Pantheist - Pantheist
Chronique
Pantheist Pantheist
Tu es sans doute déjà tombé amoureux d'un disque qui n'en méritait pas tant, du genre tellement foiré qu'il en devenait attendrissant… Aller-aller, tu peux tout me dire, j'adore le dernier Electric Wizard alors si tu veux t'épancher sur tes faiblesses musicales, t'as toqué à la bonne porte ! Et pour t'aider un peu, je m'en vais te causer du dernier Pantheist.
Un album sacrément bancal celui-là, dont l'histoire repose sur deux hold-up. Un premier que les cambrioleurs aiment nommer « le croc-en-jambe Anathema » : quand un groupe de doom vaguement funeral mais en fait religieux, vaguement death mais en fait pastoral vire au Pink Floyd down tempo avec chant clair. Ho, la mauvaise idée ! La bande à Kostas nous fait le coup du renouveau : éponyme, passage de Firebox à Grau Records, pochette le gritche ou la surfeuse d'argent prend un bain on sait pas trop et tout le toutim ! Vas-y que ça balance claviers foisonnants, guitares power chords qui sont plus là pour accompagner qu'autre chose, voix touche-moi te disant qu'il faut aller bien parce que c'est bien d'être là, qu'on est là parce qu'on est là hein après tout ! Tout ça sent le revirement de papy qui se force à hurler de temps en temps pour la figure (« Broken Statue » ou « The Storm » c'est fugace mais ça y est), raconte des bluettes « plus belle la vie » (les paroles de « Broken Statue » sur la vengeance qu'offre le temps aux romantiques rejetés par les femmes, aussi nouveau qu'un poème de Corneille), balance des passages proggy flamenco dénotant avec l'ensemble du morceau (« The Storm ») et ces claviers mon dieu ! Clavecins, chœurs cheap, néo-classique guimauve-core, mélopées dégueulasses, psychédélisme daté, harmonies ! Comment peut-on oser composer des parties si enjouées à la limite du Simon And Garfunkel avec piano poppy à l'image de « Live Through Me » ? Comment peut-on écrire un titre comme « Be Here » et ne pas voir que l'on se vautre avec ce refrain en crescendo où l'on sent à des kilomètres poindre des larmes de midinette new age prétendument océanique ? Même My Dying Bride aurait reculé !
Ben ouais, mais ce disque de moines s'essayant à la ballade me fascine. On tient un truc à part avec Pantheist, qui hésite entre la scène anglaise, Evoken, Harmonia Mundi et surtout rate, rate tellement que ce cinquième jet est sans doute l'œuvre la plus doom du groupe ! Il dégouline de sonorités vieillottes, de guitares poussiéreuses s'imaginant pimpante, de voix célestes passées au filtre du mix low-cost pour un résultat étrangement suranné et pathétique. Une ambivalence que l'on retrouvait déjà dans les précédents essais du groupe (Aaaaah les passages bucoliques de O Solitude), augmentées ici d'un changement de registre ainsi qu'une somme d'éléments indirects voulus ou non où le rendu sonore pèse fortement dans la balance. Le deuxième hold-up : avoir foutu Greg Chandler d'Esoteric à la production d'un album de doom/rock progressif. Inutile de rappeler que ce mec est frappé, il a une discographie entière pour le prouver. Sa patte se ressent sur l'opus au point que « 4 : 59 » avec ses superpositions d'anges et son arpège passé au tube attrapent une ambiance abyssale qui n'aurait pas dépareillé sur The Maniacal Vale par exemple. C'est en partie ce qui rend cette musique poignante contre mon gré, le sentiment qu'un voile mystique drape ces lignes sucrées. Quelque chose qui laisse penser que ces perdants semblant viser l'émotion facile appellent en fait ce qui vibre sous le manteau de chair.
Je n'y peux rien ! À froid, Pantheist me parait kitsch, mièvre, grossier. L'impression perdure lors de l'écoute mais il devient kitsch comme la porcelaine nacrée que les personnes âgées gardent dans leur commode, mièvre comme ces peintures réalistes représentant les chaînes pyrénéennes sur un papier peint jauni, grossier comme ces ex-voto populaires remerciant les saints par des gribouillis, finalement savoureux comme un fondant. Si tu décides de tenter l'expérience, j'espère que tu trouveras ce que j'ai perçu derrière cette madone au sourire fardé : une forme d'innocence.
| lkea 30 Mars 2011 - 2281 lectures |
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