Drudkh semble avoir bien du mal à convaincre ses fans de le suivre. Un Ikea qui fuit, une Matpewka qui évite le problème et un Sakrifiss qui laisse passer. En fait, le simple fait que ce soit moi qui vous parle de la formation menée par Roman Saenko prouve le désamour de ses fans autrement plus fidèles et historiques que moi. Bien sûr, j'ai apprécié
« Forgotten Legends »,
« Estrangement » et la kyrielles d'albums de qualité sorti par l'ukrainien le plus productif du genre. Et je vais vous dire, j'ai même aimé
« Handful Of Stars », son aspect Post-Rock classe, sa production ciselée et son climat apaisé. Bon par contre, je déplore le fait que sur
« Eternal Turn Of The Wheel », ce bon Roman soit revenu à un Black plus traditionnel et également bien plus ennuyeux.
Faisons une simple mise au point : Pourquoi Drudkh ça marchait ?
Facile à priori : des riffs touchants qui se répétaient en boucle, des productions toujours ciselées entre clarté nécessaire aux atmosphères et intégrité du grésillement Black Metal, un chant profond et vecteur d'émotions, quelques solis mélodiques sublimant les compositions et une légère dose de lacrymal limite Screamo par moments.
Pourquoi Drudkh, ça ne marche plus ?
Après deux disques
(« Microcosmos » et
« Handful Of Stars ») essayant d'amener Drudkh vers une autre direction musicale et un side-project franchement foiré (Old Silver Key, mauvais même si vous aimez le Shoegaze-Black), les ukrainiens ont décidés d'opérer une marche arrière à cent-quatre-vingt degrés pour revenir au Black Metal qui a fait leur succès. Je pense simplement que Roman Saenko et ses acolytes ont été freinés dans leur évolution ce qui doit être assez frustrant en tant qu'artiste. De plus, ils n'ont certainement plus grand-chose à dire pour le moment parce que la forêt, la montagne et le lac gelé, c'est un thème qui nous sort tous par les yeux depuis que la moitié des groupes de Black Metal en parlent...
C'est dans ce contexte plutôt tiédasse qu'arrive « A Furrow Cut Short » en ce début d'année 2015. Doté d'une pochette du plus bel effet, à la fois sobre et délicatement colorée, ce dernier disque cherche probablement à rendre à Drukdh la superbe qu'il a perdu au fil des ans. La grande question est donc : est-ce qu'on va s'emmerder sur « A Furrow Cut Short » ? La réponse est oui. On va même salement se faire chier par moments et ça commence tout de suite avec un « Cursed Sons pt. I » qui est d'une longueur gargantuesque. Normal pour Drudkh me direz-vous... Oui mais le principal problème c'est surtout qu'il ne s'y passe pas grand chose. On enfile des riffs comme des perles mais de là à dire que c'est passionnant... Heureusement, le constat s'éclaircit un tantinet sur le second morceau « Cursed Sons pt. 2 » qui pour le coup est un chouilla plus créatif, notamment grâce à des guitares Post étouffées offrant une légère atmosphère. Alors, on ne va pas s'enthousiasmer outre mesure puisque ça ne suffit clairement pas à nous tirer la larmichette mais disons qu'au moins, on se rappelle de cette piste à la fin de l'écoute ce qui est déjà pas mal.
L'histoire d' « A Furrow Cut Short » est simple à cerner. On va se dire « Ah tiens, ce riff là, il est pas mal ! » comme sur les quatre premières minutes de « To The Epoch Of Unbowed Poets ». Les riffs sont en fait plutôt bons et il y a fort à parier qu'ils feraient un tabac dans un album de Black Metal lambda. Mais l'ennui dans cette histoire, c'est qu'un groupe comme Drudkh qui fonctionne sur la répétition des parties et des mélodies ne peut pas se contenter de riffs sympas ou corrects. Ce genre de choix musicaux qui consistent à faire durer les accords en boucle pour créer quelque chose nécessite une excellence dans le choix des mélodies, des parties de guitares qui s'imbriquent parfaitement pour obtenir un résultat émouvant. A coup sûr, c'est cette science du riff absolument génialissime que Drukdh semble avoir perdue en route. Or, un disque du genre qui se contente de deux ou trois bons riffs ne peut être voué qu'à la médiocrité. Et puis il faut bien avouer que les morceaux n'ont pas assez de durée de vie pour être ré-écoutés encore et encore avec un plaisir identique.
Et ce ne sont malheureusement pas les quelques touches d'innovations qui vont réussir à sauver l'album d'un naufrage annoncé. Trop frileux, on a l'impression que le groupe n'ose pas aller plus loin. En témoignent ces quelques notes en « reverse » sur le début de « Embers ». Pourquoi ne pas les faire durer plus longtemps ? Pourquoi ne pas les incorporer aux riffs pour apporter une touche d'ambiance supplémentaire ? Non, Drudkh persiste et signe dans son style habituel. Bien sûr, l'album dans sa globalité s'écoute pour peu qu'on y prête pas trop attention et on se remémorera toujours quelques bons moments qui offrent au disque un semblant de personnalité. Même si j'essaie d'être sympa dans ma manière d'avoir conçu la phrase précédente, vous aurez bien compris que c'est très relou comme disque... Et qu'il vaut mieux aller voir ailleurs...
Ça me fait un peu mal d'être aussi sévère avec Roman Saenko, musicien talentueux, sincère et responsable d'un sacré paquet de tueries si l'on combine Hate Forest, Blood Of Kingu et Drudkh mais là, je n'ai pas le choix. « A Furrow Cut Short » est encore une fois pénible, beaucoup trop pour marquer son temps. Rendez-vous au prochain épisode, si toutefois les amateurs de l'équipage ukrainien ne daignent pas quitter le navire pendant la traversée de l'océan...
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