchaîne parfaitement avec un très bon riff de black metal en mélangeant (enfin !) deux univers musicaux en même temps, tout comme je suis charmé par la fin de ce même titre qui n'est pas sans évoquer Dvorak. Je suis totalement séduit par certains riffs black metal qui ne donnent pas trop dans le dissonant ou l'outrancier, seulement il y a une limite à ma tolérance que Pensées Nocturnes atteint assez vite.
Mon côté réfractaire à tout ce qui touche au blues ou jazz qui ne soit pas « fusion » me rend une bonne partie de l'écoute de
Grotesque franchement pénible, tout comme « Coup de Bleus » m'avait précédemment refroidi. Et même en passant outre ces divers essais, l'aspect dissonant, torturé et volontairement hermétique de cet album m'évoque avec horreur la mouvance « post-black », qui tout comme les autres post-horreurs oublie toute notion d'accroche en se concentrant sur de désagréables libertés prises en dépit du bon sens musical. Je ne vais pas tout vous lister parce qu'il y a au moins deux passages de ce type par morceau, qui dans tous les cas ne comportent ni mélodie mémorable, ni accroche, ni intensité, ni tout ce que l'on est en droit d'attendre d'un riff correct dans un album relevant majoritairement de la mouvance metal. Et bien entendu comment ne pas évoquer encore une fois le chant de Vaerohn, qui est aussi inintelligible qu'aigu et fluctuant, et devrait une fois de plus laisser nombre d'auditeurs potentiels sur le côté du chemin.
Au final ce ne sont ni les coucous ni les applaudissements que je retiendrai de ce
Grotesque, c'est l'intérêt que je lui porte qui dessinerait des montagnes russes si j'en faisais un diagramme. Comment pourrais-je encenser un album qui provoque tour à tour mon admiration et un ennui profond ? Bien sûr, dans sa globalité, ce nouvel album de Pensées Nocturnes tient la route et reste loin d'être mauvais, mais je n'arrive définitivement pas à m'enthousiasmer pour lui. Il glisse, défile sans que j'ai eu envie de m'y plonger plus que ça, et n'a pas ce goût de « reviens-y » qu'avait
Vacuum.
Grotesque sera peut être pour certains une œuvre destinée à faire réfléchir, une œuvre totale, ayant pour volonté d'être à l'instar de l'art « noble » plus qu'un simple moment de musique. Personnellement, je trouve qu'il lui manque une notion essentielle pour en faire un grand album : celle du plaisir ! À moins de faire partie de ces amateurs de « post-black », vous aurez du mal à prendre plaisir à écouter Pensées Nocturnes, et encore, il faut pour ça que vous n'ayez pas de réticence aux autres genres pratiqués ici. Mais le pendant de l'art c'est la division, et Vaerohn le sait, vu qu'il ne créée pas la « musique qu'on lui demande ». À vous de voir si vous adhérez ou pas à sa vision des choses, parce qu'une chose est sûre,
Grotesque n'est clairement pas un album qui a été conçu pour le plaisir de ses auditeurs.
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