Dir En Grey aura mis pas mal de temps à créer le successeur du génial
« Uroboros ». Et moi, j’aurais mis pas mal de temps avant de m’y intéresser. Voyant déjà l’eldorado dans leur disque précédent, « Dum Spiro Spero », sorti l’année dernière, n’a pas vraiment attiré ma curiosité. D’abord écouté distraitement, puis emprunté deux fois avant d’en faire enfin l’acquisition, cet opus aura presque mis un an avant de me convaincre.
Pour que vous compreniez bien la relation qui uni ce disque avec son précédent, je vais prendre pour exemple la carrière du groupe Emperor. Dir En Grey réédite ici ce qu’a pu faire Emperor (pas au niveau musical hein !) en sortant deux monstres d’affilé.
« Uroboros » prend la place du fameux « In the nightside eclipse », deux albums mélodiquement imparables et dotés d’une personnalité unique. « Dum Spiro Spero » se pose quant à lui, en équivalent de « Anthems to the welkin at dusk ». Des albums plus techniques, plus complexes et difficiles d’accès.
Si
« Uroboros » rentrait dans l’humain notamment via l’émotion dégagée, « Dum Spiro Spero » est un disque qui flirte très souvent avec la folie pure, voire avec le non-humain notamment via la voix parfois fausse, et parfois bourrée d’effets. Ici on est parfois proche d’un Death lent et occulte à la Pungent Stench, d’un Sludge gras et vicieux ou d’un Black ravageur et fracassé façon Mayhem 2.0. La production aide grandement à ce constat. Lourd. Voilà clairement le mot qui résume ce que Dir En Grey à voulu faire. La basse impressionnante de profondeur et les guitares accordées plus bas que terre donnent directement le ton sur le titre « The Blossoming Beelzebub », un morceau finalement assez étrange venant de Dir En Grey, surtout en ouverture d’album. Long, Doomy, à la fois beau et inquiétant.
Le Dir En Grey nouveau se pose également comme un album infiniment compliqué. Si leur précédent disque pouvait séduire par une accessibilité (terme à prendre avec des pincettes quand même…) mélodique qui touchait directement l’auditeur, il est clair que rien n’est évident sur « Dum Spiro Spero ». Alors bien sûr, il y a des mélodies totalement estampillées Dir En Grey mais elles ne frappent pas aussi fort dès le début. Bien au contraire il faudra un sacré temps à l’auditeur pour daigner les apprécier et les apprivoiser.
Si certains disques sont souvent qualifiés avec des termes comme « obscur » ou « lumineux », cet opus serait parfaitement comparable à un immense gratte-ciel. Ancré dans un sol noir comme la suie mais résolument destiné à toucher le ciel empli de lumière pure. Chaque titre s’articule en un moment de schizophrénie, partagé entre fureur extrême et émotions blanches et précises. « Vanitas » (sûrement la plus belle semi-ballade du groupe), « Decayed Crow », « Lotus », « Akatsuki », « Yokusu ni dreambox », « Ruten no tou », sont tous des titres implacables autant que mémorables. Beaux et violents.
Dir En Grey reste quand même Dir En Grey, à tel point que ce disque représente presque une mise en abîme du groupe par lui-même. Le groupe se transcende en étant plus grand, plus complet, plus efficace. Un artwork splendide et un concept bien fouillé, limpide et tellement évident lorsqu’on écoute ce disque d’une traite, augmentent encore le rendu final. Les titres de la fin sont complètement différents ce que peuvent offrir les premiers morceaux mais on s’en rend compte uniquement si on zappe les pistes. Le concept se précise donc comme une trame écrite et construite. J’ajoute également un mot sur la « performance » des musiciens. Toshiya en premier lieu est celui qui m’a le plus bluffé avec des lignes de basse compactes, profondes mais aussi parfois groovy ou mélancoliques. Shinya le batteur est quant à lui toujours aussi fou. Ce dernier bénéficie d’une production très clinique, ce qui nous offre le luxe d’apprécier tout ce qu’il fait avec ses quatre membres et il y a du boulot ! Rythmiques lourdes, polyrythmie(s), blasts, phases de double pédale… On en voit de toutes les couleurs. Kyo est, comme à son habitude, impérial, se livrant même encore plus qu’avant. Les guitaristes ont également trouvés le moyen de sortir des riffs d’anthologie, véritables ciments de l’univers du groupe et même si ils se font moins remarquer que les autres membres, ils restent extrêmement respectables grâce à ce point.
De même, si le groupe alternait des titres orientés « ballades » et d’autres orientés « violence » sur son œuvre précédente, point de tout cela sur cette dernière production. Ici tout est mixé, et un passage étonnamment doux pourra surgir au milieu d’un titre relativement violent, et ce sans jamais faire tache ou étonner l’auditeur. Dir En Grey arrive sans aucune difficulté à mixer toute la puissance mélodique dont il fait preuve à une lourdeur incroyable (« Shitataru Mōrō », avec ce feeling si gras et si particulier).
Incroyable mais vrai, Dir En Grey a réussi à sortir un album équivalent en qualité au monolithe qu’est
« Uroboros ». Et ça, peu de groupes l’ont fait. « Dum Spiro Spero » est une réussite et il forme désormais avec son grand frère une doublette dé génie qui rappellera au monde que Dir En Grey est grand. Comment donc résumer la surprise qui se cache derrière cet album déroutant et presque décevant à la base ?
Je vous propose trois mots : « Putain de merde… ».
Kyo, vocaliste du groupe, est actuellement en passe de perdre sa voix et j’espère de tout cœur qu’il ne deviendra pas muet. Puisse t-il avoir un prompt rétablissement, ce que je lui souhaite (même si il doit s’en carer jusqu’à l’os ah ah !), et revenir en forme pour, peut-être, se surpasser une nouvelle fois avec ses acolytes.
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