Belenos - Yen Sonn Gardis
Chronique
Belenos Yen Sonn Gardis
Belenos. Si ce nom vous est inconnu, vous êtes autant à blâmer que ce malheureux webzine qui, en plus d'occulter toute la discographie du talentueux Loïc Cellier, ne propose que deux misérables news datant de 2007 concernant ce one-man-band qui redore depuis presque dix ans le blason du pagan black metal français. Je ne suis peut-être pas le plus grand expert qu'il soit en la matière mais avouons que hormis Aes Dana, peu d'autres groupes de notre chère scène hexagonale peuvent se vanter de rivaliser avec les grands noms scandinaves que sont Arckanum, Kampfar, Drudkh ou encore Nokturnal Mortum. Mais Belenos est bien là et revient aujourd'hui avec son cinquième album : Yen Sonn Gardis qu'il aura fallu impatiemment attendre pendant trois ans après un Chemin De Souffrance qui plaçait la barre à un très haut niveau. Evitant soigneusement tous les reproches inhérents aux audacieux mélanges entre black metal et éléments folkloriques, à savoir un juste milieu qui, s'il n'est pas parfaitement maitrisé peut transformer en un instant une bonne intention en vaste blague festive, le frontman parvient sortie après sortie à me faire voyager avec une facilité déconcertante. Mais trêve de présentation, embarquons dès maintenant pour les terres brumeuses et mystérieuses de la Bretagne du sieur Loïc.
C'est sur la longue introduction "Aspedenn" que Belenos nous propose d'entrer dans son univers froid et mélancolique. L'utilisation d'instruments folks renoue avec son passé puisqu'ils étaient fortement mis en retrait sur son aîné, nous plongeant ainsi en douceur dans l'atmosphère celtique et obscure du méfait. Un riffing simpliste mais enivrant donne tout de suite le ton avant l'explosion qui lance réellement l'album : "Holved Hirisus". Titre d'une richesse particulière qui passe avec aisance d'un black metal brut, à des plans plus mélodiques aux leads entêtants et aux cœurs planants, jusqu'aux interludes acoustiques presque atmosphériques. C'est justement la diversité de tous ces éléments avec lesquels Loïc Cellier joue brillamment tout au long de ce Yen Sonn Gardis, qui empêche toute routine de s'installer et happe l'auditeur pour un voyage à l'aura religieuse semblant faire l'apologie des paysages sibyllins de la Bretagne.
Comme vous avez pu le remarquer, un changement notable a eu lieu puisque Belenos abandonne la langue française au profit du brezhoneg, comme l'atteste la totalité des paroles de l'opus. Cette évolution a pour effet principal de renforcer un peu plus encore cet aspect celtique souligné plus haut, rendant ainsi plus évident encore l'hommage rendu par son géniteur et la passion qu'il porte pour la terre de ses origines.
Malgré l'utilisation assez fréquente du terme « folklorique » au court de ces quelques lignes, sachez qu'ici ces éléments ne sont utilisés que pour renforcer la mélancolie d'un riff ou pour servir d'interlude, conférant ainsi une ambiance assez particulière au méfait et une certaine hétérogénéité à ces compositions. "Ene Kelt" et "Skorn Ha Tan" nous chahutant au milieu d'un climat sombre et énervé tandis que "Baleerien An Are" nous replonge immédiatement dans un univers plus calme mais incroyablement dépressif et tourmenté. L'utilisation récurrente des chœurs offre un contraste particulièrement frappant avec le chant black metal et les quelques gutturaux typés death comme sur le solennel "Gorsedd" ou Loïc Cellier nous montre toute l'étendue de son talent de vocaliste. De la même manière, le travail sur l'agencement entre les passages mélodiques des instruments traditionnels bretons et les guitares froides et agressives est tout simplement épatant, comme l'atteste le surprenant et entrainant "Mestr Ar Choad". L'album se clôt sur les chapeaux de roues avec le doublet : "Taol-Digoll" alternant constamment entre brutalité pure et nostalgie, et "En Argoll" qui se rapproche presque du black metal traditionnel tant il est dénué de ses breaks folks qui caractérisaient les autres titres. C'est le simple bruit du vent qui nous guide jusqu'à la fin abrupt et inattendu de ce Yen Sonn Gardis comme une ultime référence à la nature omniprésente tout au long de ses quarante-cinq minutes.
Malheureusement, ce sont ces trois derniers mots qui constitueront ma seule véritable déception face à cet opus : sa durée. Malgré le fait qu'il dure à peu près trois fois plus de temps qu'un album de slammoshing brutal death-grind technique à chant black, je ne peux m'empêcher de regretter qu'à l'inverse de ses voisins d'outre-Atlantique et Allemands Agalloch et Dark Fortress dont les méfaits passent haut la main la barre des soixante minutes, une envie d'en avoir plus vient m'obnubiler à peine le disque arrêté. Je ne peux que trouver dommage qu'après un tel déballage de talent, la première pensée qui me vienne à l'esprit au final ne soit que « c'est déjà terminé ? ». Je fais peut être la fine bouche mais un morceau ou deux de plus auraient pu considérablement augmenter ma note.
En définitive, c'est un sixième opus de haute volée que nous propose Loïc Cellier qui jongle avec toujours autant d'habileté entre la brutalité du black metal et les atmosphères aussi belles et émouvantes que sombres, dégagées par les ponts folkloriques. Sans surpasser les précédentes réalisations et ne se plaçant en aucun cas en dessous de celles-ci, c'est encore une fois d'un très bon album dont nous gratifie Belenos qui s'ancre toujours un peu plus profondément comme une des formations black françaises les plus redoutables. Malgré le défaut propre à ma perception de cet opus, Yen Sonn Gardis n'en reste pas moins une des meilleures sorties du genre de cette fin d'année 2010, au même titre que Marrow Of The Spirit (Agalloch) et Paracletus (Deathspell Omega).
| Squirk 27 Novembre 2010 - 3473 lectures |
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