Adversarial - Prophetic Plain Of Abyssal Revelation

Rien de tel qu'un petit EP pour patienter avant la sortie d'un nouvel album! Bon, avouons-le, beaucoup n'ont pas grand intérêt. Mais tant qu'on ne se retrouve pas avec des lives ou des démos rehearsal au son pourri, moi ça me va. C'est même un format qui me convainc en général plus que des full-length sur lesquels les groupes risquent davantage de faire un faux pas. L'EP qui nous intéresse ici est la dernière sortie des Canadiens d'Adversarial dont j'avais chroniqué le premier full-length All Idols Fall Before The Hammer. Un album intéressant et prometteur mais plombé par une production cacophonique qui faisait passer la caisse claire de St. Anger pour un modèle de pureté. Dark Descent Records, en plein boom, décide de sortir moins d'un an après ce Prophetic Plain Of Abyssal Revelation sous la forme d'un beau et fin digipak à l'esthétique sombre somptueuse. L'intérêt? Prophetic Plain Of Abyssal Revelation reprend les trois titres de la démo Thralls de 2009, disponible seulement en K7. En bonus, une chute de studio de ladite démo, un nouveau morceau et deux reprises. Soit sept titres pour presque une demi-heure de musique. Pas mal pour un simple EP quand d'autres font de la même durée un album complet! Clairement de la bonne came pour les novices. Et pour ceux qui connaissent déjà le combo de Toronto, rien de bien nouveau mais les inédits suffisent à l'achat de la bête.

Commençons par la démo Thralls, tout premier jet des Nord-Américains pour leur introduction à la scène, qui en retour avait plutôt bien accueilli la formation. La démo s'avère logiquement proche du full-length puisque deux titres sur trois avaient été repris, "Scourge of A World Ablaze" et "Thralls". Au niveau du son, les trois compos se révèlent tout aussi raw que All Idols Fall Before The Hammer, si ce n'est plus, avec une batterie tintamarresque et un chant guttural très bas allié à des shrieks qui couvrent souvent le reste, soit les guitares puisqu'il n'y a pas de basse (les grattes étant accordées dans les chaussettes, son absence ne se fait pas ressentir). La caisse claire sonne cependant un peu moins désagréable à l'oreille, moins métallique, et ce n'est pas un mal. Ce côté naturel a de toute façon son charme et, même si ça ne plaira pas à tout le monde, on peut saluer la décision du groupe de jouer franc-jeu. On entendra ainsi régulièrement le volume des fûts fluctuer à mesure que le batteur se fatigue.

Adversarial présentait donc sur Thralls sa façon de voir les choses, du death metal sombre et brutal aux touches black metal. La production crue et le jeu de batterie malheureusement brouillon qui ne lésine pas sur les blast-beats et semi-blasts rendent le tout chaotique et bestial. Pas de Ross Bay Cult worship ici toutefois, le trio s'éloignant de la scène war nationale sur plusieurs aspects. Si brutalité il y a, Adversarial s'applique ainsi à instaurer une vraie atmosphère, particulièrement noire, par le biais d'intros en arpèges pour "Scourge of A World Ablaze" et "A Hatred Tempered And Trialed" mais surtout de bons riffs ténébreux qui ont quelque chose de particulier et d'addictif, avec parfois même une pointe de mélancolie. Le groupe possède sa propre patte et c'est bien son riffing travaillé qui n'a pas peur des mélodies qui le rend intéressant. Débarque ensuite l'inédit issu des mêmes sessions d'enregistrement, "Prophetic Plain Of Abyssal Revelation". Le morceau qui donne son titre à l'EP est étonnamment le moins bon, en particulier à cause d'une production à la limite de l'inaudible puisqu'il a été mixé et masterisé avec les pieds en 2010. On navigue toujours dans un blackened death metal dark et chaotique mais difficile de s'emballer du coup. Personnellement j'ai mes limites en terme de qualité sonore et les Canadiens franchissent ici la frontière. La suite, elle, s'avère bien plus réjouissante. La nouvelle compo, "Impending Eternal Blackness", continue dans la même voie tout en développant le côté sombre, mélodique et dissonant comme le prouve l'introduction et la séquence après 2'25. Immolation n'est pas loin. Et niveau son, Adversarial fait des efforts de clarté même si le groupe a toujours tendance à sur-mixer les tambourins et les vocaux au détriment des riffs, riffs qui sont pourtant son point fort. Allez comprendre! Prophetic Plain Of Abyssal Revelation se termine sur le clou du spectacle, deux reprises de deux des influences majeures des Torontois, Archgoat et Incantation. La cover de "The Light-Devouring Darkness" est dantesque et enterre carrément l'originale. Il faut dire que je ne suis pas non plus le plus grand fan des Finlandais. Mais plus rapide et brutal, c'est LE titre de l'EP en ce qui me concerne. Mon Satan ces gros blasts dès l'entrée sur un riff evil des plus primitifs, enchaîné par un riff et une rythmique aussi simples qu'entraînants! Jouissif! La dernière piste me ravit tout autant puisque non seulement Adversarial reprend l'un de mes groupes préférés, Incantation, mais il a aussi la bonne idée d'être un peu plus original que les autres dans le choix du titre en sélectionnant un extrait du sous-estimé Blasphemy. Un instrumental en plus, le glorieux "A Once Holy Throne", lent et majestueux, qui clôt l'œuvre en beauté sur une note plus calme. Quoique, pas tout à fait puisque le combo finit sur les premières secondes du brutal "Crown Of Decayed Salvation" avant de plier bagage. Quelle bande d'allumeurs, frustrant!

Le fait que les deux reprises constituent le meilleur passage de l'album montre toutefois le chemin qu'il reste à parcourir pour Adversarial. Les Torontois ne font pas encore partie des grands et il va falloir du travail pour parvenir à ce niveau. Mais le potentiel est là, en particulier grâce à un riffing sinistre intéressant et une brutalité délectable. Le groupe va d'ailleurs dans le bon sens à en juger par le nouveau morceau à la production moins assourdissante. Un meilleur son et un chaos davantage maîtrisé, voilà ce qu'il faudra aux Canadiens sur leur prochain album s'ils veulent passer au stade supérieur. En attendant, ce Prophetic Plain Of Abyssal Revelation s'avère un amuse-oreilles alléchant et un bon moyen de découvrir le groupe.

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