Note à l'attention de mon successeur.
Puisque tout a une fin en ce bas monde, même les CDI signés sous la contrainte d'un supérieur cornu un brin bougon, c'est à toi qui lit ces lignes qu'échoue le rôle ingrat de guide opérateur de Géhenne, du moins en ce qui concerne la partie la plus présentable du site bien sûr. Combien de lettres d'indignation, combien d'insultes proférées à mon encontre par les malheureux ayant signé le pacte, convaincus en bons gros naïfs que seules les attendaient quelques succubes à gros nichons aimablement vendues par nos sympathisants britanniques de berceau d'immondices ? Il va falloir t'y faire, c'est un dur métier qui t'attend, quelque part entre l'avocat, l'homme politique et le présentateur de
Combien ça coûte mais comme ton paternel a déjà largement fait ses preuves dans les deux premiers domaines, je ne me fais pas de soucis pour toi. Le plus difficile, tu verras, n'est pas de convaincre les brebies égarées de se jeter tête la première dans le grand chaudron –
non, je ne parle pas là de l'antre d'un sinistre club de football de la région Rhône-Alpes – mais plutôt de choisir l'album idoine pour accompagner leur visite.
Et comme tu en auras très vite ras la
open casket de t'enfiler les sempiternels « Reign In Blood », « Altars Of Madness » ou « King Of All Kings » chaque jour que Satan défait, mon conseil sera le suivant : tape plutôt dans la catégorie des outsiders qui féraillent dans l'antichambre de l'enfer, ça t'évitera de siffloter « Postmortem » pour la 666ème fois et ça attisera la curiosité des amateurs les plus obscurcis de la cause death, toujours en recherche de la nouvelle sensation extrême du mois, quand bien même celle-ci n'apporterait qu'un minuscule caillou à l'édifice érigé par Bébel (zébuth, pas Jean Paul). Et si moi-même j'ai longtemps fait tourner d'aimables curiosités comme « Styx Large » de MEINHEN, je ne saurais trop te conseiller, pour une première, d'accompagner ta démonstration par les effluves infernales récentes du dernier album de AEON, auteur avec « Path Of Fire » de son troisième full length après
« Bleeding The False » (2005) et
« Rise To Dominate » (2007). Soit du death d'origine suédoise mais d'obédience clairement américaine, les premiers relents de l'ange morbide ou de la haine éternelle sur l'opening track « Forgiveness Denied » te le confirmeront sans plus tarder. Formé en 1999 sur les cendres de DEFACED CREATION par un Tommy Dahlström en rupture de témoins de Jéhovah, AEON donne donc dans un anti-christianisme de bon aloi et certains iront même jusqu'à leur accoler l'étiquette death blasphématoire chère à Keyser, l'incantateur en chef jamais à court de viande fraîche brutale, même si le rendu caoutchouteux de la batterie atténuera quelque peu la portée du propos. La faute à Erik Rutan, responsable du mix de la bête aux Mana Recording Studios St Petersburg, Florida? Toujours est-il que malgré ses nombreuses qualités, “Path Of Fire” manque un peu de souffre là où une production moins propre, moins léchée, plus cradingue aurait davantage fait l'affaire. Mais ce ne sont là que considérations techniques entre fins connaisseurs, le grand public venu chez Hadès comme à Disneyland n'y verra que du feu et ce n'est pas cet intermezzo latin aguicheur rappelant fortement NILE sur l'instrumental “Total Kristus Invertus” qui changera quoi que ce soit à l'efficacité de la galette.
Car pour aussi peu original qu'il soit, “Path Of Fire” est pavé de bonnes compositions, AEON faisant montre d'un niveau technique plus que décent malgré le manque d'impact déplorable de la batterie de Nils Fjellström, par ailleurs bien en place. Le chant, majoritairement guttural mais se payant quelques incartades plus aigües façon George “Corpsegrinder” Fisher (en moins puissant) est tout ce qu'il y a de plus classique, à l'instar de riffs mille fois entendus mais dont l'efficacité n'est plus à démontrer, les solis crytallins de Sebastian Nilsson réhaussant à intervalles réguliers une tambouille fort digeste malgré le sentiment de déjà machouillé qui s'en dégage. Les claviers décadents au démarrage de “Of Fire”? Un bien pour un mal mon ami, comme ce sentiment de redondance rythmique de la part d'un skeud qui blastouille sans discontinuer ou presque, mais qui reste tellement plus intelligible qu'un “Fury & Flames” inaccessible au commun des oreilles. Plaisir immédiat donc, et une plâtrée de titres accrocheurs que l'on retient dès les premières écoutes, une qualité sans pareille au regard de la tâche qui t'attend. Le touriste de passage étant friand d'anecdotes et de citations des grands de ce monde, voici à ton attention mon petit Jean, une déclaration toute fraîche d'Alex Webster, le légendaire bassiste de CANNIBAL CORPSE :
“Aeon's musicianship is among the best in death metal, but their songwriting is what truly sets them apart. It's rare to find a death metal band that is simultaneously crushingly brutal and infectiously catchy”
Et si d'aventure tu devais composer avec quelques blackeux en perdition dans ton auditoire, fait leur miroiter la présence furtive du bassiste Victor Brandt (SATYRICON) au sein du groupe de septembre 2009 à janvier 2010, ça devrait suffire à les empêcher de se jeter dans l'abîme avant d'avoir paraphé leur contrat.
J'en ai fini avec ces dernières recommandations, les clés de l'HELLPAD sont à toi désormais et tâche d'être à la hauteur car Azazel a bien peu de patience, et je n'aimerais pas que tu finisses comme Grégory Lemarchal et Filip Nikolic, à servir éternellement de sextoy à la Bertha la grande putride. Aussi, pour éviter pareille mésaventure, je ne saurais trop te conseiller de suivre des cours par correspondance pour enfin valider ta deuxième année de droit !
T.J.
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