Drudkh - All Belong To The Night
Chronique
Drudkh All Belong To The Night
Drudkh est de ces groupes phares, qui marquent indélébilement une scène. Un de ces groupes reconnaissables entre mille, où chaque titre, chaque note, chaque structure ouvrent une dimension parallèle, comme un vortex aspirant toute velléité contraire. Si la carrière des Ukrainiens est surtout marquée par ses premiers albums en format chef d’œuvre (Forgotten Legends, Autumn Aurora et Blood in our Wells), quelques sorties ont pu paraître davantage dispensables, comme si la barre fut placée trop haut dès l’origine, comme s’il fut impossible à jamais de retrouver des sommets demeurés assez largement inexplorés par 95% de la scène BM actuelle. The Swan Road, Songs of Grief and Solitude et Estrangement, à des degrés divers, ont ainsi paru bien fades en comparaison de certains de leurs ainés, la faute, je l’ai dit, à des débuts bien trop écrasants de talent.
La suite, excellente, n’a pourtant jamais permis de retrouver cette aura magique, complètement mystique, des débuts. Handful of Stars, Eternal Turn of the Wheel et A Furrow Cut Short, dans une moindre mesure pour ce dernier, avaient permis au combo slave de recouvrer une partie de sa prestance mais sans jamais que le déclic d’un retour aux sources n’apparaisse comme une évidence.
They Often See Dreams About the Spring, le dernier album, fut bien celui qui mis le feu aux poudres. Non pas, de nouveau, qu’il faille y voir un album capable de rivaliser avec sa trilogie dominatrice ; mais pour la première fois depuis des lustres, Drudkh apporta de la fraîcheur à ses compositions, des idées neuves et de petits arrangements dignes de relancer l’intérêt des structures proposées (chronique dans ces colonnes par votre serviteur).
All Belong to the Night débarque ainsi fièrement avant le bilan de Noël, tel un coquin. Et il faut le dire tout net : Drudkh est de retour avec un album Majeur. Comme une cerise géante sur le gros gâteau devenu écœurant du BM. Un album qui, en pleine guerre ukraino-russe, sonne comme un rappel à l’ordre, comme une volonté de remettre l’église au centre du village, si l’on peut dire.
Le cadre technique est posé et il donne une indication assez claire de ce qui va suivre. Ce nouvel album est composé de 4 morceaux, d’une moyenne de près de 12 minutes, histoire de laisser aux atmosphères, dont on connait l’immense richesse, le temps nécessaire à leur parfait développement. L’ouverture ne trompe pas ; The Nocturnal One déroule ses 10 minutes au rythme d’un BM très porté sur l’emphase, sur la profondeur et le tranchant. La structure est riche, surchargée en informations, mélodique et violente, aérienne et chaotique. Le mid-tempo, choix privilégié par le groupe depuis ses débuts, offre d’entendre le développement de la structure prog’ qui déroule son propos avec passion, soutenue par la voix haineuse habituelle de Thurios et les claquements d’une basse ultra ronde.
Mais ce sont surtout Windmills et le bien nommé November qui rapprochent cet opus des Grands débuts du groupe. Le premier est baigné dans une ambiance mystique que n’aurait pas renié Hate Forest, déversant sa haine au travers d’un chant littéralement possédé et hurlant son désespoir par le truchement de structures mélodiques étirées, magnifiées par l’emphase et la profondeur, encore, qui s’en dégagent. Le second est plus mélancolique encore mais trouve toujours la balance parfaite entre ce confort d’écoute et la violence larvée qui sourd presque systématiquement des structures. Puissamment nostalgique, November renoue avec le sentiment d’isolement, la volonté de proposer la vision musicale d’espaces colorés infinis, de forêts automnales profondes, comme si le combo souhaitait nous transporter à nouveau dans les grandes plaines ukrainiennes. Le final, qui sonne comme un feu de détresse, est saisissant de tristesse.
L’enchaînement avec Till We Become the Haze est également parfaitement pensé, très naturel, dans une veine similaire qui laisse à entendre une forme de continuité, une suite de la cavalcade dans les hautes steppes slaves.
Drudkh signe là un retour magnifique, qui renoue en partie avec l’aura des débuts et une forme de nostalgie mystique qui fait plaisir à entendre. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, cet album sonne également comme une volonté d’affirmer son identité et son désespoir tout autant que de saluer la beauté des paysages ukrainiens, ravagés par les bombes. Une sorte de rhétorique musicale, qui ne manquera pas de vous persuader.
| Raziel 20 Novembre 2022 - 2256 lectures |
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