Que ce soit dans le domaine de la musique ou ailleurs, il n'est pas rare que l'on cultive des aprioris à la noix, du genre « l'auto-fellation est impossible » ou « von_yaourt est le fils caché d'Eric Zemmour et de Bethann Schuldiner »… Et comme toute idée préconçue qui se respecte, les convictions de ce genre se retrouvent bien souvent malmenées une fois confrontées à la réalité. En ce qui me concerne, c'est le groupe Klone qui a dernièrement fait l'objet de ce type d'opinion d'origine hautement pavlovienne. Ne les connaissant que via des on dit très positifs, via leur activisme au sein d'une Klonosphere fertile en groupes à la personnalité bien trempée (
Trepalium, Anthurus d'Archer, GTI, Hacride …) ainsi que via la compil'
">« Reader's Choice », j'avais fini par acheter « All Seeing Eyes » (
qui depuis attend patiemment son jour au sein de la pile de mes achats en retard) et attendais « Black Days » de pied ferme, sûr de prendre ce dernier (
de pied).
Apriori très positif donc.
Puis voila-t-y pas (
Mamie, cesse de polluer ma chro avec tes expressions moisies) que les premiers avis fusèrent: « Klone s'envole, mais les growls s'en vont », « Excellent, entre
Tool et
Alice in Chains », « Sombre & rock » … Hein? Mais moi je veux du modern death original, avec du saxo, des couilles et des idées!!! Malheureusement, les deux premières écoutes me confirmèrent vite le bien fondé de ces premières réactions… Maman, j'en veux p'u du Blagues Dès' !!
Apriori assez négatif donc, ce coup-ci.
Mais vous avez vu la note, et savez donc qu'il reste un rebondissement à notre histoire … Eh oui: Klone a réussi l'exploit de susciter chez votre serviteur deux aprioris successifs opposés, et de les faire voler en éclats l'un comme l'autre. Chant-mé, comme dirait Kevin! Alors c'est sûr, il ne faut pas venir chercher sur ce « Black Days » la dernière sensation power tech-death moderne, avec du bleuargl et du ratatatatam dedans. Non, Klone est passé à autre chose. Ce nouvel album propose un metal/rock hargneux et intimiste, rageur et sombre, qui joue sur les émotions comme le Caravage joue avec la lumière, créant un véritable clair-obscur musical qui dynamise des compositions aussi léchées que – après quelques écoutes – évidentes. Ce que cette description ne retranscrit par contre pas, c'est la grandeur du tout. Intimiste et sombre, certes, mais pas pour autant dépouillé. Le son est ample, les compos riches, et quand l'obscurité se déchire et que le groupe met fin à sa séance de plongée en apnée dans un pessimisme colérique pour prendre son envol vers la lumière froide d'un ciel clément, il nous offre de ces instants de grâce qui ne sont pas sans rappeler les pics orgasmiques d'un
Textures, voire d'un
Devin Townsend. A maintes reprises, le groupe ré-accommode avec talent cette vieille recette du chaud et du froid, faisant monter progressivement la tension jusqu'à ce que ressurgissent rancœur, frustrations et douleur. Puis brutalement (
comme à 1:19 sur « Hollow Way ») – ou parfois en respectant une progression plus naturelle (
cf. le début d'« Immaculate Desire ») – il balance une mélodie limpide venue d'on ne sait où pour nous montrer qu'au-dessus des nuages brille un soleil certes inhumain et distant, mais réconfortant et vecteur d'optimisme.
« Black Days » n'est pas franchement l'album d'un groupe au sein duquel chacun des membres se tape son solo nombriliste et montre qu'il en a une grosse comme celle d'un âne, que même que son album solo sort bientôt dudes, check it out! Non, les loustics sont tout entier au service des compos, s'effaçant à un point tel que le livret ne contient pas une seule photo de leur trogne. Néanmoins quand on force son oreille à disséquer ce qui se passe au long de cette petite heure (
… et maintenant mon fidèle Igor, nous allons voir si le pancréas de Tabatha est harmonieusement placé au dessus de ses reins … ), on voit certains éléments ressortir avec un panache tout particulier. Une batterie toute en finesse et pertinence, qui vivifie et accompagne avec intelligence les morceaux. Des arrangements discrets et multiples qui décuplent la portée des titres (
chapeau Matthieu … Par contre il est passé où ton saxo?). Et bien sûr un Yann Ligner dont on écoute la prestation avec le sentiment – que dis-je : la conviction absolue – qu'il y met toutes ses tripes. Doté d'une voix parfaitement calibrée pour ce type d'exercice, à la fois abrasivement rock, douloureusement à vif, et finie au couple whisky/tabac durant de nombreuses soirées de déprime rageuse, il est l'âme en peine qui anime ce géant de cendres et de feu.
« Black Days » est donc une coulée relativement compacte de metal rock hypnotisant, de grunge viscéral, de rage sourde et de traces de death moderne – ces dernières se manifestant au détour de quelques saccades, de passages musclés et de quelques contre-pieds rythmiques bien sentis (
cf. le début de « The Spell Is Cast »). Une telle homogénéité, une telle cohérence signifient bien souvent pour un album de rock que, s'il réussit à trouver un public de passionnés, il restera néanmoins en dehors des sentiers de la gloire, l'échelon commercial supérieur réclamant l'offrande d'un ou deux hits sur l'autel de la bande FM (
Même « The Wall » a son « Another Brick… »). Eh bien cet inévitable passeport pour le succès pourrait bien se trouver lui aussi sur « Black Days », bien que le groupe n'ait fait aucune compromission artistique et ait réussi à conserver une véritable unité de ton. Prenez donc « Give Up The Rest », tube définitif bien que complexe, qui comporte tout ce qu'il faut là où il faut pour cartonner sur une radio rock – si ce n'est une durée un poil trop élevée: carton assuré! Besoin d'un morceau plus basiquement rock/grunge pour trouver sa place entre Nickelback et Soundgarden? Et hop, un « Behold the Silence » et le tour est joué! Le groupe a su de plus composer sa tracklist avec mesure et sagesse, plaçant à mi-chemin l'interlude « Closed Session » et ses allures de réveil matinal à l'aube d'une journée à la conclusion incertaine mais abordée avec la niaque, puis concluant sur la reprise du célèbre « Army of Me » de Björk, repris avec classe et intégré à leur répertoire de telle manière que les petits jeunes sans background musical pourraient bien n'y voir que du feu.
Concluons vite, concluons bien. « Black Days » va finir dans bon nombre de Tops 5 cette année. Et ce sera mérité. Personnellement, bien que totalement convaincu de la qualité et de la pertinence de cet album, de la forte personnalité du groupe, et du fait que – travaillé comme il se doit –, l'album pourrait presque faire de Season of Mist ce que le « Silver Side Up » de Nickelback a fait de Roadrunner (
parfaitement, je suis comme ça moi: pas peur de la surenchère!), je garde une légère réserve, du fait des distances que le groupe prend progressivement d'avec la sphère metal. Cet aspect grunge/rock prononcé, allié à une coloration très « mal de vivre, noirs tourments et démons intérieurs », est la seule explication à ce 8.5/10 qui semblera à certains un maigre salaire. Si ces aspects ne vous gênent pas, ou mieux, qu'il vous bottent, fermez les yeux, lisez 9.5/10, voire 10/10, et filez dékloner à pleins tubes!
PS: pour les amateurs, ne loupez pas la version de l'album incluant un DVD live bonus!
Par gulo gulo
Par AxGxB
Par Jean-Clint
Par Raziel
Par Sosthène
Par Keyser
Par Keyser
Par Lestat
Par Lestat
Par Sosthène
Par Sosthène
Par MoM
Par Jean-Clint
Par Sosthène
Par AxGxB
Par Deathrash
Par Sikoo