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Angmar - Zurück in die Unterwelt

Chronique

Angmar Zurück in die Unterwelt
Parfois les labels ont des manières vraiment étranges de vendre leurs groupes auprès des chroniqueurs. Je prends l'exemple de la fiche promotionnelle de ce Zurück in die Unterwelt, second album des français de Angmar, qui dit précisément ceci : « Because of epic, rich and "progressive" songwriting, we could call this impressive album "Post Black Metal" ». Et là je me dis que chez Ketzer Records on ne fume pas que la moquette, mais on se drogue aussi avec la colle à papier peint, l'encre de l'imprimante, les produits détergeant et les pilules de la trousse à pharmacie, parce que qualifier le black metal classique mais résolument mélodique et souvent épique des français de « post-machin » relève de l'hérésie pure et simple. Donc soit le vénérable label d'outre-Rhin qui a eu la bonne idée de signer Cirith Gorgor en son temps s'est un peu emporté dans ses techniques promotionnelles, soit l'un des groupes – si ce n'est LE groupe – de black metal français dans lequel j'ai fondé le plus d'espoirs vient de me planter un poignard dans le dos. Avec une superbe poignée post-ouvragée, cela va sans dire. Heureusement que la phrase se termine par « but don't be mistaken : this is Black Metal ! »

J'ai donc réécouté pour l'occasion Aux Funérailles du Monde et Metamorphosis, respectivement première démo, de 2004, et premier album du groupe datant pour sa part de 2006. En plus de me faire prendre conscience que le temps passe décidément bien vite, cette récente replongée est venue rappeler à mon bon souvenir que les normands avaient déjà un talent certain à leurs débuts. Malgré quelques approximations sur la démo, Metamorphosis est en effet un très bon album de black metal, au style fermement ancré dans la scène française actuelle , quelque part entre un Hegemon avec des chœurs et un Seth sans claviers qui aurait été remis au goût du jour. Déjà des titres comme « Normannia » et « Le Paria » avec leur refrain très épique soutenu par des chœurs faisaient particulièrement mouche, grâce à des chants clairs très profonds franchement agréables qui n'ont jamais fait tâche chez Angmar, là où d'autres pourtant s'y sont souvent cassés les dents.
Je suis donc ravi de constater que contrairement aux inquiétantes déclarations de Ketzer Records, les caennais n'ont pas changé leur fusil d'épaule, et que bien loin du post-bidule imbittable d'une scène à la mode dont plus personne ne parlera dans un an, Angmar a conservé tout ce qui faisait son charme tout en améliorant sensiblement sa recette pourtant déjà particulièrement savoureuse.

Le gain de maturité considérable sur ce Zurück in die Unterwelt est en effet ce qui frappe en premier quiconque appréciait déjà le groupe auparavant – même si je dois avouer à ma grande honte que je ne me suis pas encore procuré leur split avec Alcest sorti il y a deux ans. Angmar a affiné ses mélodies, développé de très belles harmonisations, les transitions sont subtilement amenées, les chants sont encore plus maîtrisés qu'avant, que ce soient les vocaux black metal ou les chœurs, tous deux ayant un rendu totalement convaincant. Si les normands font certes toujours du black metal très classique, sans fioritures ni lourdeur excessive, ils possèdent leur style bien à eux, en plus de qualités indéniables qui les démarquent sans aucun problème de la masse, comme c'est le cas pour Hegemon. Et pour continuer dans la comparaison avec les musiciens mystères de Hegemon, l'un des très gros points forts de Angmar est son bassiste, aussi impressionnant à écouter qu'il l'est à regarder sur scène. Cette basse au son cristallin vrombit à contre-courant des guitares pour créer à elle seule de sublimes mélodies, ce qui demeure malheureusement trop rare dans le black metal (sauf donc chez le groupe susnommé ainsi que chez Asmodée), et mérite donc d'être amplement salué.
Zurück in die Unterwelt est un peu plus complexe, plus travaillé et plus riche que Metamorphosis, mais l'ambiance qui s'en dégage est sensiblement similaire, quoiqu'un peu plus sombre et raffinée. Le développement des harmonisations apporte un plus certain, et certains enchevêtrements mélodiques, notamment la première moitié de « Perdition », ne sont pas sans rappeler ce que Blut Aus Nord a pu proposer en ce début d'année avec Memoria Vetusa II. J'avais un peu peur que les chœurs si audacieux, véritable marque de fabrique du groupe, aient disparu sur ce second opus, mais il n'en est heureusement rien, et c'est même avec des chœurs admirablement harmonisés que cet aspect du groupe réapparaît dans « Perdition », avant de se généraliser et de composer l'essentiel du travail vocal sur les refrains, comme ce fût le cas sur « Le Paria » en son temps.

La production est extrêmement naturelle, totalement organique et visiblement sans aucun artifice. On ne s'étonnera donc pas que la caisse claire claque, que la grosse caisse soit assez marquée et qu'elle se confonde de temps à autre avec une basse très présente bien qui se démarque tant par son jeu que sa limpidité de guitares très saturées. Là encore, c'est très classique mais formidablement bien exécuté, et je n'ai qu'à déplorer, outre le fait que la basse pourrait être mixée un poil plus fort, que sur une chaîne hifi commune et à bas volume cette même basse pourtant si audible soit quasi-totalement absente du rendu final, en dehors de quelques passages mid-tempo épurés. Bien entendu le problème n'existe pas quand l'album est écouté au casque ou sur une chaîne d'une bonne qualité, et surtout à un volume relativement élevé. J'espère pour vous que vous n'avez pas de voisins à cheval sur le tapage nocturne, sans quoi vous risqueriez de passer à côté d'un des aspects majeurs de Zurück in die Unterwelt.

Ce second opus est donc d'une qualité assez époustouflante, et de surcroît très constante tout au long de l'heure qu'il dure. Les défauts, mineurs, sont à mes yeux au nombre de deux : le passage ambiant longuet entre 11 :30 et 14 :00 sur « Perdition » forme une transition un peu poussive entre deux riffs mélodico-blastés pourtant excellents, et la reprise des chœurs que j'évoquais à l'instant. D'une manière générale, le groupe est un tout petit peu moins à l'aise sur les passages mid-tempos, et épure parfois (heureusement très rarement) un peu trop ses ralentissements de mélodie. Autre reproche, une durée peut être un peu excessive de 68 minutes installant au bout d'un certain temps une monotonie minime mais bien présente, qui tournerait sans peine à la lassitude si les compositions, à défaut d'être particulièrement originales ou très variées, n'étaient pas d'une si grande qualité. Car hormis ces quelques réticences, Zurück in die Unterwelt regorge de moments mémorables, d'envolées prenantes et de superbes mélodies. Si je ne devais retenir qu'un titre sur l'album ce serait sans conteste son final, « Lachrimae Mundi », formidable de bout en bout, et dont le refrain à la troisième minute est absolument magique : un riff ravageur soutenu par une alternance chœurs/vocaux black metal somptueuse. Impossible d'échapper à ce titre qui marque l'apogée d'un album en progression constante. Si Angmar redémarre sur les mêmes bases que ce morceau sur le prochain opus, il y aura clairement matière à atteindre la note maximale.

Zurück in die Unterwelt est le genre d'album qui aurait sans aucun doute propulsé Angmar au sommet de la scène française il y a une dizaine d'années, à l'époque où ce style de black metal était encore populaire. Malheureusement, on parle plus aujourd'hui du groupe d'ados qui singera le mieux Gojira et Hacride que de nos réels talents, qui ne se trouvent guère qu'en matière de black metal, alors que nous possédons dans le style une des meilleures scènes du monde. Bien plus encore que la confirmation d'un talent qui n'était plus à démontrer, ce second album des normands est surtout une énorme baffe, un black metal très riche, mélodique, efficace, à la fois subtil et direct, et à l'ambiance exceptionnelle. Bien qu'il soit en l'état à peine perfectible, j'attends désormais avec impatience la prochaine offrande des normands, en espérant que l'attente sera cette fois-ci moins longue, et je loue une fois de plus Ketzer Records d'avoir encore une fois signé un pareil groupe (souvenons-nous de l'excellent éponyme de Cirith Gorgor), même si leurs fiches promotionnelles sont à revoir !

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Angmar
Black Metal
2009 - Ketzer Records
notes
Chroniqueur : 9/10
Lecteurs : (7)  8.36/10
Webzines : (4)  8.83/10

plus d'infos sur
Angmar
Angmar
Black Metal - 2001 - France
  

tracklist
01.   Zurück in die Unterwelt
02.   Stabat Mater
03.   Perdition
04.   Unborn of the Ancient Times
05.   13ème Rêve
06.   Asthénie
07.   Lachrimae Mundi

Durée : 68:42

line up
parution
1 Septembre 2009

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