Klone - Le Grand Voyage
Chronique
Klone Le Grand Voyage
« COME NOW! - They don’t care about you and I!
COME NOW! - it doesn’t matter what they think about… »
Allons-y franco alors. C’est un bien beau véhicule que je m’apprête à emprunter, piloté par de sacrés fleurons du metal progressif hexagonal. C’est que Klone a roulé sa bosse, depuis 1999 et une formation en deux temps parrainée par le guitariste Guillaume Bernard dans le marais poitevin. Aux côtés de Mathieu Metzger (claviers, saxophone) qui l’accompagne régulièrement lors de ses envies d’escapades expérimentales, il a vite trouvé un vocaliste à la hauteur de ses ambitions avec l'excellent Yann Ligner. Rapidement rejoints par Jean-Étienne Maillard (basse), cette fine équipe a récemment enregistré la venue d'Aldrick Guadagnino (guitare) et embauché Morgan Berthet comme batteur de session pour Le Grand Voyage dont l'artwork en forme de nuages reflétés et entrelacés exprime magnifiquement le côté brumeux de la musique des Français qui prend ici un virage beaucoup plus atmosphérique, au profit même de la facette metal fort bien exprimé auparavant. Les premiers efforts ayant déjà été fort bien reçus par diverses plumes sur votre webzine préféré, je me devais de le mettre à jour et de prolonger cette collection, même quelques années après, certes avantagé par le recul et les quelques écoutes au compteur. En route pour Le Grand Voyage!
Son itinéraire est sinueux. Klone prend tout son temps pour installer une ambiance posée, maîtrisée, raffinée, toute en petites touches et nuances. Le rôle de Mathieu Metzger est ici fondamental, tant il apporte avec ses interventions de synthétiseurs et d'instruments à vent (saxophone sopranino notamment) et ses arrangements ensorcelants qui viennent hisser l’ensemble vers les cîmes au moment de leur climax (« Yonder », « Indelible »). C’est un véritable album d'orfèvre à la production impeccable qui laisse respirer tous ses instruments, leur laissant une latitude confortable pour mettre en place cette mélancolie douce amère qui règne en maître sur l'ensemble de ces neuf morceaux liés entre eux par une cohérence évidente. Outre leurs thématiques et leurs titres qui forment un concept global, les paroles de Yann Ligner évoquent toutes une migration vers l’inconnu, l'urgence de partir vers d'autres cieux.
« We don’t wanna come back where we left
We don’t wanna be trapped in their eyes
We just wanna live in a better place
This path led us here to be what we are
To each other now, life is only a scar… »
Exactement comme les intentions de Klone derrière ces compositions. Forts de leur récente expérience de live Unplugged (2017) et leur toute aussi récente signature chez le label emblématique Kscope (après quelques années chez Pelagic), les Poitevins adoptent ici un ton atypique, qui a tout du « one-shot », du coup de génie d'un album. Alors certes, cette nouvelle orientation plus soft a du faire quelques déçus… mais quelle formidable idée de franchir le rubicond de cette manière! Entendons-nous bien, Klone a toujours eu en lui cette enveloppe atmosphérique et aérienne. Le quintet ne force absolument pas sa nature et propose ici un maelström d’influences parfaitement digérées, quelque-part entre Pink Floyd, dont les volutes explosent aux oreilles lorsque retentit la ligne de basse planante du merveilleux « Breach » et Pearl Jam, tant l'ombre d'Eddie Vedder plane sur la tessiture magnifique de Yann Ligner. L'homme exprime ses paroles poétiques avec une voix épurée au grain délicieux, capable de jouer en permanence sur la corde sensible et de malaxer le coeur avec ses lignes de chant terriblement efficaces. Par exemple, il plane sur « Sealed » comme un albatros et en remplit tous ces recoins de sa présence magnétique. Une perle. Moins offensif qu’auparavant, moins dans les graves aussi, le vocaliste réussit parfaitement sa mue pour ce sixième opus. Bien sûr, on pensera aussi à Porcupine Tree, autant dans certains plans alambiqués à la mélancolie extrême (« Silver Gate ») que dans le côté perfectionniste de ces Français qui ne laissent rien au hasard. La technique – jamais envahissante – déployée ici sert avant tout la mélodie, l'émotion brute : chaque solo, chaque escapade instrumentale est là pour entretenir cette transe hypnotique qui parcourt l'échine de la première à la dernière seconde. Le Grand Voyage est également une ode au dépouillement, à la simplicité et à l'humilité, qui laisse couler sa sève avec une fluidité remarquer. Il y a aussi un peu de Ulver à observer derrière ces hymnes contemplatifs qui ont presque des relents trip-hop… le tout restant enrobé de cette saveur post-rock qui hante à la perfection le cocon atypique de Klone depuis ses débuts.
En effet, outre la cohérence du concept, la coloration de ces neuf morceaux est aussi d’une cohérence remarquable, tant dans le tempo que dans l’atmosphère. Chaque pièce est une ascension vertigineuse vers l’émotion ; toutes comportent des mélodies aussi subtiles que marquantes qui sauront laisser leur empreinte et donner immédiatement la chair de poule, à la première écoute comme à la trentième. Il y se dégage de ces morceaux une fragrance unique, à la fois signature de Klone et parenthèse hors du temps. Un véritable Grand Voyage, en somme. Suivant le tempo dicté par « Yonder », ses étapes s’enchaînent avec une fluidité désarmante, tant et si bien que l’auditeur n’a pas d’autre choix que de toutes les suivre pour accomplir cette odyssée aux multiples chef-d’œuvre. Avec « Keystone », c’est un déferlement d’accords éthérés proche d’un Pain Of Salvation qui s'abat sur lui. Les derniers instants du morceau sont sublimés par les arrangements magiques de Mathieu Metzger qui sculpte un superbe crescendo de mélancolie. Mais Klone, même en vadrouille, n'oublie pas d'où il vient, ramenant dans de fugaces instants des patterns issus du metal, notamment lorsque la cymbale crash de Morgan Berthet impulse son rythme lancinant notamment sur le bien heavy « The Great Oblivion » avec ces « palm mutes » insidieux. Ces attaques de guitare précises concluent aussi le manifeste « Yonder » qui termine sa course toute en lourdeur bienvenue ; l'entrée en matière idéale pour démarrer la machine sur les chapeaux de roue. Les Français impulsent aussi un côté doomy à leur musique, avec le captivant « Sad And Slow ». Ce groove monolithique participe au côté hypnotisant et totalement addictif de ce Grand Voyage : il n’y a qu’à se laisser partir, Klone nous prend gentiment par la main.
Effectivement, on ne pouvait pas rêver meilleurs pilotes. Quel accomplissement, quel chef-d’œuvre! Cette première sortie chez Kscope tient toutes ses promesses. Il y a tout dans ce disque qui crie au classique, tant il sublime le potentiel du bataillon poitevin et le hisse au niveau des plus grands dans ce registre si pluriel du metal progressif. Voilà typiquement le genre d’album à emporter sur une île déserte, tant ses détails continuent de fourmiller et d'émerveiller même quelques années après sa sortie. Un disque tellement puissant qu'il a les épaules pour être célébré dans dix ans, dans quinze ans, à l'occasion d’une édition anniversaire ou d'une tournée spéciale. J'y serai. On a qu'une envie, après avoir accompli Le Grand Voyage : prendre un abonnement.
| Voay 29 Mars 2023 - 1135 lectures |
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