Aeon - Rise To Dominate
Chronique
Aeon Rise To Dominate
Dans le genre bête et méchant, les Suédois d'Aeon commencent doucement à se faire un nom et feront sûrement partie des groupes sur lesquels on pourra compter dans les années à venir de par leur constance et leur efficacité sans détour. Idolâtrant Glen Benton et sa profonde haine antichrétienne, le combo a déjà fait ses preuves sur l'EP Dark Order sorti en 2001, suffisamment prometteur pour décrocher un deal avec le label américain Necropolis Records, puis en 2005 avec un Bleeding The False d'assez bonne facture qui leur permet de rejoindre un catalogue death metal déjà impressionnant chez Unique Leader. C'est cette fois après un plus raisonnable délai de quatre ans qui leur a notamment permis d'effectuer un nouveau changement d'écurie en affichant les couleurs des ricains de Metal Blade, que les cinq compères reviennent en cette riche année de 2007 avec comme second album : le bien nommé Rise To Dominate. Loin d'avoir enterré la hache de guerre, le groupe semble toujours aussi sataniquement engagé et profondément ancré dans son death outre-Atlantique.
Les présentations étant faites, passons aux choses sérieuses : tout d'abord, un mot sur la production magistrale du maître Dan Swanö qui dote l'album d'un son à l'américaine puissant et carré. Puisant ses inspirations chez les grands noms du death états-uniens comme Immolation, Morbid Angel, mais surtout Deicide et Cannibal Corpse -dont le bassiste Alex Webster semble s'être particulièrement investi pour les Suédois lors de la sortie de Bleeding The False, ce qui leur aurait permis d'accéder à cet avantageux contrat avec Metal Blade- Aeon est de ces groupes qui sans sortir une seule seconde des sentiers déjà battus et rebattus des centaines de fois, parviennent à se démarquer par leur efficacité et leur habileté à pondre des compositions qui font mouche à tout les coups.
Initialement née des cendres de Defaced Creation, la formation compte encore trois membre du défunt groupe mais ne contient plus que deux des membres d'origine : le virulent vocaliste Tommy Dahlström et Sebastian Nilsson à la guitare, soutenu par Daniel Dlimi et le nouveau bassiste Marcus Edvardsson tandis que le talentueux Nils Fjellström -fraîchement recruté par Dark Funeral- prend place derrière les fûts.
En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, « Helel Ben-Sachar » nous met dans le bain en quelques coups de double pédale et un riffing death puissant et entraînant. Le très bon jeu de Nils apporte un dynamisme certain et consolide les compositions d'une section rythmique imparable, comme l'atteste sa prestation sur le très efficace « Living Sin ». Si les paroles risibles sont à prendre au second degré, musicalement et techniquement le quintette est on ne peut plus sérieux, d'ailleurs les formidables vocaux gutturaux de Tommy Dahlström sur l'excellent « You Pray To Nothing » (pour ne citer que ce morceau), appuyés par les guitares massives du tandem Seb / Daniel, sont un réel point fort pour le groupe tant ils sont compréhensibles tout en restant formidablement haineux. Si les guitaristes ont l'art de trouver des riffs qui feront sûrement un véritable ravage sur scène comme en témoigne le doublet « House Of Breed » / « Godless », ils agrémentent leurs compositions de soli suffisamment inspirés et techniques pour enrichir considérablement ces dernières (« When The War Comes »). En revanche, et comme bien trop souvent dans ce style, la basse de Marcus Edvardsson est presque totalement oubliée dans la pourtant colossale production de Dan Swanö qui permet à Aeon de se démarquer de nombreuses formations évoluant dans le même style. Un point noir et pas des moindre vient cependant noircir le tableau : l'absence totale d'identité, car malgré la virulence et la brutalité de ce Rise To Dominate, le groupe gagnerait à se détacher de ses inspirations encore bien trop présentes et ainsi perdre l'étiquette de "sous-Deicide" ou de groupe de seconde zone.
Bien que s'essoufflant quelque peu avec le temps en raison de leur manque de folie et de personnalité, les titres qui composent ce second album des Suédois plairont assurément à tout bon amateur de death puissant et couillu. Mais, aussi efficace qu'il soit, ce n'est pas encore avec Rise To Dominate qu'Aeon parviendra à gagner réellement en popularité et à obtenir sa place sur le devant de la scène : il est loin de posséder les atouts nécessaires pour espérer rivaliser avec les maîtres du genre et il n'existe pour l'instant aucune "patte Aeon" qui leur permettrait de se faire une véritable réputation. Espérons maintenant que le groupe comprendra par la suite que le chemin qu'il emprunte est loin d'être le plus évident, que de véritables mastodontes jouent déjà depuis un moment dans cette cour et qu'il se trouve enfin une identité et un concept plus personnel. Car même si Aeon a déjà réussi à se démarquer de la masse grouillante qu'est la scène death underground, il réside un problème indissociable de ce genre de groupe : c'est qu'à l'image de vos coups d'un soir enflammés, on prend son pied un moment, puis on les oublie rapidement, et je pense vraiment que ces cinq fervents croyants ont de quoi aller beaucoup plus loin.
| Squirk 11 Août 2010 - 1874 lectures |
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