Belenos - Spicilège
Chronique
Belenos Spicilège
Il y a presque un an, je m’étonnais dans la chronique de l’excellent Yen Sonn Gardis de l’absence presque totale du nom de Belenos en ces pages frôlant pourtant la perfection ; ma déception n’ayant pas provoqué plus d’effet à la rédaction qu’un pochton d’herbes de Provence acheté devant la gare, je me suis donc résigné à m’attaquer tout seul à la discographie du bretonnant. La question de savoir par quel album commencer vite élucidée, c’est avec Spicilège – ou l’album avec lequel la stable et sincère histoire d’amour qui me relie à la plupart des productions du talentueux Loïc Cellier a débutée – que j’ai décidé de parler une nouvelle fois du monsieur et de son aptitude déconcertante à faire voyager en deux temps trois trémolos quiconque à déjà mis un pied dans l’ex forêt de Brocéliande.
Après un Errances Oniriques très prometteur mais loin de l’excellence que va atteindre Belenos dès ce deuxième méfait, Loïc Cellier décide à travers cet album au nom sans équivoque de mettre à profit l’expérience tirée de l’enregistrement de son premier full length en ajustant et réenregistrant des morceaux issus de ses premières démos et diable, quelle heureuse initiative que d’avoir donné une nouvelle jeunesse à ces titres tant il aurait été tragique de passer à côté. Alors que les adeptes de pagan black metal, de black metal, de metal n’attendent plus et se jettent sur ce disque aux failles bien dissimulées car 2002 a bien été l’année où Belenos est rentré dans la cours des grands de plus en plus talentueuse de la scène noire hexagonale et ce n’est pas un malheureux manque de reconnaissance inférieur à celui accordé à ses compatriotes Blut Aus Nord et Deathspell Omega qui lui fera défaut qualitativement parlant. Dès l’irréprochable "Tal Ifern" le sieur – accompagné cette fois de Guillaume Dallery à la guitare, David Foulon à la basse et Marc Devilliers à la batterie – joue carte sur table et il faudrait être bien difficile pour ne pas succomber à l’efficacité du riffing et la faculté de chacune de ses notes à toucher là où il faut, s’installant bien confortablement dans un coin de votre tête pour un long moment. Une rapide introduction typée pagan et les choses sérieuses commencent sans plus attendre et dès lors les reproches valables à l’encontre de Errances Oniriques ne sont plus qu’un mauvais souvenir, les chants « incantatoires » moyennement maitrisés sont aujourd’hui oubliés, les chœurs sont désormais parfaitement intégrés à l’ensemble et l’art du riff-qui-tue est justement calibré entre deux blast-beats d’un batteur à la technicité impressionnante et quelques breaks plus calmes laissant même la place en quelques occasions à des parties acoustiques justifiant un étiquetage qui pourrait sembler inapproprié durant la majorité de l’album.
L’ensemble et le monde dans le lequel il nous transporte est si cohérent qu’on a du mal à croire à une simple compilation de titres que la tête pensante du groupe se refusait de jeter au placard si rapidement, mais le résultat est là et si je ne m’étais pas un peu renseigné avant la réalisation de cette chronique, j’aurais mis ma main à couper que la totalité des morceaux avaient été écrits pour l’occasion tant ils créent un tout homogène où chaque note semble avoir sa place et ce en connaissance de l’intégralité de ces quarante cinq minutes. Le pari est tellement bien réussi qu’en plus de surpasser en tout point son prédécesseur, Spicilège reste aujourd’hui encore un des albums de Belenos qui revient le plus souvent sur le dessus de la pile et le plaisir éprouvé de la première à la dernière seconde n'est en aucun altéré par la multiplication des écoutes. De "Ensorcelé" et "Terre de brume" qui entrainent définitivement l’auditeur dans l’univers de leur géniteur grâce à des structures toujours aussi dévastatrices alternant riffs d’une intensité et d’une puissance redoutable et quelques plans plus aérés qui permettent au tout de respirer quelques instants jusqu’à "Loin au nord" (certainement un des titres qui m’a le plus marqué de prime abord en raison de son passage dantesque à 1 :54) ou encore son intraitable successeur "L’antre noir", tout n’est qu’évidence et équilibre. Sans ne jamais perdre une once de son efficacité, la musique de Belenos parvient à développer une ambiance imparable et c’est bien là le coup de maître de la formation ; et le travail fourni sur les guitares du duo Cellier / Dallery qui se complètent et s’entremêlent avec une étonnante facilité y est pour beaucoup.
Le seul réel reproche que je pourrais émettre à l’égard de Spicilège serait en tout premier lieu le même que sur la plupart des réalisations de Belenos, à savoir une durée certes respectable mais ô combien insuffisante quand on propose un contenu de cette qualité et quand on sait que la barre des soixante minutes a déjà été dépassée avec succès de très nombreuses fois dans des registres black metal proches de celui dans lequel les bretons évoluent. On pourrait ensuite rentrer dans le détail et chercher la petite bête qui ne se révèle qu’à force d’écoutes acharnées et attentives et regretter par exemple une caisse claire au son parfois dérangeant en dépit de la qualité globale du reste de la production et de la prestation quasi irréprochable du batteur , ou encore la courte introduction de "Par Belenos" qui surprend et s’avère être à mon goût un cran en dessous de tous les autres plans acoustiques qui parsèment sans aucun accroc le reste de l’opus. Enfin, certains pourront déplorer l’outro "Chant d’automne" d’un acabit moindre à celui des quarante trois autres minutes mais tous ces détails sont au final bien insignifiants comparés à l’impression générale qu’il reste à l’issue de l’écoute complète de l’album et ils n’affecteront que de manière minime un avis final plus que positif et enthousiaste.
Nostalgie de la première rencontre ou qualités intrinsèques au méfait ? Un peu des deux très certainement. Toujours est-il que Spicilège reste un de mes albums de prédilection de Loïc Cellier et probablement même de black metal en général tant après trois années d’écoutes régulières, il n’a rien perdu de sa saveur d’origine et a bien au contraire comme principale conséquence de me faire replonger dans le reste de la discographie du monsieur. Sans transcender de par son originalité, Belenos a incontestablement un son qui lui est propre, une marque de fabrique si difficile à obtenir de nos jours qui lui permet, appuyée par une discographie sans faux pas, de s’affirmer comme l’une des formations les plus talentueuses de l’hexagone. Vous auriez tord de vous priver de ce plaisir en ne jetant pas au moins une oreille sur les extraits disponibles.
| Squirk 6 Novembre 2011 - 3739 lectures |
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