Je m'attendais à les descendre.
Microcosmos présentait un Drudkh en roue libre, coincé dans ce qu'il faisait de mieux mais loin de satisfaire des exigences qu'il avait lui-même établi. Pourtant, l'artwork (réalisé par Fursy Teyssier, qui a travaillé entre autres pour Agalloch, Alcest ou Ames Sœurs) à mille lieux des thèmes habituels forêt/Histoire et le dernier Blood Of Kingu, semblant devenir le défouloir de certains membres, annonçaient du neuf. Pour une fois, j'ai eu du nez et leur black metal a subi un sérieux lifting !
Le Drudkh nouveau est aérien à en être rock, voire post-rock. Il ne rappelle plus ses compatriotes ukrainiens, évoque un Enslaved période
Vertebrae ou Agalloch (le début de « The Day Will Come » n'aurait pas dépareillé sur un
Pale Folklore) et touche du doigt le black/shoegaze Alcestueux. Les compositions recèlent d'arrangements limpides, les blasts sont souvent délaissés au profit d'une rythmique autrement dynamique et la basse a un rôle aussi important que les autres instruments (merde mais… mais ça groove !). Le grand ménage n'a pas oublié d'emporter les soli de guitar hero à rallonge, un choix judicieux tant leurs brèves apparitions en deviennent marquantes. La production est l'un des vecteurs, si ce n'est le vecteur, de ce changement : à la fois équilibrée, épurée et ample, elle permet au groupe d'enrichir sa musique comme sur la fin de « Towards The Light » où trois couches de guitares (accords, tremolos acoustiques et solo) se superposent, sans étouffer le reste. Season Of Mist a soigné son poulain et l'on ne peut que mettre le pied à l'étrier à l'écoute de ce son surprenant, aussi fragile que majestueux.
Après, faut pas déconner, ce sont eux. Drudkh regarde les constellations avec ce virage rock mais les pieds sont toujours ancrés dans cette terre qu'il a longtemps figurée, que ce soit dans la mélancolie ou la rage. On retrouve ce souffle épique caractéristique (le début de « Towards The Light »), mais aussi ces guitares larmoyantes (« Downfall Of The Epoch », à la tristesse radicale rappelant
Brave Murder Day de Katatonia avec sa lead simplement dépressive, la fin de « The Day Will Come »). Malgré tout, certains passages sont étonnants d'originalité et de maîtrise : « Towards The Light » possède par exemple un break imparable sous forme d'arpèges misérables, de basse syncopée et de batterie accrocheuse, où ta tête hésite entre se lever vers les hauteurs ou tomber sur le sol. Le contraste entre la voix de Thurios (qui continue de beugler des poésies du cru) et les autres instruments renforce l'impact de son timbre décharné.
Dans un monde parfait, Drudkh aurait fait un carton plein en offrant enfin du neuf et du sublime au kilomètre. Mais c'est un « monde de meeeeerde » et quelques défauts entament le plaisir, une fois l'étonnement passé. L'artwork, avec sa sorcière rappelant la folle aux chats des Simpsons, n'aide vraiment pas à se plonger dans l'univers éthéré de l'album (mais bon, on va passer outre). Le problème vient de ces pantoufles qui rendaient
Microcosmos sans surprises et que les ukrainiens n'ont pas tout à fait quittées. Le format un peu maigre « introduction/quatre chansons/conclusion » est encore de mise, contraignant à un sans faute pour satisfaire pleinement. Ce n'est pas le cas, le très haut (« Downfall Of The Epoch », « Towards The Light ») côtoyant le bon (« The Day Will Come ») et le dispensable. Les intro et outro ne sont là que pour dire le début et la fin, bien que l'utilisation d'un piano sur ces dernières colle à cette ambiance lunaire. Enfin, « Twilight Aureole » est trop longue pour ce qu'elle propose, un morceau où l'allègement sonore dessert des riffs moins développés et plus virulents, montrant que le groupe n'a pas oublié d'où il venait.
Inutile de dire que
Handful Of Stars m'a tout de même conquis, alors que je partais avec tant d'appréhensions qu'il était difficile de me convaincre. Drudkh est de nouveau inspiré et fait des choix qui pourront décevoir. Pour ma part, cette prise de risque me fait penser qu'ici, les ukrainiens acquièrent une seconde jeunesse prometteuse. Cependant, je suis légèrement déçu, certaines routines semblant être dures à briser alors que ce disque aurait dû tout remettre à plat. Il reste une œuvre racée laissant à l'auditeur l'impression d'être seul, sous une couverture étoilée. Je ne pensais pas redire ça de Drudkh un jour mais vivement la suite.
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