Sadus - Chemical Exposure
Chronique
Sadus Chemical Exposure
(Illusions)
Laissons un peu de côté l’actualité pour nous pencher aujourd'hui sur une formation qui aurait mérité sa place ici bien avant que je m’y attelle. Alors évidemment, Sadus n’est pas le seul groupe dans ce cas de figure (une liste longue comme le bras qui ne désemplie pas…) mais comme c’est encore moi qui choisi les chroniques que je rédige et que mes journées ne font malheureusement que vingt-quatre heures, je vous invite à adresser vos desiderata à mes chers et estimés collègues qui se feront un plaisir de ne pas y répondre.
Formé en 1984 à Antioch, paisible bourgade située à quelques kilomètres à l’est de San Francisco, Sadus voit le jour à l’initiative de quatre adolescents âgés de seulement seize ou dix-sept ans. Parmi eux, un certain Steve DiGirogio qui ne manquera pas de se faire remarquer dans les années à venir pour son jeu ultra dynamique, sa technique évidente (monsieur joue sans médiator et sur des basses fretless) et son groove irrésistible. Aussi, après deux démos (D.T.P. et Certain Death) et ce fameux split en compagnie notamment de R.A.V.A.G.E. (pre-Atheist) et Xecutioner (pre-Obituary), le groupe s’attelle à la composition de son premier album qu’il enregistrera en 1988 aux Starlight Sound Studios en compagnie du guitariste (Metal Church, Metallica (live)) et producteur (Autopsy, Hexx) John Marshall. Intitulé Illusions à sa sortie, l’album est pourtant très vite rebaptisé Chemical Exposure. Un changement de titre qui s’accompagne également d’un nouvel artwork afin très probablement de coller davantage avec cette imagerie Thrash post-apocalyptique typique de la fin des années 80. Enfin, chose assez surprenante pour l’époque, ce premier album est sorti en autoproduction via Sadus Records (structure montée par le groupe pour l’occasion). Il faudra attendre 1990 pour qu’un label, en l’occurrence R/C Records (sous-division de Roadrunner Records), se décide à faire le bon geste et ainsi ajouter les Californiens à son roster.
Les amateurs de Thrash le savent déjà mais ce Chemical Exposure est probablement l’un des albums les plus sauvages de son époque ainsi que l’un des premiers à faire aussi nettement le pont entre Thrash et Death Metal. Il faut dire aussi que pour une première, Sadus n’a pas fait les choses à moitié. Torché en moins d’une demi-heure, ces dix titres font montre d’une rare intensité ainsi que d’un niveau technique relativement bluffant pour des gamins de cet âge-là (tout juste vingt ans au moment des faits). Certes, les Californiens n’ont jamais eu la même renommée que certains de leurs contemporains (encore une fois, en 1988, le Thrash s’apprêtait à prendre en pleine tronche une déferlante Death Metal qui le rendrait presque désuet aux yeux d’un public en quête des choses plus extrêmes) mais cela n’enlève strictement rien aux qualités intrinsèques et tout à fait évidentes de ce premier album particulièrement redoutable.
Mené ainsi pied au plancher, Chemical Exposure brille assurément par cette énergie et cette agressivité débordante qui transpirent de chacune de ces dix compositions (hormis ce morceau-titre instrumental faisant office de conclusion). Une intensité toute juvénile entretenue à coups de Slayer, Metallica, Kreator, Possessed, Razor, Dark Angel et autres douceurs du même genre qui va se traduire dans les faits par une approche un brin foutraque consistant tout simplement à en mettre partout, tout le temps. Loin d’être un frein à l’appréciation de ce Chemical Exposure, cela lui confère au contraire un véritable sentiment d’urgence toujours aussi jouissif trente-deux ans plus tard. Sans aucune forme de retenu mais avec une maîtrise pour le moins surprenante (jouer aussi vite et aussi propre tout en étant pertinent n’est clairement pas donné à tous le monde), les quatre californiens s’acharnent ainsi sur leurs instruments comme si leurs vies en dépendaient, cavalant sans jamais s’arrêter ou presque (quelques séquences plus en retenues ici ou là qui en plus de se compter sur les doigts d’une main, ne durent jamais très longtemps), balançant sans crier gare ces riffs concis et nerveux exécutés à plus de cent à l’heure, nous gratifiant au passage de quelques solos frénétiques joués au feeling chaotico-mélodique évident, jouant de cette basse avec une dextérité et une rapidité qui frôle l’insolence, hurlant à la mort leur visions post-apocalyptiques ou leur souhait de voir disparaître une bonne fois pour toute tous les poseurs de la scène ("Torture" et ses cris à bout de souffle qui ne sont pas sans rappeler ceux de Stace "Sheepdog" McLaren des Canadiens de Razor)... Bref, il vous faudra être sacrément bien accroché pour ne pas être terrassé par cette déferlante Thrash aussi agressive qu’excessive.
A la manière d’un Morbid Saint ou d’un Whiplash, le Thrash de Sadus se montre d’une extrême virulence et atteste au passage d’un groupe déjà en pleine possession de ses moyens. Cette intensité a néanmoins un prix dans la mesure où les riffs dispensés par les Californiens ne sont pas nécessairement parmi les plus mémorables que l’on ait pu entendre. Non pas parce qu’ils s’avèrent être médiocres mais tout simplement parce que la sauvagerie avec laquelle ils sont exécutés et cette constante agression que nous impose le groupe tend à les rendre plus difficiles à assimiler. Un parti pris qui à l’époque a su ravir à n’en point douter tous les jeunes en quête de Thrash extrême mais qui à l'inverse aura laissé de côté tous ceux appréciant l’aspect plus mélodique (Metallica, Megadeth, Testament, Exodus, Forbidden...) ou catchy et fun (Anthrax, Nuclear Assault, D.R.I., S.O.D., etc) portés également sous la bannière Thrash. En attendant, Chemical Exposure est un album qui n’a pas pris une ride et qui continue encore aujourd'hui de faire référence dans le milieu (enfin seulement parmi les gens de bon goût).
| AxGxB 4 Février 2020 - 2057 lectures |
|
DONNEZ VOTRE AVIS
Vous devez être enregistré(e) et connecté(e) pour participer.
7 COMMENTAIRE(S)
citer | AxGxB 06/02/2020 07:24 | note: 8.5/10 | Merci messieurs |
citer | Cet album c'est une agression non stop pendant 30 minutes.
Rien de ultra mémorable mais quelle fougue...
Je préfère aussi Swallowed qui viendra après, où le groupe gardera intacte cette sauvagerie, mais avec de meilleures compos à mon sens.
Merci pour la chro ! |
citer | Bien d'accord, ça paraît bête et brouillon mais c'est pas si simple que ça a assimiler. Je préfère Swallowed in Black cependant, même si ce disque déchire. Quoi qu'il en soit, ça fait zizir de voir ce groupe dans nos lignes ! |
citer | AxGxB 05/02/2020 07:36 | note: 8.5/10 | Rigs, TarGhost, merci |
citer | De mon côté c'est "A Vision of Misery" qui reste mon preféré du groupe. Forcément puisque écouté la rage au bide des dizaines et des dizaines de fois à gratter des pages de punition en maudissant mes profs...forcément ça marque et pour de bon ! Comme le "Epidemic of violence" de Demolition Hammer d'ailleurs, qui lui aussi m'a permis de tenir bon dans ces moments-là Ce n'est que quelques mois plus tard qu'un pote m'a fait découvrir les 2 premières galettes de Sadus. Deux très grosses claques ! Que tu retranscris bien dans ta chro d'ailleurs... |
citer | Album que j'écoute encore régulièrement aujourd'hui, comme les 1ers Dark Angel, Kreator et Slayer... C'est bourrin as fuck, ça rentre dans le lard et ça ne perds pas de temps, voilà, ça c'est du putain de thrash !! |
citer | Très bonne chro, et je suis d'accord avec toi lorsque tu dis que la musique de Sadus est alors difficile à assimiler, on en retient plus l'agression que son accroche, toute relative. C'est pas une critique de ma part, Sadus est l'un de mes groupes favoris et j'en aime chaque album. Je trouve d'ailleurs dommage qu'ils aient stoppé la machine après Out for Blood, qui justement travaillait son aspect catchy sans jamais laisser tomber cette véhémence, cette noirceur. Reste que Chemical/Illusions c'est le symbole d'une époque où le metal devenait plus extrême, que je n'ai pas connue en direct mais que cet album, avec les premiers Kreator ou Sacrifice, me fait vivre par procuration. |
AJOUTER UN COMMENTAIRE
7 COMMENTAIRE(S)
06/02/2020 07:24
05/02/2020 23:50
Rien de ultra mémorable mais quelle fougue...
Je préfère aussi Swallowed qui viendra après, où le groupe gardera intacte cette sauvagerie, mais avec de meilleures compos à mon sens.
Merci pour la chro !
05/02/2020 22:33
05/02/2020 07:36
04/02/2020 21:13
04/02/2020 17:42
04/02/2020 15:57