Ne Obliviscaris - Portal of I
Chronique
Ne Obliviscaris Portal of I
9 ans après leur formation, 5 ans après leur seule et unique démo, les Australiens se décident enfin à sortir un premier album. On pourrait croire que Ne Obliviscaris est un groupe qui prend son temps ; à l'écoute de ce pavé vous changerez probablement d'avis tant ce temps semble nécessaire pour aboutir au résultat qu'est cette oeuvre. J'ai tendance à me méfier du buzz que provoquent certaines sorties, mais avec "Portal of I" personne ne s'y est trompé. Il n'y a qu'à parcourir webzines et forums pour s'en rendre compte et je ne serais d'ailleurs pas étonné qu'il se retrouve dans bons nombres de bilans annuels dans la catégorie "album de l'année". Vous l'aurez compris, ce n'est pas moi qui prendrait le contre-pied de l'avis général, peut-être simplement parce qu'il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître la qualité de ce premier jet.
Ne Obliviscaris, c'est d'abord un putain de culot, un style hybride et expérimental qui puise dans diverses branches du metal, voir plus. Leurs compositions évoquent le death progressif d'Opeth à la fin des années 90, le dark folk teinté de black des derniers Agalloch, les envolées épiques et tragiques du Disillusion de "Back to Times of Spendor", les grandes heures du death mélodique suédois... et plus étonnant encore, les cordes de The Sins of Thy Beloved, au risque de déplaire aussi bien aux amateurs de metal extrême progressif que de gothique symphonique. Loin d'être bordélique, leur musique s'amuse à jouer les équilibristes, enchainant les ambiances dans une insolente cohérence. Vu la durée des morceaux et leur complexité, difficile de décrire précisément le style de Ne Obliviscaris. En majorité, c'est l'intensité qui prime, entre riffs ultra mélodiques et blasts black/folk sur lesquels viennent parfois se greffer du violon ou du chant clair, même si bien sûr, ce sont le growls black/death de Xenoyr qui se font la part belle. Outre le talent de composition des Australiens, cette intensité résulte d'un niveau technique ahurissant et d'une grande musicalité : chaque membre participe à la profondeur de ces paysages, de l'ingénieux jeu du batteur, à la basse en passant par le violon larmoyant de Tim Charles (Pete Johansen sort de ce corps), avec en tête ces guitares qui m'ont arraché une larme en bon vieux fan de death mélodique suédois. En dehors de ces moments, le groupe prend le temps de se poser sur de nombreux passages calmes où l'on retrouve principalement guitares acoustiques, violons et chant clair. Bien que ça ne soit pas forcément le point fort du groupe, ces passages offrent un autre visage à leur style et servent souvent de tremplin à des suites dantesques (la fin de "Xenoflux" parle d'elle-même).
La grande force de ces Australiens réside dans leur capacité à produire une musique très accessible de part ses riffs accrocheurs et son côté mélodique, tout en proposant un réel défi à l'auditeur qui au final, se heurtera à la richesse et à la complexité des structures de ces 7 pièces, conférant à ce premier album une grande capacité de réécoute. Chaque morceau évolue à sa manière à travers différentes ambiances et se construit sur un schéma de progression qui lui est propre, s'étirant souvent sur une dizaine de minutes. Ne Obliviscaris n'est visiblement pas du genre à faire du recyclage. On aimerait parfois que certains airs reviennent mais ici on va de l'avant et de surprises en surprises. Evidemment, avec un tel tableau, on ne peut qu'être surpris, le plus surprenant étant sans doute la qualité de l'ensemble qui ne se laisse jamais aller à quelques productions de moindre facture. Tout est travaillé jusqu'à épuisement : aucun titre n'est lésé, tous contiennent leur lots de temps forts et il y en a à revendre. Chacun aura évidemment ses préférences mais tous se valent tout en proposant quelque chose de différent. En ce qui me concerne, l'orgasme auditif a été atteint sur "Xenoflux" avec sa fin monumentale, "As Icicles Fall" à l'intro imparable et la fantastique conclusion "Of Petrichor Weaves Black Noise". Ce qui se dégage de "Portal Of I" risque également de vous surprendre. En effet, l'atmosphère de cet album a quelque chose d'étrange. Malgré l'absence de claviers, d'arrangements électroniques, malgré le fait que tout soit fait avec des instruments *classiques* et malgré le côté folk et mélodique de leur musique, cet album est incroyablement froid, d'une beauté tellement parfaite dans sa construction et son exécution qu'elle possède un charme glacial que même les moments les plus intimistes n'arrivent pas à faire taire.
Excepté quelques longueurs (notamment sur le début de "Forget Not"), je ne vois pas grand chose à reprocher à ce premier album qui place d'emblée la barre très très haut. Après la perfection reste subjective et vu l'audace des Australiens, certains auront probablement plus de griefs que moi à leur encontre, sans doute au sujet de l'intégration du violon que je trouve personnellement très bien sentie et au sujet du chant clair que certains trouveront peut-être trop pleurnichard. Rien d'étonnant néanmoins car les seules personnes pouvant adhérer à 100% à leur style sont souvent bien isolées, amateurs de death mélodique, de metal progressif et de gothique symphonique. Alors si par hasard vous vous renconnaissez un peu dans cette description, sachez que "Portal Of I" a été façonné pour vous. Absolument magnifique.
| Dead 21 Juillet 2012 - 4856 lectures |
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