Bientôt 3 ans que les Australiens ne nous avaient pas régalés de leur vision de la musique... Le temps ne m'avait pas paru si long. Il faut dire que leurs 2 premiers albums ne font pas partie de ces oeuvres éphémères qui se fanent en quelques mois. Au contraire, ils ont tendance à se bonifier au fil des écoutes, dévoilant progressivement leurs richesses, de quoi nous faire sagement patienter. De son côté, le groupe a tenté de bousculer l'industrie musicale pour vivre de sa musique. En plus des campagnes de crowdfunding, il essaie depuis 2016 de trouver un revenu régulier via Patreon et de gagner en autonomie. Un défi audacieux mais pas irréaliste vu le nom qu'il s'est taillé auprès de la scène extrême durant ces 5 dernières années. L'année 2017 n'a malheureusement pas apporté que des bonnes nouvelles et voit notamment la mise à l'écart de Cygnus pour de tristes histoires personnelles et judiciaires sur lesquels les membres se sont longuement étendus (Google est ton ami si tu veux savoir). Ce troisième album s'est donc fait sans le talentueux bassiste, remplacé en studio par le néerlandais Robin Zielhorst, loin d'être un amateur puisqu'il avait également été engagé par les Américains de Cynic sur l'EP "Re-traced". Pour le reste, on prend les mêmes et on recommence, pour notre plus grand plaisir.
En errant sur Youtube, il m'a été donné de lire une expression qui résume parfaitement ma vision du cas Ne Obliviscaris : "Opeth sous stéroïdes". Enfin quand je parlais d'Opeth, je voulais dire le Opeth d'avant, vous m'aviez compris : un son unique, un style mélant metal progressif et metal extrême, des musiciens talentueux et une recherche constante de la perfection qui force le respect... La fureur en bonus bien sûr. Fidèle à la réputation du combo, "Urn" ne fera pas exception à la règle. Il s'inscrit pleinement dans la continuité du travail mené depuis
"Portal of I" et affiné avec
"Citadel". Alors que le premier album partait un peu dans tous les sens, la cuvée précédente recentrait déjà les idées autour de compositions plus sombres et monolithiques tout en conservant l'essence de leur style ; ce troisième essai se montre encore plus cohérent et compact, avec des transitions plus travaillées et des titres dans l'ensemble plus accessibles qu'auparavant de par leurs structures moins alambiquées. Les Australiens se replongent dans leur numéro d'équilibriste en conciliant les extrêmes avec d'un côté une base rythmique d'une impressionnante violence lorgnant souvent vers le black/death renforcée par le chant démoniaque de Xenoyr, et d'un autre les leads mélodiques et les interludes acoustiques des fantastiques guitaristes, sans oublier l'indécrotable Tim, son chant clair et son violon. A l'instar du reste de leur discographie, "Urn" est un affrontement perpétuel, un déferlement de forces contraires dont les interactions provoquent la beauté et dépeint des paysages irréels de paradis et d'enfer ancestraux. Cette atmosphère qui émergeait déjà sur le précédent album prend encore plus de consistance ici, guidant chaque titre jusqu'au bout de ces 46 minutes. Sur la forme, pas de grand changement à l'exception d'un renforcement des cordes et de l'intégration d'un soupçon de violoncelle, ainsi que quelques choeurs ("Saturnine Spheres"). L'ensemble demeure très organique et la richesse de l'album se dégage du simple jeu des musiciens, sans aucun artifice. J'ai toujours été bluffé par le niveau technique et le feeling de ce groupe ; "Urn" est une nouvelle fois une grosse claque sur lequel chacun exprime son talent. L'intérimaire Robin fait d'ailleurs des merveilles aux côté du jeu tentaculaire du lieutenant Dan et des 2 gratteux.
D'un point de vue purement objectif, je ne vois pas grand chose à reprocher à cet album dont le travail de composition colossal, l'interprétation et le traitement final ne souffrent d'aucune faute de goût. Si l'on n'y trouve rien qui surpasse en terme d'intensité ce que le groupe a pu produire par le passé (remember "Pyrrhic", "Xenoflux" ou encore le pavé "Painters of the Tempest"), comment résister à l'ouverture grandiloquante "Saturnine Spheres" ou au single "Intra Venus" et sa fabuleuse seconde partie (quel break !). La seule chose qui m'a fait un peu tiqué est la quasi omniprésence de Tim Charles et j'avoue me lasser parfois. S'il apporte effectivement une touche de folie et fait partie intégrante de leur identité, je ressens sa présence vraiment en décalage avec le reste. Côté chant, l'homme a tendance à en faire des tonnes sans susciter la moindre émotion, à mille lieu d'un Xenoyr, simplement parfait, charismatique et imposant. Et son violon, autrefois plus occasionnel, a perdu de son impact sur la durée car trop souvent utilisé pour guider les morceaux au lieu de les accompagner, ce qui finit par empiéter un peu trop sur les guitares. Du coup, les moments les plus calmes taillés pour lui paraissent un peu long : c'est le cas principalement du titre fleuve "Eyrie" qui revêt de faux airs d'Anathema et qui plombe le disque en son milieu malgré un final épique.
J'ai l'air de faire ma mauvaise tête mais ne vous y trompez pas, "Urn" est un fantastique album qui devrait vous apparaître encore plus fantastique si vous n'avez jamais encore eu l'occasion de vous pencher sur l'oeuvre des Australiens. Même un cran en dessous du niveau auquel il nous a habitué, le groupe nous embarque avec lui dans son univers et nous balade au gré de ses humeurs. Beau, riche, complexe, imprévisible et paradoxalement plutôt accessible, il ne fait aucun doute que ce nouvel album va continuer de faire grossir l'ordre des Ne Obluminati. Déjà hate d'entendre la suite !
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